“Taxer les riches? C’est dangereux d’utiliser des slogans”
Les propositions socialistes font preuve d’un grand amateurisme, déplore Edoardo Traversa, l’expert en droit fiscal. Les politiques tardent par contre à mener une grande réforme misant sur la transparence.
1. Le PS veut taxer les capitaux supérieurs à 1 million d’euros et Vooruit propose de taxer les “profits excessifs”. Qu’en pensez-vous?
Je suis généralement très critique sur les idées de circonstance. Je trouve dangereux d’utiliser des slogans pour remplir des discours sur des réformes fiscales, qui sont fondamentales. Cela donne l’impression d’un très grand amateurisme. On lance des ballons d’essai le 1er mai mais il n’y a rien derrière, les programmes des partis ne sont pas assez consistants. On est dans la stratégie politique pure et dure.
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2. Que faudrait-il faire, selon vous?
Premièrement, il faut regarder la fiscalité dans son ensemble. Au niveau du constat, on peut être d’accord qu’il y a une surcharge de l’impôt sur la classe moyenne inférieure, voire supérieure. Cela devrait convaincre tous les partis de gouvernement de négocier une grande réforme fiscale, mais ils tardent à le faire. Le deuxième constat important, c’est qu’il est toujours plus difficile de créer un impôt à partir de rien que de partir d’un impôt existant. Créer un impôt, c’est un travail de longue haleine. Taxer le capital comme le veulent les socialistes, cela nécessite, par exemple, des informations qu’on n’a pas, une formation spécifique de l’administration… Si l’on veut taxer les personnes à haut revenu, il serait en outre judicieux de déterminer d’abord lesquelles ne sont pas assez taxées aujourd’hui, parce qu’avec une pression fiscale supérieure à 50% en Belgique, on ne peut pas dire qu’on ne les taxe pas dès à présent.
3. Quel type de grande réforme fiscale préconisez-vous?
Il faut en revenir au fondement de l’impôt. L’Etat doit expliquer de façon pédagogique pourquoi il faut davantage d’impôts et pour quoi faire, ou au contraire pourquoi il faut moins d’impôts et comment faire. Il faut ensuite arrêter de partir de nouvelles mesures techniques ou de décider de nouvelles niches fiscales qui servent des intérêts stratégiques et politiques. Il faut envisager des cas très concrets. Une famille qui gagne 50.000 euros bruts par an, combien doit-elle payer d’IPP? Et une personne seule avec 20.000 euros? Il y a aujourd’hui beaucoup trop de complexité inutile. Il y a aussi un effort important à faire en matière de transparence: dans les pays scandinaves, toutes les données fiscales sont publiques, et cela rend l’adhésion plus forte. Sur cette base-là, on pourrait procéder à un grand tax shift prenant en compte les différentes dimensions de l’impôt, y compris environnementales ou sur le capital, en donnant une visibilité sur les perspectives fiscales. Les entreprises, par exemple, préfèreront toujours connaître de façon claire le taux d’imposition qu’elles devront payer, plutôt que de devoir gérer des nouvelles mesures complexes avec le risque, derrière, de subir un contrôle fiscal qui perturbera leurs actionnaires.
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