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Un grand impôt pour les grands pays

Lire la chronique de Thierry Afschrift Professeur ordinaire à l'Université libre de Bruxelles.

Attendez-vous à payer plus cher vos produits d’Amazon ou vos téléphones portables.

Qualifié d’endormi par son prédécesseur Donald Trump, Joe Biden, le nouveau président des Etats-Unis, s’est diablement réveillé. Et il l’a fait en proposant non seulement une augmentation de 21 à 28% du taux normal d’impôt des sociétés aux Etats-Unis, mais aussi l’instauration d’une espèce d'”impôt mondial” à charge des grandes multinationales pour éviter qu’elles aillent s’installer dans des paradis fiscaux ou des pays plus attrayants sur le plan fiscal. Il serait ainsi question de proposer au G20 l’instauration d’un taux minimum d’impôt des sociétés qui pourrait être de 21% et qui frapperait les grandes sociétés multinationales dans tous les pays, quels qu’ils soient.

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L’idée semble recueillirl’approbation des dirigeants des plus grands pays de la planète, qui sont aussi les plus gros taxateurs, et c’est donc logique. La mise en oeuvre technique demandera sans doute assez bien de temps et provoquera beaucoup de discussions, notamment parce qu’il ne suffit pas de jouer sur le taux mais aussi sur la détermination de la base imposable, ce qui est beaucoup plus complexe en raison de la disparité de règles de déduction, des taux d’amortissement et de multiples régimes spéciaux. Mais il est vraisemblable que d’ici quelques années, ce projet puisse aboutir à “quelque chose”.

Certains s’en réjouissent déjà en y voyant la fin de la concurrence fiscale internationale, ce qui est d’ailleurs l’objectif de Joe Biden. Cela peut aussi être exprimé comme la création d’un “immense cartel” d’Etats contre les contribuables. Ne s’agit-il, à ce stade, que de contrer la stratégie fiscale de grandes sociétés multinationales? Ce serait toutefois un tort que de croire que cela ne concernera qu’elles et leurs actionnaires.

On sait très bien que lorsqu’une charge est imposée à tout un secteur, elle finit toujours par être transférée sur d’autres, en l’occurrence sur les consommateurs. Attendez-vous donc à payer plus cher vos produits chez Amazon ou vos téléphones portables. De plus, les PME, qui ne paraissent pas visées par le projet initial, risquent de l’être indirectement. Le processus voulu par Joe Biden, partisan d’un système où l’Etat recueille beaucoup et dépense beaucoup, est de faire remonter tous les taux d’impôt. S’ils augmentent pour les grandes sociétés, il faut bien sûr s’attendre à ce que l’évolution se fasse dans le même sens pour les petites sociétés, celles de nos indépendants déjà injustement victimes des restrictions gouvernementales pour cause de Covid.

Le pire est que dans beaucoup de pays, les impôts n’ont en réalité jamais diminué. La Belgique en est un bel exemple, elle qui a réduit le taux de l’impôt des sociétés, tout en en majorant la base, dans le cadre d’une opération plus ou moins “neutre”. Lorsque le taux augmentera (ce qui n’est pas formellement nécessaire s’il est fixé à 21%, le taux belge étant encore supérieur à ce chiffre), il ne faut pas s’attendre à ce que la base soit réduite et il s’agira donc purement et simplement de recettes supplémentaires pour l’Etat.

Surtout, le plan Biden n’est pas neutre. Son objectif n’est pas tellement de s’attaquer aux “vrais” paradis fiscaux, comme les Iles Vierges ou les Iles Caïmans, mais bien d’empêcher les multinationales d’être attirées par des petits pays (Pays-Bas, Luxembourg, Irlande) qui se montrent attrayants envers les grandes sociétés sur le plan fiscal parce qu’ils n’ont pas beaucoup d’autre choix en raison de l’étroitesse de leur marché: à taux d’impôt égal, une société préférera s’installer aux Etats-Unis qu’aux Pays-Bas. Voilà le réel objectif de Biden. En d’autres temps, cela s’appelait l’impérialisme américain.

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