La stratégie du Biopark pour atteindre les 10.000 emplois
Le Biopark de Charleroi ambitionne de devenir un hub de “biomanufacturing” de calibre mondial, qui emploiera jusqu’à 10.000 personnes. Il s’appuie pour cela sur une stratégie conçue avec KPMG.
Souvent en Wallonie, on n’ose pas voir grand. On se satisfait, par exemple, d’un parc d’activités économiques fort d’une centaine d’entreprises et de 3.300 emplois. Ce n’est pas le cas de Dominique Demonté, de retour à la tête du Biopark de Charleroi-Gosselies après quatre années passées chez Agoria. “Nous avons la masse critique, nous avons des joueurs internationaux comme Catalent ou Thermo Fisher et nous voulons maintenant passer à la dimension supérieure”, déclare le CEO. Cela signifie grandir pour atteindre jusqu’à 10.000 emplois.
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Pour concrétiser cette ambition, le Biopark a choisi de miser résolument sur le biomanufacturing, c’est-à-dire la fabrication de produits à destination de l’industrie pharmaceutique (médicaments, poudres, matériel génique et cellulaire, etc.). Cette option s’appuie sur la réalité du terrain: le biomanufacturing fournit déjà à peu près la moitié des emplois actuels sur le site, avec de gros acteurs comme les noms mentionnés ci-dessus (auxquels on peut ajouter les filiales d’Univercells, dont Exothera) mais aussi des start-up innovantes, comme ConvEyXO (qui explore le domaine des exosomes) ou Ipratech (productions biologiques automatisées). Elle s’inscrit en outre parfaitement dans la volonté européenne de relocaliser une partie de la production de ces produits essentiels.
“Demain, la capacité des entreprises à créer des alliances fortes sera un levier de croissance.”
Si les biotechs emploient en général du personnel hautement qualifié, les usines de biomanufacturing ont, elles, besoin de profils variés qui correspondent mieux au bassin d’emploi de Charleroi Métropole. Elles sont par ailleurs peu délocalisables car elles impliquent des investissements conséquents en infrastructures et des validations par les agences du médicament.
La transition devient un avantage compétitif
Nous avons donc un terrain propice pour cette stratégie. Maintenant, il faut y distiller les bons engrais. Ceux-ci seront verts et numériques. “Nous devons absolument accélérer la transition digitale et environnementale des entreprises si nous voulons devenir un centre de biomanufacturing majeur à l’échelle européenne, voire mondiale, estime le directeur du Biopark. Ce sera un avantage compétitif, un levier d’attraction de nouvelles entreprises. Elles veulent être localisées là où les choses se passent, là où les innovations technologiques émergent et sont implémentées.”
“Nous voulons nous inscrire dans des chantiers avec un impact sur la Wallonie.”
Accompagner les entreprises sur ce chemin, ce n’est toutefois pas le métier de la petite équipe du Biopark. C’est en revanche celui de Julien Stocq, partner KPMG Wallonie. “Nous voulons nous inscrire dans des chantiers avec un impact sur la Wallonie, précise-t-il. Nous avons une expertise en matière de transformation digitale et de transition durable ainsi que la forte conviction que les nouveaux modèles collaboratifs et les stratégies d’écosystème sont les clés des solutions de demain.” Il n’en fallait pas plus pour que les deux parties signent un partenariat afin de faire de Charleroi “le leader du biomanufacturing durable”. Et pas question de traîner: les deux hommes veulent avoir des résultats à communiquer dans moins d’un an!
Quand Julien Stocq parle de modèles collaboratifs, ce ne sont pas des propos évasifs. Les entreprises seront, par exemple, invitées à un premier workshop en septembre, où les flux de chacune seront passés en revue pour déceler si les rejets de l’une peuvent devenir les ressources de l’autre, si l’énergie peut être mutualisée, si les pics de consommation sont complémentaires, etc. “Chaque entreprise garde la liberté de gérer ses flux (déchets, eau, énergie, etc.) individuellement mais le souhait est clairement d’avancer sur une gestion à l’échelle du campus”, précise Dominique Demonté.
