Les résultats bpost attendus avec une certaine angoisse

Bpost-CEO Philippe Dartienne © Getty
Daan Killemaes Economiste en chef de Trends Magazine (NL)

Les actionnaires de bpost attendent avec une certaine appréhension les résultats du deuxième trimestre que l’entreprise publiera jeudi après la fermeture des marchés. Les dégâts causés par les irrégularités sur des contrats publics pourraient encore être pires que prévu et ce alors que la direction doit se battre pour sauver revenus et marges.

Les investisseurs chercheront des réponses rapides aux trois questions suivantes dans le communiqué de presse que bpost devrait publier jeudi soir. Quelle sera l’ampleur de l’impact financier des amendes et des plaintes qui pèsent sur bpost ? Combien de cadavres vont-ils encore tomber du placard ? Et surtout, comment l’entreprise s’est-elle comportée au cours du deuxième trimestre, dans un climat de scandale permanent ?

Les dégâts de la fraude pourraient encore s’accumuler

L’année avait pourtant bien commencé pour bpost. En février, la direction a annoncé qu’elle prévoyait un bénéfice d’exploitation de 240 à 260 millions d’euros pour 2023. Ces attentes se sont confirmées après un premier trimestre solide, au cours duquel bpost a enregistré des résultats légèrement supérieurs aux prévisions. Le 24 avril, c’est la douche froide. Une première analyse effectuée par l’entreprise elle-même a révélé que des irrégularités sur des contrats de service d’intérêts publics, financés par le fédéral, lui coûteraient de 25 à 50 millions d’euros de bénéfice d’exploitation cette année. Il s’agit principalement de la concession publique pour la distribution de journaux et de magazines, pour laquelle bpost aurait violé les règles de la concurrence. Dans un certain nombre d’autres contrats publics, bpost aurait accordé des marges trop élevées aux pouvoirs publics.

Pire, ces 25 à 50 millions d’euros de perte ne seraient qu’une première estimation. Début mai, la société a annoncé qu’elle fournirait une analyse claire et complète sur l’impact financier réel dès que possible. Il est possible que la direction apporte quelques précisions sur ce sujet, mais compte tenu de la complexité des différents dossiers le doute est permis.

Lutter pour défendre les marges et les ventes

Outre une éventuelle mise au point sur sa situation juridique, la société annoncera également ses résultats du deuxième trimestre jeudi. Si les investisseurs peuvent, après un premier trimestre solide, se montrer un peu plus confiant sur cet aspect, peu d’investisseurs osent encore mettre la main à la poche. La faute au ralentissement de l’économie et l’augmentation rapide des coûts salariaux.

Le trafic de courrier et de colis en Belgique représente toujours la part la plus importante du chiffre d’affaires et du bénéfice de bpost. Le courrier traditionnel a baissé de 8,8 % au premier trimestre, mais grâce à des hausses de prix et à l’augmentation du trafic de colis, le chiffre d’affaires a augmenté de 3,5 %. Il reste à voir si bpost pourra répéter cet exercice au deuxième trimestre. Son concurrent DHL a fait état d’une baisse du trafic de colis interentreprises en début de semaine, mais le trafic de colis vers les clients privés s’est maintenu.

En ce qui concerne les volumes de courrier traditionnel, une baisse annuelle de 9 à 10 % est inévitable, tandis que l’indexation fait grimper les coûts de main-d’œuvre de manière significative. Garder les marges des activités belges aura donc demandé un contrôle strict des coûts.

Les activités logistiques en Europe et en Asie restent le petit frère de la division belge, elles n’en ont pas moins enregistré une augmentation de 15 % de leur chiffre d’affaires au cours du premier trimestre. bpost ne pourra peut-être pas répéter cette performance au second trimestre puisque le trafic logistique entre la Chine et l’Europe est sous pression. L’augmentation des coûts salariaux pèse également sur les marges de cette division.

Enfin, les activités logistiques aux Etats-Unis pèsent sur l’avenir de bpost. Cette année, les filiales Radial et Landmark ne progressent pas en raison de la surcapacité du marché américain et de la reprise en main de la logistique par Amazon. Le chiffre d’affaires américain a légèrement baissé au premier trimestre, pour un résultat d’exploitation stable. Nul ne sait quand bpost pourra renouer avec la croissance aux Etats-Unis.

Les chances de relance sont minces

Les chances que bpost prenne un nouveau départ ce jeudi sont donc minces. L’entreprise a encore trop de litiges en suspens et dont le coût pourrait être plus élevé qu’elle ne l’estime aujourd’hui. Sur le plan opérationnel, l’entreprise se débat comme un diable. Sauf qu’avec la contraction inexorable des volumes de courrier, l’augmentation rapide des coûts salariaux et le ralentissement de la croissance du trafic de colis, bpost reste sur la défensive. Pour passer suffisamment vite du statut d’entreprise postale classique à celui d’entreprise logistique décisive, bpost a plus que jamais besoin d’un management stable, d’un conseil d’administration fort et d’actionnaires qui soutiennent une stratégie claire. Or, ces conditions ne sont toujours pas remplies, ce qui rend une relance très difficile.

Entre-temps, la capitalisation boursière de l’entreprise a été réduite à 860 millions d’euros. Depuis son introduction en bourse en 2013, l’action a perdu plus de 70 % de sa valeur. En tenant compte des dividendes, les investisseurs de la première heure doivent s’attendre à une perte d’environ 45 %. Derrière cet effondrement du cours de l’action il y a de nombreuses mauvaises nouvelles. Il n’empêche qu’un redressement rapide est peu probable. Il faut d’abord faire le ménage, et ce n’est qu’ensuite que l’entreprise pourra lentement regagner la confiance des investisseurs en affichant des résultats solides, trimestre après trimestre. À condition qu’aucun nouveau cadavre ne tombe du placard jeudi soir.

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