Dossier “Zéro déchet”: Ecopoon, une cuillière 100% belge, comestible, gustative et durable

Pour les clients B to B, à partir d'un certain volume (100.000 cuillères), on pourra descendre sous les 10 centimes l'unité. Pour les particuliers, l'idée est de vendre des packs de 15 pour environ 5 euros. Soit 30 centimes pièce © PG

Deux jeunes Liégeois se sont saisis de la cuillère pour en faire le premier couvert 100% belge, comestible, gustatif et durable. En version classique, apéritive ou touillette choco, Ecopoon veut devenir l’alternative sympa et responsable pour supplanter les ustensiles jetables en plastique.

Maxime Vanderheyden et Cyril Ernst sont très liés par deux choses. Leur amitié nouée sur les bancs d’école et… la cuillère! Cette dernière est au coeur de leur projet commun, initié lors de leurs études supérieures à l’HEC Liège. Le duo a en effet décidé de créer et commercialiser une version améliorée et responsable de ce couvert familier. “Nous cherchions un créneau qui avait du sens. Le déclic nous est venu en 2017 lors d’un festival de musique. A la vue des tonnes de couverts plastiques utilisés et jetés en quelques jours par les participants, Cyril et moi nous sommes dits: pourquoi ne pas créer des couverts comestibles à base d’ingrédients naturels?“, se souvient le jeune entrepreneur de 26 ans.

L’objectif est de développer progressivement la gamme en fonction des besoins des clients. Certains demandent déjà la version fourchette.

Un rapide surf sur le net leur confirme que, hormis une boîte indienne, personne n’a jusque-là vertement empoigné couverts et cuillères. Encore en première année de master, le duo intègre le VentureLab de Liège, incubateur pour projets d’étudiants et jeunes diplômés. Et va vite découvrir que la cuillère qu’il envisage, elle se mérite! “Nous avons mis presque trois ans à développer notre produit, surtout la composition de sa recette. Rayon ingrédients, elle est pourtant simple: farine de blé, un peu de sel, un peu d’huile et de l’eau. La gageure a été de trouver la formule de dosage idéale pour obtenir un ustensile ayant toutes les qualités techniques de son concurrent plastique: la résistance au chaud, au froid et au liquide, puis le côté lisse en bouche et pratique en main…”

Cyril Ernst et Maxime Vanderheyden, fondateurs d'Ecopoon.
Cyril Ernst et Maxime Vanderheyden, fondateurs d’Ecopoon.© PG

Saveur ajoutée

Mais pas que… Comme le souligne le jeune entrepreneur: “On a aussi doté cette cuillère d’une valeur gustative ajoutée, qui donne envie de la manger. Une palette de goûts a été élaborée avec l’aide du Smart Gastronomy Lab de Gembloux.” La gamme Ecopoon de base compte aujourd’hui trois types de cuillères: la classique, l’apéritive (pour les formules walking dinner traiteur) et la touillette choco, parfaite avec un café et/ou une glace.

Depuis sa phase test, terminée en mars 2021, Ecopoon vit une transition capitale, celle de la hausse de production. Jusqu’ici limitée à 5.000 unités par mois, celle-ci devrait en effet passer à quelque 400.000 cuillères mensuelles dès la rentrée! Dans cette perspective, la société investit ces jours-ci son atelier tout neuf installé à Battice où trônera son acteur central: une machine taillée sur mesure pour produire l’ustensile. “Après des phases de prototypage, nous avons trouvé un partenaire industriel, la société carolo Desimone, se réjouit Maxime Vanderheyden. Ce spécialiste de l’automation de machines sur mesure a réalisé l’engin capable de répliquer à grande échelle notre processus de production initial.” A la grosse louche, Ecopoon espère produire plus d’un million de ses cuillères comestibles sur les quatre derniers mois 2021.

Pour qui la mise en bouche?

L’éventail de cibles commerciales est assez large. Outre la niche des petits magasins branchés original- local-zéro déchet où les cuillères comestibles seront en rayon par paquets de 15, c’est surtout le marché B to B que la start-up convoite. “L’objectif est de devenir fournisseur de couverts innovants pour l’horeca au sens large (chaînes de restauration, hôtels, brasseries, etc.) et les grands événements privés ou publics, les festivals et toutes les formes de streetfood. Mais aussi les glaciers: nos cuillères sont idéales pour offrir un goût supplémentaire et faire office de biscuit. Notre produit est l’allié parfait pour l’emporter-consommer sous toutes ses formes.” Et pas seulement! En période test, une zone de police a également accepté de substituer aux cuillères plastiques celles d’Ecopoon pour les repas des occupants des cellules de dégrisement… Le marché des prisons peut aussi s’avérer un beau marché à touiller.

Un geste écologique

“Notre but n’est pas de devenir une usine à gaz ou d’être avalés par une boîte internationale. Cyril et moi voulons avant tout poser un geste écologique. Que nos clients peuvent à leur tour poser en mettant nos cuillères comestibles dans les mains, et la bouche, de leurs consommateurs, plaide Maxime. L’ambition est de remplacer tout couvert traditionnel à usage unique et jetable. Ecopoon est certes à usage unique mais mangeable! Et si on n’ingurgite pas sa cuillère, elle demeure un déchet 100% naturel et recyclable.”

Cette “éco-logique” imprègne d’ailleurs tout l’ADN du duo liégeois qui, au durable, ajoute le local et le circulaire. Notamment par la valorisation de certains déchets. Comme les drèches de brasserie, ces résidus solides de la transformation de grains de céréales germés et séchés, parfois substitués sous forme de farine et en petite quantité à la farine de blé. Autre balise forte: l’ancrage local. La farine de blé vient en direct des moulins du Val Dieu, à 10 kilomètres du nouvel atelier de Battice.

(D)oser la petite cuillère

Et après? Dans l’esprit de Cyril Ernst et Maxime Vanderheyden, leur trio de cuillères n’est qu’un début. Leurs formes, tailles, textures et leur palette de goûts devraient s’élargir. “L’objectif est de développer progressivement la gamme en fonction des besoins des clients. Certains demandent déjà la version fourchette, ustensile important pour leur activité. On y réfléchit. Il faut aussi susciter chez le consommateur le désir de recevoir une cuillère comestible avec sa glace, sa barquette streetfood ou sa bouchée traiteur. On travaille donc sur des diversifications gustatives, plus subtiles encore. On a testé la poudre de spéculoos qui se marie à merveille avec une glace vanille. Pour la cuillère apéritive, outre le romarin, on peut aussi tenter la sauge, les herbes de Provence, et même des goûts de pomme. Un chimiste et le Smart Gastronomy Lab de Gembloux accompagnent ces expérimentations de nouvelles recettes. Tout est dans le dosage à la petite cuillère. Y compris pour nous entrepreneurs. On veut à la fois en faire un maximum pour donner envie aux clients et consommateurs de découvrir nos produits, et rester cohérent, fidèle à notre philo et au sens originel de notre démarche.”

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