L’appui de l’industrie technologique
Dans le même esprit collaboratif, les avancées digitales s’appuieront sur le savoir-faire technologique belge et wallon. Nos interlocuteurs citent des entreprises comme I-care, Technord, NRB ou Proximus qui pourraient aider les sociétés du Biopark à implémenter les technologies les plus récentes, à utiliser au mieux l’intelligence artificielle dans leurs processus de fabrication, à gérer et protéger les données médicales qui seront collectées, etc.
Il ne s’agit pas de fournir à chacun des produits standardisés mais de mettre en place “une colonne vertébrale” à partir de laquelle les entreprises adapteront les meilleures solutions digitales. On songe évidemment d’abord aux plus petites, celles qui peuvent plus difficilement avancer seules et qui auront ainsi l’occasion de monter rapidement en compétence et en efficience. Cela doit donc conduire à une montée en grade des biotechs évidemment, mais également des entreprises qui fabriqueront et installeront les équipements nécessaires.
“Dans une économie mondialisée, la proximité géographique conserve vraiment tout son sens.”
“Ces partenariats ne seront pas exclusifs ou verrouillés, explique Julien Stocq. Il faut les voir comme une plateforme ouverte à tous les acteurs qui auront envie de rejoindre la dynamique. Chez KPMG, nous sommes convaincus que demain, la capacité des entreprises à créer des alliances fortes sera un levier de croissance, une clé vers le succès.”
“Il y a une sorte d’effet ‘super machine à café’, renchérit Dominique Demonté. A travers nos projets, des gens vont se croiser, échanger, se faire confiance et finalement, ils prendront des risques ensemble. Cela peut sembler a priori paradoxal mais dans une économie mondialisée, la proximité géographique conserve vraiment tout son sens.” C’est notamment pour cette raison que le CEO veut développer une animation de campus sur un Biopark qui en est, pour l’heure, totalement dépourvu.
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Dans le même esprit, un Centre d’innovation médicale réunira bientôt ingénieurs et médecins à l’hôpital Marie Curie de Charleroi, avec l’espoir de faire émerger des initiatives dans le domaine du matériel médical. “Si nous misons sur le biomanufacturing, ce n’est pas au détriment des sociétés qui développent de nouvelles thérapies ou médicaments, précise Dominique Demonté. Celles-ci auront besoin à un moment donné de produire. Etre installé sur un campus qui maîtrise toute une série de techniques de production peut alors s’avérer très intéressant.”
Les réserves foncières sont là
Les deux initiateurs du projet ont évidemment sondé les principaux acteurs avant de se lancer. L’accueil est, disent-ils, enthousiaste, y compris auprès de potentiels investisseurs internationaux. La présence de KPMG peut représenter ici un atout très intéressant. “Nous avons une expérience de structuration et de présentation de ce genre de dossiers, confirme Julien Stocq. Nous avons une pratique au niveau mondial dans le monde du deal, cela peut rassurer certains groupes.”
Tout cela, c’est très bien, mais si le projet décolle comme ses promoteurs l’espèrent, le Biopark dispose-t-il des réserves foncières nécessaires pour passer de 3.000 à 10.000 personnes? Le site se donne en tout cas de l’air avec la construction d’un bâtiment de 25.000 m2, qui doublera la capacité du campus. Il devrait être achevé pour la fin de l’année prochaine.
“Nous planchons déjà sur un sixième incubateur et nous comptons récupérer des bâtiments de l’aéropole, confie Dominique Demonté. On l’oublie parfois mais le Biopark est polycentrique avec l’IRE à Fleurus, les développements d’Univercells à Jumet, Quality Assistance à Thuin, le centre d’innovation médicale à l’hôpital Marie Curie et pourquoi pas, demain, des infrastructures au Grand hôpital de Charleroi. Nous disposons donc de nombreuses zones de développement.”
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