Les entreprises de Wallonie picarde dans le sillage de Bertrand Piccard

Bertrand Piccard.
Christophe De Caevel
Christophe De Caevel Journaliste Trends-Tendances

Elles ont décidé de se fédérer pour mettre en oeuvre quelques-unes des 1480 solutions durables et rentables, labellisées par la Fondation Solar Impulse.

“Nous ne nous sommes pas fixés de beaux objectifs à cinq ans, nous voulons du concret dès demain.” Xavier Hang, CEO et cofondateur de la start-up 4Inch, était particulièrement enthousiaste ce jeudi soir après la rencontre entre le médecin-explorateur Bertrand Piccard et une dizaine de représentants des entreprises de Wallonie picarde. “Nous allons continuer à échanger ensemble pour implémenter des solutions labellisées par la Fondation Solar Impulse en vue de réduire l’impact de nos activités, poursuit-il. Que ce soit dans le ciment, dans la pharma, le loisir ou autre chose, tout le monde s’est engagé à mettre en avant la problématique et surtout les solutions.”

Xavier Hang peut être d’autant plus enthousiaste que le système de gestion et d’optimisation du chauffage développé par 4Inch figure parmi les 1480 solutions labellisées. Cette petite start-up enghiennoise d’à peine trois personnes côtoie en effet les Solvay et quelques autres très grands joueurs dans cette prestigieuse liste. Grâce à des vannes connectées, commandées directement depuis un smartphone, on peut apporter la température voulue, au moment voulu dans la pièce voulue. “On augmente le confort, tout en réduisant la consommation de 20 à 40%”, résume fièrement Xavier Hang, qui propose désormais des solutions de financement pour les écoles.

Nous sommes là en plein dans le coeur du message de Bertrand Piccard : il plaide pour l’efficience plus que la sobriété et s’insurge de constater, par exemple, que 75% de l’énergie produite est en réalité gaspillée. “C’est cela le système énergétique mondiale, a-t-il expliqué devant les chefs d’entreprise réunis par l’intercommunale Ideta. On ne peut évidemment pas fonctionner comme cela si on veut faire voler un avion à l’énergie solaire.” Son tour du monde a démontré qu’il était possible de réfléchir autrement, de partir d’autres points de vue. D’ailleurs son avion n’a pas été fabriquée par une entreprise aéronautique mais par un constructeur de bateau comme, glisse-t-il en souriant, la première voiture électrique qui a eu du succès n’a pas été conçue par un fabricant automobile… “L’innovation ne vient que quand on abandonne ses vieilles certitudes, affirme Bertrand Piccard. On a alors l’esprit suffisamment libre et vif pour aborder quelque chose de nouveau.”

Toutes les entreprises réunies à Tournai autour de Bertrand Piccard agissent évidemment déjà pour limiter leurs émissions et gérer le plus durablement possible leurs ressources. “Mais quand on entend Bertrand Piccard, on se rend compte que nous ne sommes pas aussi disruptifs que nous le pensons, confie Vincent Rasneur, general manager de Höganäs Belgique et Royaume-Uni et qui emploie 200 personnes dans son usine à Ath. Il nous force à sortir de notre zone de confort, à dépasser nos raisonnements d’ingénieur. C’était très intéressant d’échanger avec lui et entre nous sur toutes ces solutions utiles et rentables.” Höganäs fabrique des alliages métalliques spéciaux, un processus très énergivore que l’entreprise essaie d’assumer notamment grâce à un vaste champ photovoltaïque.

“Le fait d’avoir rassemblé des entreprises de différents secteurs et de différentes tailles a permis de casser les codes et d’avoir une pensée plus large, ajoute Marielle Coenjaerts, responsable Environnement et Durabilité chez Takeda-Lessines, une unité de production de matériel thérapeutique dérivé du plasma qui emploie 1200 personnes. L’approche de Bertrand Piccard qui présente des solutions rentables est vraiment rafraîchissante, elle montre que l’écologie n’est pas un fardeau ou un sacrifice, comme on le pense trop souvent.” Takeda investit beaucoup dans les énergies renouvelables, y compris prochainement dans la géothermie. On ne le sait pas forcément mais l’industrie pharmaceutique consomme beaucoup d’eau car tout le matériel doit toujours être parfaitement propre. Avec l’aide la société gantoise Ekopak, spécialisée dans la filtration de l’eau, Takeda-Lessines est aujourd’hui la première usine pharmaceutique au monde à réutiliser 90% de ses eaux usées. “Récupérer des eaux usées pour la production de médicaments, je peux vous dire que c’est disruptif, insiste Marielle Coenjaerts. C’était peut-être l’une des idées reçues à casser dont parle Bertrand Piccard. C’est innovant et cela crée de l’émulation dans l’industrie pharmaceutique.”

“Lors de nos échanges, nous avons pu nous rendre compte que beaucoup d’entrepreneurs pensaient déjà très sérieusement à la réduction de leurs émissions, ajoute Marc-Antoine De Mees, CEO de la Brasserie de Brunehaut, la première brasserie à obtenir le label B Corp (d’autres ont suivi depuis). Savoir que ces 1480 solutions existent doit maintenant motiver chacun à aller plus loin et à fédérer des entreprises du coin autour de ces solutions concrètes. Le pragmatisme de Bertrand Piccard, c’est vraiment quelque chose qui fait du bien à entendre.”

Fédérer les entreprises, ce sera maintenant le rôle de l’intercommunale Ideta, à l’origine de cette rencontre. Elle sera une sorte d’interface entre les entreprises de Wallonie picarde et la Fondation Solar Impulse, elle les aidera à trouver leur chemin parmi les 1480 solutions labellisées. “Il y a une fonction de défrichage parmi toutes ces solutions, explique Olivier Bontems, directeur Energie et Solutions durables chez Ideta. Les échanges autour de ces possibilités concrètes ont été fructueux. Je suis convaincu qu’une dynamique a été lancée ce jeudi.” Bertrand Piccard a accepté de parrainer cette dynamique qui prendra le nom de “Wapi for future” et qui devrait très vite séduire au-delà de la dizaine d’entreprises réunies pour cette première rencontre.

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