Olivier Mouton
Nos entreprises sont-elles mal soutenues?
Pour développer leur stratégie, les entreprises ont besoin d’une visibilité législative à long terme et d’un cadre fiscal clair. Ce n’est pas toujours le cas chez nous.
L’information a de quoi réjouir : Pfizer investit plus de 1,2 milliard d’euros sur son site de Puurs, devenu un symbole de la vaccination contre le covid. Le Premier ministre, Alexander De Croo, soulignait le 2 décembre combien la Belgique est devenue la “vallée de la santé et de la biotech dans le monde”. Cette nouvelle rejoint la décision prise par GSK d’injecter plusieurs centaines de millions dans son siège de Rixensart ou celle, annoncée par UCB, de consacrer jusqu’à 1 milliard à Braine- l’Alleud. C’est l’expression d’une Belgique qui gagne, à l’instar de ces dizaines de start-up qui grandissent chaque jour dans le giron des universités. Avec l’espoir de franchir un cap dans leur croissance… tout en restant belges. Car tel est bien le défi, par-delà les investissements de ces multinationales.
La preuve? Une autre information, moins réjouissante, télescope la première : Collibra, entreprise belge spécialisée dans le big data, a décidé fin novembre de s’abriter sous l’aile d’un holding néerlandais, CNV Newco. Valorisée à 5,25 milliards de dollars, cette licorne avait tiré la sonnette d’alarme, avec d’autres du secteur, dénonçant un régime belge des options sur actions (stock options) jugé trop défavorable pour attirer les talents nécessaires. Faute d’avoir été entendue, elle a choisi de délocaliser ses promesses de l’autre côté de la frontière. Ce n’est pas la première fois que le cadre législatif plus favorable des Pays-Bas à l’égard des entreprises de plateforme, de l’e-commerce et des nouvelles technologies, est pointé du doigt.
“Si nos politiques avaient besoin d’un signal d’alarme, je pense qu’on y est”, clame Tanguy Goretti, cofondateur de Cowboy, autre start-up florissante. Christian Chéruy, avocat chez Loyens & Loeff, appuie, à L’Echo: “Depuis quelques années, j’observe une tendance lourde défavorable à l’investissement. Cela contraste avec l’ère Reynders (quand l’actuel commissaire européen était ministre des Finances, Ndlr) où la politique fiscale était davantage orientée vers l’international. Aujourd’hui, je ne vois plus cette politique volontariste.” Les entreprises ont besoin d’une visibilité législative à long terme et d’un cadre fiscal clair pour développer leur stratégie. Or, les gouvernements successifs, depuis 2007-2008, naviguent à vue… quand ils ne sont pas paralysés.
La Belgique a besoin d’entreprises fortes et d’entrepreneurs qui aiment leur pays, pour lesquels on doit développer un environnement propice. C’est le cas avec Fabrice Brion, CEO d’I-Care, qui confiait récemment dans un Trends Talk, notre émission hebdomadaire sur Canal Z, son amour de la Wallonie. “Cela a été fondamental dans la création d’I-Care en 2004. Je travaillais pour une multinationale américaine, j’avais des opportunités pour aller aux Etats-Unis, à Lyon ou à Milan, mais je voulais rester en Wallonie. Cela a été une des clés. Il n’y a aucune envie de faire cela ailleurs. Notre objectif est mondial, certes, mais à partir de la Wallonie.” Le spécialiste dans la maintenance prédictive industrielle occupe aujourd’hui 700 personnes.
Une autre invitée de notre Trends Talk, Amélie Matton, CEO d’Ecosteryl, a mis en avant les aides à l’exportation reçues pour que son entreprise active dans les déchets hospitaliers rayonne dans le monde entier. Paradoxe? Elle décroche trop peu de marchés en Belgique en raison de la concurrence des intercommunales…
Le soutien à l’activité privée et la fierté de contribuer au développement de nos fleurons en les aidant à rester belges devraient être les fils conducteurs de toutes nos politiques. Il en va de notre avenir.
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