Qu’y a-t-il dans le projet “emploi” de Pierre-Yves Dermagne?

Pierre-Yves Dermagne © belgaimage

Vendredi, le “kern” (conseil des ministres restreint) devra examiner les propositions “emploi” du ministre de l’Emploi PierreYves Dermagne (PS). Si certaines propositions ont déjà fait parler d’elles ces dernières semaines, d’autres sont plus ou moins passées sous les radars.

Les points que l’on connaît le mieux

La semaine de 5 jours prestée en 4, et ce afin de dégager un jour de “liberté” pour les travailleurs et leur permettre de souffler. Une proposition plus que louable sur papier, mais qui a déjà fait couler beaucoup d’entre.

Pourquoi ? Parce qu’il ne s’agit pas d’un jour de congé. En effet, le travailleur preste toujours autant d’heures, mais simplement en moins de temps. Par exemple, si la base de travail horaire hebdomadaire est de 40 heures/semaine, le travailleur ne prestera plus 8h/jour, mais 9h30/jour. Avec tout ce que cela implique de rentrer plus tard ou commencer beaucoup plus tôt afin de respecter cet horaire.

A noter que cet aménagement du temps de travail se ferait sur base volontaire et n’est pas applicable dans toutes les entreprises ni transposable à tous les types de travail.

Le droit à la déconnexion atterrira aussi sur la table du kern. Ce droit, tel qu’il est envisagé dans le projet de loi du ministre de l’Emploi, suit de près l’aménagement du temps de travail de 5 en 4 jours, et ce afin de respecter le temps de repos du travailleur. Un droit à la déconnexion d’autant plus indispensable avec l’accélération du télétravail.

Ce qu’on connait moins

Un point qui recoupe la réalité de bien des travailleurs est le régime de travail hebdomadaire alterné, soit un projet de “semaines alternées” afin de garantir une certaine flexibilité pour les parents séparés ou divorcés qui assument leurs enfants en garde alternée. Il s’agit d'”un régime de travail organisé selon un cycle qui s’étend sur une période de deux semaines consécutives pendant laquelle les prestations de la première semaine sont compensées par les prestations de la seconde semaine, afin de respecter en moyenne la durée hebdomadaire normale de travail“, a expliqué une source proche du dossier à La Libre. En gros l’idée est de permettre au parent qui accueille son/ses enfant(s) de pouvoir lever le pied une semaine, et de rattraper en mettant les bouchées doubles la semaine suivante.

Cette période de deux semaines consécutives pourra s’étendre sur 4 semaines en période de vacances.

Le droit à la formation sera aussi évoqué. L’accord, concernant ce droit, est désormais formalisé. Il avait été pris lors du conclave budgétaire d’octobre 2021 et décidait d’allonger ce droit individuel à la formation de 1 jour à 5 jours par an. Reste à déterminer si ce projet est applicable en l’état (5 journées de formation à la place d’une) dans les entreprises de moins de 20 personnes, et de déterminer des sanctions pour les entreprises qui ne joueraient pas le jeu.

Les points d’achoppement

Le premier point d’achoppement, faut-il encore le présenter, est le travail de nuit, ou plutôt le travail jusqu’à minuit. Certaines entreprises, dont l’activité est liée à l’e-commerce ainsi que toutes les activités de logistiques gravitant autour, pourraient participer à une expérience pilote et obtenir une dérogation afin d’instaurer le travail en soirée (de 20 heures à minuit) à l’essai (pour 12 à 18 mois maximum, mais il n’y a actuellement aucun accord sur la durée) et uniquement avec des salariés qui choisissent sur base volontaire cet horaire. Bien évidemment une prime complémentaire est prévue pour les volontaires ; prime qui pourrait atteindre 50% du salaire brut horaire du travailleur. Une fois la période de test passée, un bilan doit être réalisé en concertation avec les syndicats et autres interlocuteurs sociaux afin qu’une convention collective de travail (CCT) entérine, s’il est accepté, ce nouveau régime de travail au sein de l’entreprise.

Une autre poire de discorde, le statut des travailleurs de plateformes, c’est-à-dire les chauffeurs-livreurs de chez Uber, Deliveroo et autres services de livraison. Difficile de savoir quel est leur statut : salarié, indépendant, “faux indépendants”. Si à priori, les deux premiers statuts ne posent pas de problème particulier, c’est le 3e qui fait grincer des dents de Pierre-Yves Dermagne. Et son cabinet propose donc d’établir des critères propres à ce type de travail afin d’établir si une personne est indépendante ou salariée.

Une proposition qui fait grimacer, cette fois, Rodolphe Van Nuffel, porte-parole de Deliveroo, la plateforme de livraison de repas. Ce dernier exprime sa préoccupation sur un projet de loi susceptible d’imposer une forme de salariat à ses coursiers. “Nous sommes préoccupés par les débats politiques et médiatiques récents autour de l’accord fédéral sur le travail, l’e-commerce et l’économie de plateforme dans notre pays, ainsi que les réunions gouvernementales cruciales sur ces questions cette semaine, confiait-il à Trends-Tendances pas plus tard que ce matin. Nous sommes ouverts au débat sur une plus grande amélioration de la protection des coursiers de Deliveroo. Par contre, quand on parle de “présomption de salariat” voire de “salariat imposé”, cela nous préoccupe et cela préoccupe les coursiers qui travaillent pour nous. Notre volonté n’est pas entendue.

Ce projet de loi sur le travail sera-t-il bientôt approuvé? Rien n’est moins sûr. Des points d’achoppement feront l’objet d’âpres discussions et il y a la volonté chez Pierre-Yves Dermagne que “tant qu’il n’y a pas d’accord sur tout, il n’y a d’accord sur rien”.

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