Coprosain repris par neuf investisseurs
En PRJ depuis le mois de janvier, Coprosain, la coopérative athoise pionnière dans la commercialisation de produits agricoles sains et dans les circuits courts, a été, avec l’aval du tribunal de l’entreprise de Tournai, reprise par un groupe de neuf investisseurs issus d’horizons différents. Au menu? Une extension du parc de magasins et une présence accrue dans des franchisés de la grande distribution.
Fondée il y a 35 ans sous l’égide la famille Frison, Coprosain était à l’origine un projet aussi philosophique qu’économique. Celui d’une autre agriculture, raisonnée, ancrée dans son terroir et respectueuse de l’animal. Une agriculture tournée vers les circuits courts (à l’époque, personne ne parlait de cela…) et la proximité avec le client. Un concept déployé à tous les niveaux: production, transformation, commercialisation (trois magasins à Ath, Braine-l’Alleud, Tournai et une présence massive sur les marchés, notamment bruxellois) et même restauration. Coprosain était un label de qualité autant qu’une marque. Elle donnait des débouchés à de très nombreux producteurs. Las! le concept s’est perdu en route au point de pousser la coopérative à se placer en procédure de réorganisation judiciaire (PRJ)au mois de janvier dernier. D’abord à l’amiable, et ensuite, signe de la difficulté de la situation, en transfert d’actifs.
Nous devrions arriver à 28-29 ETP assez vite. Et plus par la suite en fonction de l’avancement de nos projets.
Pierre Delcoigne (Brasserie des Légendes)
Gestion hasardeuse
Il existe de multiples raisons qui ont abouti à cette situation dramatique. Le contexte inflationniste actuel pousse les clients à se tourner vers le moins cher plutôt que vers le sain. Ensuite, Coprosain a été dépassée et débordée par d’autres acteurs qui faisaient la même chose mais beaucoup mieux. Rien que dans la région d’Ath, son berceau, la coopérative était soumise à forte concurrence par des magasins bien plus séduisants que le sien. Enfin, Coprosain combattait, mais pas avec assez de vigueur, une certaine culture interne du vol.
Mercredi dernier, le tribunal de l’entreprise de Tournai a accepté le projet de reprise porté par neuf investisseurs, tous mus par le désir de préserver l’héritage et la philosophie de base et par l’envie de repartir de zéro et de redonner du lustre à une marque porteuse. Le groupe rassemble des métiers et des compétences complémentaires: des entrepreneurs à succès comme Pierre Delcoigne (le patron de la Brasserie des Légendes), Sébastien Deseveaux (fondateur de la brasserie homonyme) et Benoît De Belder (jardinerie de Beloeil), des spécialistes de la grande distribution et franchisés importants de Delhaize (mais aussi de Tom & Co) comme Bernard Courcelles et Vincent Duchâteau et, enfin, des anciens coopérateurs et producteurs locaux: Sébastien Gravis (Pom d’Happy), Louis Oostendorp (les fromages de Thoricourt), François Delmée (ferme homonyme) et Caroline Ducarmois (Ferme de Foucaumont).
Des millions d’investissement
Les neuf investisseurs seront tous administrateurs de la nouvelle SRL créée qui préserve le nom Coprosain. Elle est organisée avec un holding faîtier qui s’occupera de toute l’administration et deux filiales distinctes pour les activités de transformation et pour le retail. Les activités de marché sont arrêtées définitivement et le restaurant Aux Mets Encore situé à Ghislenghien va être vendu. La nouvelle société a un capital de départ de 450.000 euros, la moitié des parts appartiennent à Bernard Courcelles et Vincent Duchâteau.
“Nous avons tous les neuf mis 620.000 euros sur la table, confie Pierre Delcoigne. A cette mise de départ viendra rapidement s’ajouter une somme quasiment identique pour les investissements initiaux nécessaires. Elle sera fournie par Belfius, notre partenaire bancaire. Enfin, pour l’ensemble des projets auxquels nous pensons, entre 10 et 12 millions d’euros seront nécessaires. Nous affinerons leur financement en temps utile et remettrons sûrement des dossiers auprès de la Région wallonne ou d’invests locaux comme Wapinvest.”
