Les résultats plombés d’Orpea Belgium
Après trois années particulièrement compliquées pour le secteur des soins de santé et des révélations catastrophiques pour l’image et la santé financière du groupe leader français, Orpea pique du nez. La Belgique n’est pas épargnée. Un conseil d’entreprise extraordinaire est prévu le 16 février.
Depuis un an exactement, Orpea, leader mondial sur le segment des maisons de repos et de soins présent dans 23 pays, est dans la tourmente suite à la publication du livre Les Fossoyeurs, dans lequel le journaliste d’investigation français Victor Castanet dénonce les pratiques scandaleuses du groupe à l’égard des personnes âgées prises en charge dans nombre de ses établissements en France (Ehpad). Y sont notamment évoquées des méthodes de rationnement généralisé ou de privation de soins élémentaires pendant plusieurs jours.
Les effets commerciaux et financiers – notamment sur le cours de Bourse – ne se sont pas fait attendre, l’Etat français diligentant des enquêtes complémentaires fouillées.
Le core business est désormais limité à 10 pays stratégiques.
Après l’annonce, à la mi-novembre 2022, par le nouveau conseil d’administration, d’un plan de restructuration drastique, la réduction du champ d’activités géographique d’Orpea a débuté. Le core business est désormais limité à 10 pays stratégiques et la revente d’une importante partie du portefeuille doit permettre de dégager les liquidités indispensables pour retrouver l’équilibre financier. Le nouveau CEO, Laurent Guillot, estime qu’il lui faudra trouver près de 6 milliards d’euros d’ici 2025 pour rembourser la montagne de dettes accumulées et pour pouvoir réinvestir dans de nouveaux centres de soins.
La Belgique dans l’oeil du cyclone
Quelques jours après l’annonce de ce plan de la dernière chance, la nouvelle direction d’Orpea licenciait illico le Belge Geert Uytterschaut, alors devenu patron du groupe pour l’Europe du Nord (Belgique, Pays-Bas, Luxembourg, Grande-Bretagne, Irlande), et le remplaçait par Olivier Van Houtte, chargé de coordonner les ajustements nécessaires pour la Belgique. “Il nous fallait un profil qui puisse nous aider à améliorer le modèle d’entreprise nécessaire pour fournir de bons soins. L’analyse au cas par cas est toujours en cours pour l’instant et des décisions devraient tomber fin janvier – début février”, commente Marijke Verboven, la porte-parole d’Orpea Belgium, qui ne souhaite pas donner davantage de précisions pour l’instant.
Mais sur le terrain, l’urgence grandit, selon les représentants du personnel: depuis des mois, les comptes de certaines sociétés belges liées au groupe ne cessent de piquer du nez.
Sur les 18 entités répertoriées sous la faîtière Orpea Belgium, pas moins de 15 affichent des pertes, la moitié (9) d’entre-elles étant largement sous-capitalisées.
L’an dernier, le groupe affirmait encore exploiter dans notre pays pas moins de 60 maisons de repos et de soins et 19 complexes d’appartements avec assistance médicale pour un total de quelque 5.000 résidents encadrés par quelque 4.000 employés.
D’une première analyse des résultats annuels 2021 récemment publiés, il ressort que 18 groupes ou sociétés sont directement répertoriés sous la faîtière de la SA Orpea Belgium, certains regroupant plusieurs établissements. Et sur ces 18 entités, pas moins de 15 affichent des pertes, la moitié (9) d’entre-elles étant largement sous-capitalisées.
Un plan global d’ici un mois
Les bilans d’entreprise les plus préoccupants sont ceux de la SA Longchamps Libertas (Uccle), dont les résultats 2021 affichent -14 millions de capitaux propres et 2,6 millions de perte et qui compte 169 travailleurs. L’avenir de la SRL Thier sur la Fontaine (Liège) et de ses 110 travailleurs n’est pas moins préoccupant, avec -5,5 millions de capitaux propres et 1,5 million de perte sur un an. Une perte annuelle quasi identique à celle de sa voisine, la SA Les Jardins d’Ariane (Woluwe-Saint-Lambert), dont les capitaux propres négatifs sont plus importants encore (-6,9 millions d’euros).
Mais que dire alors de l’exercice 2021 de la SA nivelloise Holding Senior Invest (activités à Drogenbos et Uccle) qui affiche sur 12 mois une perte démesurée de 26 millions d’euros (réduction de valeur sur immobilisations financières) alors que ses capitaux propres ne dépassent pas 3,6 millions? Dans le même temps, le conseil d’administration mentionne des plus-values de réévaluation sur les biens immobiliers hébergeant les activités de soins déficitaires à hauteur de… 15 millions d’euros.
Ce dernier exemple montre, s’il le fallait, qu’une fois encore il ne sera pas simple, pour certaines entités du groupe, de séparer contenu (les activités de services aux personnes) et contenant (les murs) lors de la revente du fonds de commerce à des tiers.
La direction d’Orpea Belgium se dit consciente du problème et ne nie pas la gravité et la complexité de la situation pour certains établissements. “Nous travaillons en concertation avec les représentants des travailleurs et nous finalisons pour l’instant un plan global, tous les scénarios étant toujours sur la table pour l’instant. Un conseil d’entreprise extraordinaire est planifié entre direction et représentants syndicaux le 16 février prochain”, confie-t-elle.
La SA Orpimmo, une holding uccloise, dont l’actionnaire principal est la SA Domaine Churchill et dont Orpea Belgium détient le solde, affiche pour sa part des résultats moins plombés.
L’exception immobilière
La SA Orpimmo, une holding uccloise pilotée par les Parisiens Philippe Charrier et Sébastien Mesnard, dont l’actionnaire principal (70%) est la SA Domaine Churchill et dont Orpea Belgium détient le solde, affiche pour sa part des résultats bien moins plombés: la holding qui ne recense que cinq temps plein publie un résultat d’exploitation avant impôt flirtant avec les 9 millions. Sur les 29 sociétés qu’elle englobe, 20 sont profitables et seules deux d’entre elles publient des comptes vraiment préoccupants. Elle est capitalisée à hauteur de 79 millions d’euros, ses actifs immobiliers – disséminés partout en Belgique – sont valorisés (via des sociétés affiliées) à 273 millions d’euros. Parmi les plus importants, on trouve notamment le Domaine de Longchamp (Wavre) ou les Résidences Senior’s Westland (Anderlecht) et Carina (Auderghem). Mikanna, une des filiales, capitalisée à hauteur de 8 millions d’euros, est une société de courtage immobilier.
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