Le Café Monk, pas si emblématique sur le plan financier

L'emblématique café Monk.
L'emblématique café Monk, situé dans le quartier Sainte-Catherine à Bruxelles. © Capture d'écran

Le Café Monk, situé rue Sainte-Catherine à Bruxelles, fermera ses portes le 17 mai au plus tard. Le propriétaire des lieux, le grossiste en boissons Haelterman (Horeca Logistics Services -HLS), entend mener une rénovation en profondeur de ce bâtiment classé, un café typique de la capitale, dont les murs sont ornés de boiseries et de miroirs. Selon le gérant Filip Jans, le café est “une entreprise florissante et financièrement saine”. Pourtant, les chiffres du bilan ne le montrent pas la même chose…

Je suis extrêmement déçu. Du jour au lendemain, 27 personnes perdent leur emploi alors que Monk est une entreprise florissante et en bonne santé financière”, déclarait alors Filip Jans, 54 ans. Cependant, les chiffres du bilan de la société Café Monk montrent que l’établissement a subi des pertes persistantes de 2018 à 2020.

Même le bénéfice net de 2017 est resté relativement faible, s’établissant à 6.679 euros. L’année 2019 a été lourdement déficitaire, car l’entreprise a dû s’acquitter d’une facture plutôt salée de 113.223 euros d’impôts. Un montant plus élevé que les autres années. “C’est dû à un contrôle fiscal et à une correction ponctuelle”, justifie Filip Jans.

Par ailleurs, en 2021, date du dernier bilan, le café a enregistré un bénéfice net de 166 338 euros. Il s’agit du meilleur résultat depuis l’ouverture de l’établissement en mars 2013. Une performance remarquable d’autant que la crise du Covid a obligé l’horeca a resté fermé du 19 octobre 2020 au 9 juin 2021. Seules les terrasses ont été rouvertes à partir du mois de mai 2021. Le bénéfice de 2021 est peut-être dû en partie aux aides du gouvernement envers les propriétaires de débits de boissons et restaurants. Les recherches menées par nos collègues de Trends, en collaboration avec la base de données financières Trends Business Information, ont déjà montré que la rentabilité de l’horeca s’était améliorée en 2021, notamment grâce à ces aides.

“À mon avis, le coronavirus n’est certainement pas en cause”, déclare Filip Jans. “Le Café Monk a dû vendre une partie de ses actifs sous la forme d’une cession-bail. De cette manière, l’entreprise a pu se prémunir contre cette crise. Le bénéfice net a augmenté grâce à cette opération et à une restructuration du personnel”.

En effet, le nombre d’employés est passé de 11 en 2020 à 8 en 2021 (en équivalents temps plein). Les frais de personnel ont également diminué, passant de 220.361 euros en 2020 à 185.519 euros en 2021. Mais les chiffres du bilan de 2021 ne font pas apparaître clairement une éventuelle opération de “sales-lease back”. Normalement, les dettes financières à long terme devraient alors augmenter. Or, elles sont passées de 31.599 euros pour l’exercice 2020 à 6.415 euros pour l’exercice 2021.

Groupe Haelterman

Pour Filip Jans, la fermeture du Café Monk est plus à mettre sur le compte du bras de fer qui l’oppose depuis longtemps contre les grandes brasseries et les grossistes en boissons. Le propriétaire des locaux de la place Sainte-Catherine étant la société familiale Haelterman. Cette dernière souhaite rénover le bâtiment de fond en comble. “Malgré de nombreuses discussions et tentatives avec l’exploitant, nous ne sommes pas parvenus à une solution”, explique l’administrateur délégué Michel Haelterman. “Les égouts doivent être entièrement refaits, tout comme les sols. Les étages supérieurs seront rénovés. Le commerce restera donc fermé pendant quelques mois. Mais après cela, il sera à nouveau ouvert pour la restauration”.

Le groupe Haelterman est le plus grand distributeur indépendant de boissons du pays. L’entreprise est dirigée par Michel (62 ans) et Paul (59 ans) Haelterman, tous deux appartenant à la troisième génération. L’entreprise approvisionne 3.000 clients : principalement des établissements horeca, mais aussi des cantines d’entreprise, des hôpitaux et des maisons de retraite, des CPAS et des écoles. Sa principale filiale est Horeca Logistics Services SA, qui représente 92 % de son chiffre d’affaires dans le secteur de l’horeca.

« Contrats d’étranglement »

« Les contrats de brasserie étranglent les opérateurs horeca, sont dépourvus de base juridique et doivent urgemment être recalibrés selon la législation commerciale en vigueur », clame le patron. En effet, Filip Jans est assez remonté contre ces contrats qui laissent souvent un gérant à la merci du groupe brassicole détenant l’établissement. 

Par l’intermédiaire de l’association Libertap, il les dénonce d’ailleurs depuis plusieurs années dans le secteur de l’horeca. “Les grandes brasseries et les négociants en boissons peuvent augmenter leurs prix sans consultation ni obligation de rendre des comptes, pratiquer des prix non conformes au marché, modifier les commandes obligatoires de boissons et continuer à exiger un loyer de 100 % pendant la crise sanitaire. Tout cela est préjudiciable non seulement à l’hôtelier, mais aussi au consommateur”.

Michel Haelterman a réfuté l’idée qu’il y aurait des “contrats d’étranglement”. “Beaucoup d’autres exploitants de nos entreprises horeca m’appellent déjà pour me demander s’ils peuvent louer les locaux du Café Monk. Je suppose donc que nous ne serons pas si terribles que cela. Mais nous allons d’abord rénover le bâtiment pendant quelques mois. Il faut qu’il soit à nouveau magnifique. »

200.000 euros de pas-de-porte ?

“La question reste ouverte : pourquoi Haelterman n’a pas cherché une solution de location pour le Café Monk “, répond Filip Jans. “Haelterman a remis l’établissement sur le marché de la location avec un argument qui ne tient pas la route. Haelterman préfère investir trois ans de loyer dans le bien immobilier plutôt que de devoir me payer à titre de dédommagement. Ou bien l’énorme montant pour le pas-de-porte que j’ai versé à Haelterman il y a dix ans (120.000 euros) serait-il à nouveau intéressant ? Vu la demande et le succès des travaux de rénovation et d’embellissement que j’ai réalisés (250.000 euros répartis sur dix ans), Haelterman pourrait sans doute aujourd’hui demander 200.000 euros de pas-de-porte. Lucratif non ?”

Un expert de ce secteur estime que Haelterman “ne fait pas partie des meilleurs élèves de la classe”. Mais il ne comprend pas non plus “la croisade, presque personnelle, que mène Filip Jans”.

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