Le vicieux effet Streisand: plus on cherche à cacher, plus cela fait parler
L’effet Streisand a 20 ans. Il ne touche pas que les personnalités qui cherchent à cacher quelques secrets peu glorieux. Il peut aussi avoir un effet particulièrement retors pour l’image d’une entreprise.
L’effet Streisand tire son nom d’une affaire vieille de près de deux décennies. En 2003, l’Américain Kenneth Adelman publie sur le Web des photographies aériennes de la côte californienne. Parmi les 12.000 clichés se trouve la maison de la célèbre chanteuse à Malibu (image numéro 3 850). Elle porte plainte et espère obtenir la suppression du cliché de son manoir. Mais cela va avoir l’effet opposé de celui escompté. En portant plainte, elle va pousser les curieux à découvrir à quoi ressemble la fameuse photo. Alors que le cliché n’avait été vu que 6 fois, il le sera des millions de fois après la plainte. Et Barbra Streisand n’obtiendra même pas gain de cause. Un flop total qui fait que, depuis, lorsqu’on actionne le tam-tam médiatique alors qu’on cherche à étouffer une affaire, on parle d’effet Streisand. Soit un phénomène qui fait que plus on cherche à faire interdire une information, plus elle gagne en visibilité.
Une erreur de communication
Un phénomène qui refait la une de manière régulière. Par exemple, le président du Vooruit, Conner Rousseau est encore récemment tombé dans le piège. En cherchant à faire interdire la publication d’un article sur des propos racistes, il transformera l’affaire en cirque médiatique. Car si l’effet est connu depuis longtemps, il a encore gagné en puissance depuis la généralisation des smartphones et des réseaux sociaux. Chaque image ou information peut potentiellement devenir virale à une vitesse fulgurante. Ce qu’on appelle aujourd’hui aussi le bad buzz se propage à la vitesse de l’éclair.
L’impression qu’il y a une censure ou des tentatives de limiter la liberté d’expression va encore renforcer le phénomène et encourager la propagation de l’information. À ceci s’ajoute une méfiance accrue envers ceux qui sont riches et puissants. Comme le précise Jeroen Wils, coach en réputation et expert en communication, dans De Morgen , « l’inégalité économique s’accroît, entraînant une polarisation entre les nantis et les démunis ». À cela est encore venue se greffer la vague #MeToo qui a fait tomber et continue de faire tomber des personnes qui se pensaient intouchables et avaient une image publique irréprochable.
Pas seulement les people : l’effet Streisand en entreprise
L’effet peut aussi avoir un impact redoutable sur certaines marques. Au point de se muer en problème stratégique et de contrôle de son image. Quand les marques tentent de contrôler, voire d’étouffer, les informations négatives les concernant, cela peut rapidement enclencher l’effet Streisand. Avec pour conséquence une perte totale du contrôle de l’information par l’entreprise.
Un client insatisfait partageant son opinion sur les réseaux sociaux est un exemple classique de l’effet Streisand. De nombreuses entreprises ignorent les commentaires négatifs en ligne ou prétendent qu’ils n’existent pas. Cependant, un commentaire d’un client insatisfait non répondu est susceptible d’attirer l’attention et d’avoir un effet boule de neige. Répondre au premier commentaire négatif devrait donc être une priorité. Le pire étant de le supprimer purement et simplement. Un autre effet Streisand est une action envers un concurrent moins connu. L’action pourrait lui servir de publicité gratuite. Un troisième exemple est ces startups qui font faillite et qui tentent ensuite de supprimer leur présence en ligne afin de minimiser l’impact sur les projets futurs de leurs fondateurs. Là aussi ce n’est pas toujours une bonne idée, car cela peut susciter une curiosité accrue quant aux raisons de leur échec.
Dans la plupart des cas, un communiqué de presse cherchant à démentir l’information contestée ou une réponse judiciaire sont insuffisants et même contre-productifs. Et même si les dommages liés à l’effet Streisand sont la plupart du temps limité dans le temps, les coûts engendrés en termes d’image, de frais juridiques, ou encore de personnel peuvent rapidement grimper.
Mais dès lors que faire ?
Chercher à étouffer une histoire ou au contraire y réagir, c’est comme choisir entre la peste et le choléra. Essayer frénétiquement de taire quelque chose en situation de crise ne fait souvent qu’aggraver les problèmes et pousser des cris d’orfraie attire l’attention. Pourtant la parade ne tiendrait en rien d’autre qu’une bonne dose d’honnêteté en une certaine empathie. En mettant son ego de côté et en annonçant soi-même ses erreurs, on maîtrise le timing et on désamorce la bombe. Et aussi surprenant que ça puisse paraître, l’honnêteté paie. Ici l’adage ancestral « mieux vaut prévenir que guérir » trouve tout son sens. Aborder les problèmes ouvertement plutôt que de tenter de les cacher peut même déboucher sur quelque chose de productif à long terme. Ne dit-on pas que l’on peut tous apprendre de ses erreurs ?
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