Bernard Delvaux (CEO d’Etex): “Des logements de qualité, ce projet devrait séduire tous les partis politiques”

Le marché de la construction est en difficulté depuis quelques années, après la croissance effrénée durant la pandémie. Le producteur belge de matériaux de construction légers Etex est le thermomètre du secteur. “Il est probable que le point le plus bas ait été atteint. De manière générale, je m’attends à ce que les volumes recommencent à croître au second semestre. Et 2026 devrait être clairement meilleure”, affirme le CEO Bernard Delvaux.
John Sinfield se promène, rayonnant, à travers son usine flambant neuve de Bristol. Le directeur pour le Royaume-Uni et l’Irlande du groupe de matériaux de construction Etex est fier de cet exemple de prouesse technologique de pointe. L’usine la plus moderne d’Europe produit, de manière presque entièrement automatisée, des plaques de plâtre pour le marché local.
Avec une étiquette de prix de 200 millions d’euros, il s’agit de l’investissement le plus coûteux du géant belge spécialisé dans les matériaux de construction légers. Le CEO et capitaine d’industrie belge Bernard Delvaux, 59 ans, est à la tête de l’entreprise depuis 2021. Le manager wallon a auparavant occupé des postes de direction chez Belgacom, bpost et Sonaca. Il continue de croire au potentiel à long terme du secteur de la construction, malgré quelques années difficiles.
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TRENDS-TENDANCES. Les coûts de l’énergie et les taux d’intérêt sont élevés, les matières premières sont chères, la pénurie de personnel est un problème, et il manque surtout des ouvriers du bâtiment. En même temps, la demande en matériaux de construction reste forte. Le secteur de la construction sort-il du creux après les années record de la pandémie ?
BERNARD DELVAUX. Oui et non. 2023 a été une année record pour Etex. En 2024, nous avons obtenu un résultat presque équivalent, malgré la forte baisse des volumes de vente de nos matériaux de construction. Cela prouve la solidité d’Etex. Mais c’est vrai, 2024 a été une année difficile et complexe. Il a fallu lutter toute l’année : réduire les coûts, fidéliser les clients avec de bonnes solutions.

Vous êtes plus optimiste pour 2025.
Très légèrement. Il est probable que le point le plus bas ait été atteint. Du moins en ce qui concerne le volume des ventes. En Europe, nous atteignons des niveaux de volume qui n’ont jamais été aussi bas depuis des décennies. Ce n’est pas seulement chez nous, c’est une tendance générale du marché. On le voit dans toutes les statistiques : les actes notariés, l’achat de terrains à bâtir, le nombre de prêts hypothécaires. En Allemagne et en France, on observe une baisse de 30%. Dans ces deux pays, le marché pourrait encore reculer en 2025. Tout dépendra aussi de la confiance que les gouvernements pourront instaurer. Investir dans un logement est lié à la confiance en l’avenir. Celui qui n’a pas confiance attend.
“Investir dans un logement est lié à la confiance en l’avenir. Celui qui n’a pas confiance attend.” – Bernard Delvaux
Dans quels pays voyez-vous déjà des signes de reprise ?
Ce sera progressif. Nous ne retrouverons pas soudainement les bons chiffres de 2022. L’Angleterre rebondit. L’Espagne et l’Italie s’en sortent bien. En Pologne, le marché avait fortement reculé en 2022. Aujourd’hui, le pays est prêt pour une reprise en 2025. En Australie, nous obtenons d’excellents résultats depuis trois ans. De manière générale, je m’attends à ce que les volumes reprennent une tendance à la hausse au second semestre. Et 2026 devrait être nettement meilleure. Mais peut-on encore faire des prévisions dans l’actuel climat géopolitique incertain ?
Restez-vous optimiste à long terme quant au marché de la construction ?
Absolument. Il y a une forte demande pour de nouveaux logements et pour la rénovation. La Commission européenne a, pour la première fois, nommé un commissaire au Logement, le Danois Dag Jorgensen. Jusqu’à présent, il ne s’est pas encore beaucoup fait entendre, mais la Commission envoie néanmoins un signal fort avec cette fonction. Et l’un des objectifs du gouvernement britannique est la construction d’un million et demi de nouvelles habitations au cours de cette législature.
Votre directeur national, John Sinfield, trouve ce chiffre particulièrement ambitieux.
Heureusement que ce gouvernement a de telles ambitions. La demande en logements est énorme. Trop d’habitations sont trop petites, de mauvaise qualité, mal isolées, ce qui est une catastrophe pour l’environnement. Le logement est responsable de 30% des émissions de CO2 dans l’Union européenne. Pourtant, un logement de qualité est un projet qui devrait séduire tous les partis politiques. Il convient aux sociaux-démocrates, car tout le monde veut un logement confortable. Les libéraux y trouvent leur compte avec le soutien à l’économie locale, en faisant appel à des artisans, des techniciens, des entreprises de construction et des producteurs locaux comme Etex. Les écologistes en sont aussi satisfaits, car la rénovation et la construction neuve réduisent les émissions de CO2. Tous les partis politiques y gagnent. Et pourtant, les chiffres de la construction neuve et de la rénovation chutent.

