“La Belgique peut être fière de ses maisons de repos et de soins”

Sébastien Berden © PG

Alors que le secteur a fait l’objet de vives critiques lors de la crise sanitaire, Sébastien Berden, responsable du segment immobilier de santé chez Cofinimmo, relativise. “La crise a montré l’importance de pouvoir héberger et soigner dans des infrastructures modernes adaptées”, dit-il.

En 2005, Cofinimmo, alors principalement investisseur en bureaux, faisait très prudemment ses premiers pas sur le marché belge de l’immobilier de santé. Trois ans plus tard, il entamait son expansion internationale dans ce segment immobilier spécifique sur le territoire français. Cofinimmo détient aujourd’hui dans huit pays européens des positions d’une valeur de 3 milliards d’euros environ. Il fait ainsi figure, avec Aedifica entre autres, de principal investisseur dans l’immobilier de santé en Europe continentale.

La part de l’immobilier de santé dans le portefeuille Cofinimmo ne cesse de croître. Début 2021, l’entreprise a étendu son rayon d’action aux marchés de l’immobilier de santé irlandais et italien, et a renforcé sa position sur le marché espagnol des maisons de repos et de soins. Elle a en outre enrichi son portefeuille feuille belge de cinq centres d’hébergement et de soins au travers de contributions en nature. Quelques investissements plus modestes ont également été réalisés en Belgique, en Allemagne, en Finlande et aux Pays-Bas.

Au mois de mars, la part de l’immobilier de santé dans le portefeuille global de Cofinimmo passait la barre des 60%, importante pour les investisseurs. Les sociétés immobilières réglementées (SIR) ayant investi à hauteur de minimum 60% dans l’immobilier de santé bénéficient en effet d’un précompte mobilier réduit de 15% sur les dividendes. “Les autorités belges n’ont toutefois pas la même définition de l’immobilier de santé que Cofinimmo”, souligne Sébastien Berden, chief operating officer healthcare de Cofimmo et membre du comité de direction depuis 2018. D’après les critères des autorités, le pourcentage santé dans le portefeuille global de Cofinimmo ne dépassait pas 56% à la fin du premier trimestre.

Nous ne sommes pas des traders. Nous ne vendons que très rarement l’un ou l’autre bien de notre portefeuille santé.” Sébastien Berden

TRENDS-TENDANCES. Avez-vous l’intention d’encore accroître la part de l’immobilier de santé? Ou vous contenterez-vous d’avoir franchi la barre fiscalement symbolique des 60%?

SEBASTIEN BERDEN. Ces 60% ne sont ni un seuil ni un objectif à nos yeux. Notre stratégie est claire: nous voulons consolider et développer notre position de leadership dans l’immobilier de santé en Europe par le biais de la diversification tant au niveau géographique que du type de soins prodigués dans nos établissements. Nous n’avons donc pas l’intention de cesser d’investir dans l’immobilier de santé une fois passée la barre des 60%.

Les maisons de repos et de soins ont été vivement critiquées pendant la crise sanitaire. Vous sentez-vous visés?

Nous n’étions pas visés, j’en suis sûr. Cofinimmo investit à long terme dans l’immobilier de santé. Nous ne sommes pas des traders. Nous ne vendons que très rarement l’un ou l’autre bien de notre portefeuille santé. Il faut savoir que l’immobilier de santé n’est pas le segment le plus rentable. L’attractivité de l’immobilier de santé réside principalement dans la combinaison de trois facteurs: risque peu élevé, belles opportunités de croissance et rendement modéré. La crise a montré l’importance de pouvoir héberger et soigner dans des infrastructures modernes adaptées. Si on compare les maisons de repos et de soins dans les petites localités espagnoles ou les zones rurales d’Irlande, nous n’avons pas à rougir. Les investisseurs immobiliers belges ont joué un rôle fondamental dans la rénovation du parc immobilier de santé. Cofinimmo participe aujourd’hui à plus de 40 nouveaux projets en Belgique.

La critique porte sur nos maisons de repos et de soins jugées trop grandes, trop impersonnelles, trop axées sur l’efficacité.

Je comprends la critique mais le problème de la taille des établissements peut être résolu par une architecture réfléchie. Il est tout à fait possible de construire une résidence de soins où l’on se sent comme chez soi mais à la capacité d’accueil suffisamment importante pour bénéficier des avantages d’échelle. Une autre solution consiste à combiner résidence et autres infrastructures et services de soins en une sorte de campus de santé. Notre projet en collaboration avec Fundis à Rotterdam en est un bel exemple. La maison de repos et de soins est complétée par une clinique de revalidation, un hôtel de soins, une antenne médicale ainsi qu’un très beau restaurant de quartier. Ce concept a permis de créer un complexe très vivant où l’on croise des personnes de tout âge. Certaines y résident de façon permanente, d’autres à titre temporaire, d’autres encore viennent tout simplement pour boire un verre. Ce concept permet aussi de proposer un large éventail de soins malgré le nombre réduit de résidents. Les projets de belles villas – souvent excentrées – ne pouvant accueillir qu’une vingtaine de résidents sont moins prometteurs, selon nous. Je ne vois pas comment les rentabiliser, à moins de demander des sommes folles aux occupants.

Vous êtes actifs dans huit pays. Y a-t-il de grandes différences dans les maisons de repos et de soins sur ces marchés?

Oui, la qualité des maisons de repos et de soins ainsi que la capacité globale des soins varient considérablement d’un pays à l’autre. Par exemple, la plupart des établissements en Espagne et en Irlande sont vétustes, parfois très éloignés, avec de longues listes d’attente. Ces marchés où le besoin de rénovation est criant offrent un énorme potentiel.

Il y a aussi des similitudes. Ainsi, l’idée de combiner les soins aux seniors et les autres types de soins fait peu à peu son chemin dans plusieurs pays. Même si ce n’est qu’un début et si la réglementation doit encore être adaptée en ce sens.

Briguez-vous de nouveaux marchés?

Les pays nordiques offrent un potentiel considérable. L’immobilier y est souvent suranné et la capacité limitée.

Les résidences-services ne connaissent pas le succès escompté. Beaucoup d’entre elles sont quasi vides. Pourquoi d’après vous?

Elles souffrent d’un problème d’image. C’est un produit intéressant en soi. Nous avons pas mal investi dans les résidences- services, surtout dans celles à proximité d’une maison de repos et de soins, plus attractives. Notre portefeuille belge en compte une centaine. A une exception près, elles sont toutes liées à une maison de repos et de soins. Un complexe de résidences- services qui fonctionne de façon autonome peut être attractif à condition d’être suffisamment grand pour rentabiliser les services proposés au sein du complexe.

La Belgique compte, avec Aedifica et Cofinimmo, deux acteurs de premier plan sur le marché européen de l’immobilier de soins. Est-ce un hasard?

Non, ce n’est pas un hasard. Plusieurs grands acteurs français sont également actifs sur le marché européen. La Belgique et la France sont depuis toujours des pays où une part importante du secteur des soins est aux mains d’acteurs privés. Nous avons réussi à renforcer notre position en Belgique depuis une dizaine d’années du fait de notre participation à la rénovation des maisons de repos et de soins privées. Les opérateurs privés ne bénéficiant d’aucune subvention immobilière, ils se sont très vite tournés vers des financements alternatifs comme la collaboration avec des fonds immobiliers. Certains de ces groupes caressaient d’ambitieux projets de croissance. Le même phénomène s’observe en France.

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