Big Pharma ne se démarque plus

En moyenne, Big Pharma ne fait pas mieux que l’ensemble du secteur. Les investisseurs de long terme ont souvent le sentiment que ses actions manquent de punch, surtout en Europe.

Qui veut miser sur le potentiel d’un secteur investit, logiquement, dans ses leaders, dont les parts de marché élevées se traduisent par des marges bénéficiaires supérieures à la moyenne. Un secteur intéressant, en raison du vieillissement de la population, est celui de la santé, que dominent les poids lourds de l’industrie pharmaceutique, ou “Big Pharma”. Revenons sur ses performances et comparons-les avec celles du portefeuille modèle.

Le secteur de la santé s’est (beaucoup) mieux comporté que la Bourse au sens large ces cinq dernières années. Le relatif repli des entreprises pharmaceutiques américaines depuis l’été 2015 est en partie dû au débat que suscite, depuis la veille de l’élection présidentielle, fin 2016, le prix élevé des médicaments. Le secteur européen de la santé s’est montré nettement plus performant que la moyenne boursière, mais moins que son pendant américain.

“Big”, pas nécessairement “beautiful”

En moyenne, Big Pharma ne fait pas mieux que l’ensemble du secteur. Les investisseurs de long terme ont souvent le sentiment que ses actions manquent de punch, ce qui n’est pas faux, surtout en Europe. Ce retard sur les Etats-Unis, où la dynamique est en outre soutenue par des actionnaires activistes, est notamment imputable à la moindre performance des Bourses européennes, qui pèse sur les groupes pharmaceutiques constitutifs des grands indices de la zone.

D’une manière générale, il est, à partir d’une certaine taille et maturité, difficile de compenser les expirations de brevets. Sur les 59 médicaments approuvés par l’agence américaine des médicaments (FDA) en 2018, 39 ont été développés par des entreprises petites à moyennes (c’est le pourcentage le plus élevé des cinq dernières années). Les géants concluent désormais fréquemment des partenariats avec des acteurs plus petits. Ils créent en outre souvent leur propre fonds de capital d’amorçage, destiné à soutenir des projets en phase initiale de leur développement clinique – une manière d’entrer très tôt dans le processus et de diversifier les risques. Parallèlement à cela, ils poursuivent leurs propres recherches; en cas de conflit, il n’est pas rare que le projet externe soit ralenti, voire restitué au partenaire, malgré parfois le meilleur profil d’efficacité ou d’innocuité de la molécule externe. Lorsqu’une molécule prometteuse, qui ne fait l’objet d’aucun partenariat, a franchi toutes les étapes cliniques, Big Pharma n’hésite pas à proposer beaucoup d’argent pour s’en approprier le potentiel commercial.

Autre facteur encore qui explique la contre-performance de Big Pharma: le débat public sur le prix des médicaments. Une étude révèle que depuis 2016, le nombre de médicaments à avoir subi des hausses de prix annuelles a baissé et que les augmentations moyennes sont moins marquées qu’auparavant.

Acquisitions

Le secteur pharmaceutique s’est toujours caractérisé par ses nombreuses acquisitions. Compte tenu de l’indispensable diversification des risques et de la nécessité d’opérer des choix stratégiques en ce qui concerne la recherche, il n’y a aucune raison que cela change. A l’issue d’un développement clinique réussi, le passage du statut de simple entreprise de développement à celui de société commerciale est délicat et risqué. C’est souvent le moment qu’un grand groupe choisit pour racheter.

Toutes les entreprises du top 10 au sein du secteur ont, à un moment ou un autre, été impliquées dans une acquisition de grande ampleur. Le cas de Pfizer montre toutefois que la démarche n’est pas toujours créatrice de valeur. L’américain a été partie prenante dans trois des 10 plus grandes acquisitions des 20 dernières années: Warner Lambert en 1999, Pharmacia en 2002 et Wyeth, en 2009. Or la somme totale déboursée (215,8 milliards de dollars) est à peine inférieure aux 235,8 milliards de capitalisation boursière actuelle. A l’autre bout du spectre, l’acquisition, en 2011, de Pharmasset par Gilead Sciences, pour 11 milliards de dollars, a posé les bases d’une révolution dans le traitement du virus de l’hépatite C. Il est trop tôt pour savoir si l’achat, l’an dernier, du britannique Shire par le japonais Takeda (81 milliards de dollars, soit la plus grande transaction de l’histoire après le rachat de Warner Lambert par Pfizer) sera lui aussi une réussite. Même chose si l’offre émise en janvier par Bristol-Myers Squibb sur l’américain Celgene (74 milliards) venait à se concrétiser.

Sur le plan thématique, les acquisitions dans l’immunologie des tumeurs, technique révolutionnaire qui consiste à activer le système immunitaire du patient pour lutter contre les cellules cancéreuses, se multiplient ces dernières années. La thérapie génique, qui corrige une défaillance génétique en intervenant directement sur l’ADN, a depuis peu le vent en poupe. Novartis (acquisition d’AveXis, pour 7,6 milliards d’euros, l’an dernier) et Roche (offre de 4,2 milliards sur Spark Therapeutics) sont, comme d’autres, très actifs dans ce domaine – une évolution qui s’inscrit par ailleurs dans la tendance à investir davantage dans les maladies rares.

Investir dans la solution

Bien qu’il n’y ait aucune contre-indication à investir dans Big Pharma, nous avons décidé, pour le portefeuille modèle, d’éviter les problèmes structurels au profit des solutions que recherchent ces entreprises-phares du secteur biotechnologique ou diagnostique. Nous choisissons dans un premier temps de miser sur le potentiel des biotech belges dont nous sommes convaincus qu’elles sont aptes à créer, avec ou sans acquisitions, énormément de valeur actionnariale ces cinq à 10 prochaines années.

Nous investissons également, bien que dans une mesure moindre, dans des entreprises étrangères, de préférence spécialistes d’une pathologie spécifique. Sarepta Therapeutics, active dans la thérapie génique et spécialiste de la maladie de Duchenne, est un candidat au portefeuille modèle. Nous suivons également les évolutions dans le traitement de la stéatose hépatique non alcoolique (NASH). Après le revers subi cette année par le français Inventiva, les candidats actuels sont son compatriote Genfit et les américains Viking Therapeutics et Madrigal Pharmaceuticals. Le grand défi, pour les Belges, consiste à préserver leur indépendance en cas de succès; Ablynx vendu, nous espérons qu’au moins un des deux porte-drapeau que sont Galapagos et argenx y parviendra. Ils ont tout pour devenir un nouvel UCB ou Janssen Pharmaceutica.

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