Pourquoi cela ne fonctionne-t-il pas, alors que tout le monde est gagnant ?
Parce que la solution n’est pas simple. Il faut une série de mesures. On ne peut pas continuer à distribuer des subventions. La Région bruxelloise a fermé le robinet des primes par manque d’argent. La Région wallonne a réduit les subventions. Les gouvernements ne doivent pas tout financer, mais ils doivent avant tout soutenir. D’autres techniques financières sont nécessaires, comme les prêts bancaires avec une garantie d’État. La réglementation sur les permis de construire doit être simplifiée. Les procédures prennent trop de temps et sont trop complexes. Même la construction elle-même doit devenir techniquement plus simple.
“La réglementation sur les permis de construire doit être simplifiée. Les procédures prennent trop de temps et sont trop complexes.” – Bernard Delvaux
Est-ce pour cela qu’Etex mise fortement sur la construction modulaire préfabriquée en usine ?
Le préfabriqué n’est qu’une partie de la solution, principalement pour les nouvelles constructions. En Belgique, la part de marché est très faible – même pas 1%. Seules l’Angleterre et l’Irlande l’utilisent de manière significative, avec 15 à 20% du marché. Le préfabriqué est particulièrement adapté à certains types de construction, comme les logements étudiants, les maisons de repos ou les immeubles de trois étages comportant une centaine de logements. Une fois que vous en avez construit un, vous pouvez facilement en refaire d’autres, car vous maîtrisez la technique de production. C’est comparable à l’assemblage automobile. C’est beaucoup plus efficace.
Le préfabriqué est surtout moins cher que la construction traditionnelle. Celle-ci entraîne presque toujours des coûts imprévus. Le chantier démarre en retard parce qu’il pleut ou qu’il gèle. Les ouvriers ont pris du retard sur un autre chantier. Les travaux durent plus longtemps que prévu parce qu’un sous-traitant n’est pas à l’heure. Tout cela génère des coûts supplémentaires. En Angleterre, ils savent depuis longtemps que le préfabriqué élimine ces imprévus. Nous y avons un client très important, le promoteur immobilier McCarthy Stone. Ses propriétaires ne sont pas des doux rêveurs, mais des fonds d’investissement aguerris. McCarthy Stone réalise 50 projets immobiliers par an. Nous avons commencé avec un projet. Tout s’est bien passé, il y en a eu trois autres, puis six l’année suivante, et cette année déjà 15. Nous réalisons presque un tiers de leurs projets de construction.
Le préfabriqué est-il aussi une solution à la pénurie d’ouvriers du bâtiment en Europe ?
Trouver de la main-d’œuvre pour les chantiers reste un énorme problème. Il fait froid, il pleut, il gèle. Partout en Europe, on manque de personnel. Mais un chantier qui dure seulement quelques jours et qui nécessite moins de main-d’œuvre permet de trouver plus rapidement les bonnes personnes. De plus, les panneaux de construction peuvent être fabriqués en usine. Il y fait chaud et c’est sécurisé – la sécurité est cruciale dans le bâtiment. Ces emplois sont plus faciles à pourvoir. Ils ne nécessitent pas de compétences particulières, car il s’agit d’un assemblage relativement classique.
Etex en bref
• Entreprise familiale belge d’envergure mondiale spécialisée dans les matériaux de construction légers.• Producteur de plaques de plâtre, de panneaux en fibres-ciment, de matériaux isolants et de produits ignifuges pour la construction.
• Développe également des solutions préfabriquées modulaires.
• Les trois quarts du chiffre d’affaires proviennent d’Europe, principalement de France, du Royaume-Uni et d’Allemagne.
• 160 usines et carrières réparties dans 45 pays.
• L’entreprise est contrôlée par les descendants de la famille Emsens (cinquième génération), originaire de Campine.
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ETEX
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Siège social:
Vise
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Secteur:
Restaurants, cafés