Le “social-business” expliqué par Muhammad Yunus

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Le “social-business” aura-t-il raison de la pauvreté ? C’est en tout cas sur ce nouveau modèle économique que le prix Nobel de la paix mise pour résoudre, un à un, les grands problèmes de santé publique et d’environnement dans le monde. Explications.

Le social-business, qu’est-ce que c’est ?

C’est un modèle économique que développe depuis quelques années la Grameen Bank, fondée par Muhammad Yunus, en association avec d’autres entreprises. Monter un social-business peut aussi bien être l’affaire d’un individu, que celle d’une petite, moyenne ou grande entreprise. “Il s’agit de créer une entreprise dans le but non pas de maximiser ses profits mais de résoudre un problème de santé publique ou d’environnement”, a rappelé mercredi le pionnier du microcrédit, venu à Paris pour la sortie en français de son livre “Pour une économie plus humaine. Construire le social-business”. Le principe est simple : pas de perte ni de dividende. Autrement dit, il faut que l’entreprise soit suffisamment rentable pour être durable et ne pas dépendre des aléas de l’aide extérieure des ONG ou des organisations internationales. Mais il faut aussi qu’elle soit libérée de la pression actionnariale et donc de l’exigence de maximisation des profits pour pouvoir offrir des prix abordables. Comme le résume son ami Michel Rocard, “le social business, c’est la logique d’économie marchande et capitaliste mais sans la distribution de dividendes”. Pour l’ancien premier ministre, ce modèle est la preuve que “l’on peut vivre dans une économie de marché de manière non cupide”.

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N’est-ce pas naïf ?

Cela semble certes idéaliste, mais de grandes entreprises ont d’ores et déjà tenté l’expérience, qui s’est avérée souvent fructueuse. Yunus a en effet monté des joint ventures au Bangladesh avec des groupes aussi bien français, comme Veolia et Danone qu’allemands (BASF, Adidas), japonais (Uniqlo) et américains (Intel). C’est sûr que le concept contredit le B.A BA de la théorie classique de l’économie qui veut que l’intérêt général résulte de la poursuite par chacun de son propre intérêt individuel, c’est-à-dire de la maximisation de ses profits. Mais Yunus se présente comme la preuve vivante du contraire. Le prix Nobel a créé une cinquantaine d’entreprises, allant du textile à la formation, en passant par la construction ou la high-tech. Et pourtant : “je ne détiens pas la moindre action, a-t-il déclaré. Pourquoi? Parce que je ne les ai pas créées pour gagner de l’argent mais pour résoudre des problèmes. Les hommes ne sont pas des machines à gagner de l’argent. L’humain peut aussi être désintéressé. Le succès ne se mesure pas forcément qu’en termes d’argent mais aussi en termes d’impact. Or cet aspect est absent de la théorie économique.”

Comment ça marche ?

Le projet pilote que mène actuellement Veolia Environnement au Bangladesh illustre bien le fonctionnement du modèle. Le pays est confronté à un vaste fléau de santé publique : l’eau des puits est en grande partie contaminée à l’arsenic. Résultat, la moitié de la population consomme une eau empoisonnée, soit “la plus importante contamination de masse de l’histoire”, selon l’OMS. Veolia décide de créer un social-business pour s’attaquer au problème. “En tant que leader mondial de services essentiels, Veolia a voulu apporter sa pierre à l’édifice des solutions pour améliorer l’accès à l’eau potable”, explique Antoine Frérot, PDG de Veolia environnement. Ainsi, la multinationale française et la Grameen Bank créent en 2008 une société pilote pour traiter l’eau de rivière et fournir de l’eau pure à deux villages. Yunus fixe le prix, très faible, auquel l’eau devra être vendu. Pour compenser, le groupe développe une activité complémentaire de vente de bonbonnes d’eau dans la capitale, Dhaka. Ainsi, “la vente à un prix plus élevé de l’eau aux habitants de la capitale permet de subventionner l’eau dans le village”, explique Eric Lesueur, directeur du projet. Le groupe vise un équilibre économique à l’horizon 2014-2015.

Laura Raim, L’Expansion.com

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