Marie Buron (Womanly): “Notre société laisse tout doucement s’émanciper les femmes dans leur vie professionnelle”

Marie Buron, fondatrice de Womanly.

Marie Buron, fondatrice de Womanly, a inauguré la semaine dernière Grow Hub, à Namur, en collaboration avec Laurence Soetens, CEO de Burogest. Il s’agit du premier lieu de rencontre exclusivement dédié aux femmes entrepreneures dans la capitale wallonne.

Pour Trends Tendances, la CEO commente l’impact sociétal de Womanly sur le monde entrepreneurial.

L’entrepreneuriat féminin prend-il enfin son essor ? 

Marie Buron. Womanly a vu le jour il y a 4 ans. Le 6 février 2020 précisément s’ouvrait à Watermael-Boitsfort le premier espace de coworking belge exclusivement dédié aux femmes entrepreneures. Depuis, je trouve que les mentalités ont bien évolué. Lors de notre lancement, on commençait seulement à sérieusement discuter de la place de la femme dans le monde économique et des affaires. On voit émerger depuis une petite dizaine d’années une prise de conscience qu’il n’y a pas assez de femmes dans de nombreux secteurs. Des quotas ont été créés en politique et dans les CA d’entreprises, afin d’atteindre une certaine parité. La transition peut parfois se faire de manière assez violente, mais les choses évoluent très positivement. Même si on n’a pas du tout encore atteint l’égalité des genres. 

Comment voyez-vous évoluer l’entrepreunariat féminin?  

Marie Buron. Les femmes portent tellement de casquettes différentes, à la maison, au bureau, avec leurs amis… qu’elles sont freinées sans arrêt dans leur émancipation professionnelle. Elles auront toujours ces casquettes, mais elles auront une autre manière de les porter, de s’organiser. La société évolue dans ce sens. Aussi, parce que de nombreux couples se séparent, ce qui libère du temps à la femme pour pouvoir développer davantage son business durant les moments où elle n’a pas la garde de ses enfants. Il y a également moins de pression sur les hommes pour que ce soient toujours eux qui ramènent l’argent au foyer. Cette société en transition permet à chacun de pouvoir tout doucement trouver sa place et de laisser s’émanciper professionnellement les femmes. 

Comment un espace comme Womanly peut-il encourager les femmes à entreprendre?  

Marie Buron. Je tiens à préciser que Womanly n’est pas un cluster pour femmes, ce n’est pas du tout un espace interdit aux hommes. Nous nous défendons de toute revendication féministe. La collaboration entre les entrepreneurs masculins et féminins reste d’ailleurs primordiale. Ce que les femmes viennent chercher chez Womanly, c’est un “mindset”, un partage d’expériences, une atmosphère d’émulation, et aussi, une certaine sororité. Les femmes qui lancent leur business font face à des réalités similaires, elles rencontrent les mêmes obstacles. Se retrouver ensemble permet de lever des appréhensions, de discuter de leurs galères et de leurs petites victoires et de prendre confiance en ce qu’elles font. Car, je remarque souvent que de nombreuses femmes ont un syndrome de l’imposteur. En partageant leur expérience et leurs réalisations, ce sentiment peut s’atténuer. C’est aussi tellement plus simple de se projeter dans une autre femme que dans un homme. Une étude de Stanford a même démontré que le stress des femmes qui travaillent auprès d’autres femmes diminue et que leur productivité et leur performance augmentent dans cet environnement. 

Demain, le critère de genre ne devrait plus faire partie des consciences dans le secteur professionnel. Seuls les talents, l’expertise et les compétences seront les critères de choix.

Marie Buron, CEO de Womanly
Inauguration de Grow Huh le 16 janvier à Namur.

Quels sont les obstacles qui se dressent encore devant les femmes entrepreneures ?  

Marie Buron. Je remarque que les femmes se mettent elles-mêmes encore énormément de freins dans une société qui reste – il faut le dire – encore très patriarcale. Les femmes doivent aussi prendre conscience qu’elles doivent moins être dans le contrôle et davantage déléguer les tâches familiales et autres. Dans ce sens, nous leur offrons l’opportunité de venir se poser dans un espace où elles vont pouvoir se consacrer pleinement à leur activité professionnelle en laissant toutes leurs autres casquettes de côté et en allégeant leur charge mentale. Elle y garde uniquement leur casquette d’entrepreneuse, pas celle de maman ou d’épouse. 

Quels sont les autres atouts de Womanly?  

Marie Buron. Womenly réunit une multitude de secteurs d’activité à différents niveaux de maturité, ce qui est très enrichissant. On y trouve aussi bien des entrepreneures solos, des personnes en société ou en personne physique, des personnes en transition ou à mi-temps. On ne fait pas que “louer” une chaise de bureau avec une bonne connextion wifi et une belle décoration, on crée aussi du lien, on fédère nos membres. On fonctionne tel un accélérateur de business. 

Les femmes entrepreneures se mettent encore énormément de freins dans une société qui reste encore très patriarcale.

Marie Buron, CEO de Womanly

Votre concept “réservé uniquement aux femmes” est-il parfois mal interprété ?   

Marie Buron. A un extrême, des personnes ne le comprennent pas du tout. C’est le cas des travailleurs plus conservateurs. A l’autre extrême, il y a les féministes qui visent l’égalité et sont contre ce concept exclusivement réservé aux femmes. On navigue entre ces deux pôles.  

L’espace de co-working exclusivement dédié aux femmes.

Les femmes sont-elles plus nombreuses à se lancer, que disent les chiffres ?  

Marie Buron. Avec une croissance de 3,42% en Wallonie et de 3,62% à Bruxelles entre 2019 et 2020, l’entrepreneuriat féminin gagne du terrain. Mais, il y a encore peu de femmes indépendantes. Elles sont 35% en Wallonie et environ 34 % à Bruxelles. On est loin de la parité. Leur nombre est bien inférieur à celui des hommes puisque, en 2022, seulement un entrepreneur sur trois est une femme. Ces cinq dernières années, le nombre de femmes indépendantes à titre principal a augmenté de 9,52% contre 11,41% chez les hommes. Les indépendantes à titre principal gagnent en moyenne 30% de moins que leurs collègues masculins, ce qui pèse aussi fortement dans la balance pour franchir le pas.  

Comment motiver davantage de femmes à lancer leur business? 

Marie Buron. A Bruxelles, il existe des appels à projets qui sont lancés pour le soutien à l’entrepreneuriat féminin. En Wallonie il n’y a pas encore beaucoup d’initiatives, mais je viens d’apprendre du ministre de l’Economie Willy Borsus qu’une campagne de sensibilisation va être lancée pour encourager les femmes à entreprendre. 

Vous déclarez que “Womanly en l’état n’aura plus sa raison d’être”, c’est votre objectif à terme ?  

Marie Buron. Demain, le critère de genre ne devrait plus faire partie des consciences dans le secteur professionnel. Seuls les talents, l’expertise et les compétences seront les critères de choix. C’est vraiment ma vision et mon espoir pour l’avenir. J’espère qu’on y arrivera le plus vite possible. Womanly n’aura alors plus d’utilité. En attendant, je suis très enthousiaste de développer ce nouvel espace namurois avec la même énergie qu’à Bruxelles. D’autres pourraient s’ouvrir bientôt à Liège ou pourquoi pas à Arlon… Il y a pas mal de potentiel dans cette zone frontalière entre la Belgique et le Luxembourg.  

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