Carte blanche

Comment théoriser le phénomène du télétravail en Belgique?

Après l’effervescence du travail hybride et la volonté forte des employés pour un équilibre entre le lieu de travail et le travail à domicile, il semblerait que nous nous trouvions dans une phase de recul du télétravail.

En effet, d’après une étude LinkedIn, le travail à distance commence à perdre en popularité auprès des entreprises. Le célèbre réseau social a publié une enquête démontrant que de moins en moins d’offres d’emploi proposent du télétravail. Ceci va à l’encontre de la demande des travailleurs : en effet, d’après une étude de SD Worx, les salariés souhaiteraient travailler la moitié du temps depuis leur domicile car cela facilite leur équilibre vie privée – vie professionnelle.

Sommes-nous véritablement en train d’assister à un retour en arrière ? Il semblerait qu’à chaque phase de changement, nous ayons tendance à exagérer le phénomène et à oublier les demi-mesures pour aller d’une extrémité à l’autre. Certes, la crise énergétique encourage probablement les salariés à profiter du chauffage dans leur bureau et faire des économies à leur domicile. Mais faut-il réellement faire le deuil de cette flexibilité ?

Toutes les grandes mutations technologiques ou d’usage connaissent un bref recul avant de s’installer solidement dans nos usages. Cela a toujours été le cas, mais nous tendons à l’oublier, à chaque fois. C’est d’ailleurs ce que le cabinet de conseils Gartner a théorisé dans sa célèbre -et très utile- “courbe du Hype”.

La courbe du Hype
La courbe du Hype© Gartner.fr

Appliquons cette courbe au télétravail. Pendant la crise du coronavirus, sous la contrainte, nous avons connu ce que Gartner appelle le sommet des attentes surdimensionnées : des entreprises qui abandonnent leurs bureaux, la recrudescence des exigences des employés en matière de flexibilité, et pendant une longue période, un travail à domicile 100% obligatoire pour les métiers qui le permettaient.

Aujourd’hui, les entreprises se rétractent et cherchent à nouveau à garantir le présentiel par un besoin exacerbé de sécurité et de maintien de leur “culture”. Nous sommes dans la troisième phase du schéma : le creux des désillusions. Si nous avons l’impression de reculer, la bonne nouvelle c’est que nous sommes en fait toujours plus haut que nous ne l’étions avant le lancement. Revenons trois ans en arrière : combien des salariés autour de vous n’allaient pas travailler tous les jours au bureau ? Le télétravail était alors une exception pour certaines entreprises. Comme une vague, la tendance régresse avant de poursuivre son chemin.

Mais que cela signifie-t-il pour les prochaines années ? Je suis convaincu que nous allons dans la bonne direction. Les “tout ou rien” seront abolis, nous atteindrons un équilibre plus serein. Ce sera ce que Gartner nomme la pente de consolidation : une tendance ascendante plus apaisée, solide, et, surtout, stable avant d’atteindre le plateau de productivité qui se traduira par une hybridation idéale de l’environnement de travail.

Pour les entreprises qui proposeront alors toujours du 100% présentiel ou du 100% télétravail, il leur sera, je pense, vital d’intégrer ce parti pris dans leur culture de façon claire, et non par dépit ou par praticité. Sans cela, ces organisations deviendront tellement clivantes qu’elles peineront à attirer ou fidéliser des talents, qui sont d’autant plus difficiles à trouver dernièrement. Ayant goûté aux différents modèles, les travailleurs ont désormais pris le pli de l’hybride : ils aiment pouvoir choisir leur lieu de travail en fonction de leurs besoins immédiats, que ceux-ci soient personnels ou professionnels.

Ce changement n’est pas une passade. Les nouvelles exigences hybrides des salariés valident la thèse de Gartner. Dès lors, évitons de retomber dans notre tendance naturelle à voir ces évolutions sociétales de manière trop manichéenne et tournons-nous vers le futur avec une volonté d’offrir aux travailleurs la situation qui leur convient le mieux !

C’est en tout cas dans ce monde que je souhaite vivre.

Par Victor Carreau, CEO et co-fondateur de Comet Meetings

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