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Taxer les riches : le pont aux ânes du 1er mai

Lire la chronique d' Amid Faljaoui Amid Faljaoui, directeur des magazines francophones de Roularta.

Le 1er mai est tombé un dimanche. Avouons-le, ce n’est pas le jour idéal pour motiver ses troupes à battre le pavé et à scander dans les rues de la capitale les slogans préparés par la centrale syndicale.

En Belgique, sauf distraction de ma part, la seule mesure qui a retenu l’attention des médias, c’est celle du PS avec sa taxe sur les “riches”. Mais – ô paradoxe – cette taxe existe déjà ! Via la taxe sur les comptes-titres de plus d’un million d’euros, via l’augmentation de la pression fiscale sur le patrimoine des plus riches par le précompte mobilier (il est passé de 15% à 30% en quelques années), sans oublier l’augmentation de la TOB (taxe sur les opérations de Bourse), sans oublier tout un tas de réglementations qui ont mis à mal pas mal de niches fiscales.

Je ne prétends pas qu’il n’y a plus rien à faire en matière de justice fiscale, mais beaucoup a déjà été fait en ce sens. Et puis, second point, il faut se souvenir que “les épaules les plus larges” comme dit la vulgate de gauche contribuent déjà à l’effort collectif : les 10% de Belges les plus riches contribuent à un peu plus de 50% des recettes fiscales. Avouez que ce n’est pas rien. Mais bon, cette histoire de taxe des millionnaires, c’est aussi le rôle du 1er mai. Il faut bien motiver, galvaniser les troupes à continuer le combat social.

En réalité, le danger d’une sortie de crise, c’est que chaque parti dresse une partie de la population contre l’autre. Je lisais le Tweet de l’économiste Geert Noels, qui comme vous le savez est très écouté en Flandre. Or, ce dernier établit un constat exactement en sens inverse au PS. Il prône de regarder du côté des dépenses et pas seulement des recettes. Que dit-il ? Que 16% des pensionnés sont des fonctionnaires, mais que ces 16% représentent 32% des dépenses de retraite ! Et Geert Noels ajoute qu’il trouve cela aussi très antisocial. Là encore, le but n’est pas de dresser les salariés contre les fonctionnaires ou ces derniers contre les indépendants. A quoi bon, c’est contre-productif.

La sortie de crise est plus dure pour certains que d’autres et c’est l’honneur d’un pays civilisé d’aider les plus démunis de ses citoyens. A ce propos, je n’ai pas vu les chiffres pour la Belgique, mais en France – et on peut partir du principe que c’est assez comparable – la structure des dépenses des 20% de la population les plus modestes s’établir comme suit : 40% de leur revenu va vers la dépense de logement, 20% dans les factures énergétiques et 20% dans l’alimentation. Sur quoi agir ? Le prix de l’énergie va, hélas, rester élevé encore quelque temps. Même trajectoire pour l’alimentaire. En revanche, pour le logement, la solution existe : il faut construire plus de logements. Donc octroyer plus de permis de bâtir ou accepter de densifier certains quartiers, c.-à-d. construire en hauteur, mais sans défigurer la ville.

Autrement dit, la hausse du pouvoir d’achat ne passe pas seulement par la taxation des “épaules les plus larges”, mais aussi par une politique du logement plus active. En fait, ce dont il faut se méfier comme de la peste, c’est des solutions en apparence simples. L’exemple d’Elon Musk est édifiant à cet égard. Motif ? Comme il a racheté le réseau social Twitter pour 44 milliards de dollars, certains lui disent qu’il aurait mieux fait de donner cet argent pour abolir la faim dans le monde. Disons-le, c’est un procès en sorcellerie.

Imaginons qu’il écoute ces personnes et qu’il distribue cet argent à tous les Africains, eh bien, chacun d’entre eux recevrait 34 dollars selon l’économiste libéral Ferghane Azihari. De quoi tenir quelques jours, mais après ? Si lutter contre la faim était une question de chèques, ça se saurait de longue date. Non, le vrai souci, c’est la gestion de ces pays. Elle est bonne ou mauvaise, un point c’est tout. La preuve, en 1960, les Sud-Coréens avaient un PIB comparable à celui de la plupart des pays africains les plus pauvres. Aujourd’hui, il est 10 fois plus élevé. A l’instar de Ferghane Azihari, demandons-nous, pourquoi ? De même, regardons juste notre magnifique pays. A Bruxelles et en Wallonie, le taux de chômage reste hélas à un niveau trop élevé et on a même découvert que les malades longue durée sont encore plus nombreux que les demandeurs de chômage. Pourtant, à quelques kilomètres, de l’autre côté de la frontière linguistique, l’économie tourne bien malgré la crise et c’est le plein emploi. D’ailleurs, les employeurs flamands sont confrontés à une pénurie de main-d’oeuvre.

En résumé, oui, pour une fiscalité plus juste, mais oui également pour une meilleure gestion de nos finances publiques. Mais ça, c’est de la nuance et comme le disait Nietzche “malheur à moi, car je suis nuance”. Or, la nuance, ça ne fait pas un bon slogan pour le 1er mai et ça suscite peu de clics sur les réseaux sociaux.

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