La nouvelle direction de Coprosain regorge en effet de projets pour utiliser son potentiel avec efficacité. “Vu la notoriété sous-régionale de la marque, dans le Hainaut, le Namurois et le Brabant wallon, confie Vincent Duchâteau, nous pensons qu’il y a la place pour une dizaine de magasins. Il apparaît aussi essentiel dans un premier temps de remettre à niveau l’atelier de transformation situé à côté de l’abattoir d’Ath et d’y réorganiser les flux de façon efficiente. Il y a clairement la place pour augmenter sa productivité en termes de nombre de bêtes. Ensuite, en fonction du timing du redéploiement, se posera la question d’un nouvel outil de transformation plus grand et plus moderne, toujours dans la région…”
Boucherie intégrée
Dans ce projet, se pose quand même la question de l’abattoir d’Ath, le dernier abattoir public du Hainaut. Un outil essentiel pour l’ensemble des producteurs de la région mais qui est en déficit budgétaire depuis des années. Depuis sa création, Coprosain était louée pour la qualité de sa viande et de ses volailles. Mais aussi pour la qualité des produits qu’elle transformait comme les salaisons. Il y a clairement un potentiel pour intégrer ces produits dans les magasins franchisés détenus par Bernard Courcelles et Vincent Duchâteau.
“Nous étudions en effet le concept d’une boucherie intégrée dans nos supermarchés, confie Bernard Courcelles. Mais pourquoi pas aussi chez d’autres collègues franchiseurs? Il y a un vrai travail à faire qui va au-delà des anciens coopérateurs et pourrait concerner d’autres fermes qui travaillent avec la même philosophie. Le même travail doit être mené avec les fromages locaux. Il y a toujours eu chez Coprosain de beaux produits qui méritent leur place dans nos rayons. Nous avons aussi l’idée de lancer des plats préparés labellisés.”
Nouveaux magasins
Au niveau retail, Coprosain va donc poursuivre ses activités B to B (elle livre des plateformes comme eFarmz) et étendre ses activités B to C avec un nouveau concept de magasin. “La priorité est d’abord de remettre nos trois points de vente actuels en état de marche, poursuit Bernard Courcelles. Ils ont été fermés quelques jours mais rouvriront demain avec des rayons davantage garnis. Je demande un peu de patience aux clients habitués car cette remise en route va prendre un peu de temps. Pour le reste, il est clair qu’il faut remettre ces points de vente au goût du jour et définir quel sera le concept de nos magasins, anciens et nouveaux. Nous avons quelques idées déjà. La difficulté est de bien choisir l’assortiment et la superficie. Clairement, l’objectif est un retour aux sources et la priorité aux circuits courts. Soit vendre les produits que nous transformons ou qui viennent directement des producteurs. Faut-il encore vendre de l’épicerie achetée auprès de centrales d’achat bios? Je n’en fais pas une priorité.”
Avant la reprise, Coprosain employait 68 personnes. La nouvelle société en reprend 25. Mais il y a lieu de tempérer les pertes d’emploi. “Une grosse vingtaine de personnes étaient en congé de maladie de longue durée, conclut Pierre Delcoigne. Toujours attachées au payroll mais couvertes par la mutuelle. Elles ne reviendront évidemment pas. Pour le reste, il nous apparaît évident, même si nous allons tous mettre la main à la pâte, que Coprosain doit être renforcée au niveau de sa direction. La chasse à un nouveau CEO a d’ailleurs été lancée et devrait aboutir sous peu. Nous devrions arriver à 28-29 ETP assez vite. Et plus par la suite en fonction de l’avancement de nos projets.”
Pour Philippe Duvivier, le président de la Fugea, le syndicat agricole wallon qui promeut une agriculture durable multifonctionnelle, cette reprise est un soulagement et un sérieux pas de géant en avant pour Coprosain.
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