Les entreprises seront les premières rationnées en cas de pénurie de gaz

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L’Allemagne, fortement dépendante du gaz russe, a enclenché la semaine dernière la phase d’alerte du plan national d’urgence pour l’approvisionnement en gaz. C’est la dernière étape avant la mise en oeuvre du rationnement. Quelle est la situation en Belgique à ce stade et qu’est-il prévu en cas de pénurie avérée de gaz ?

Nous sommes confrontés à une pénurie de gaz“, c’est en ces termes peu rassurants que le ministre allemand de l’économie Robert Habeck a proclamé la phase d’alarme du plan d’urgence. Il s’agit de la deuxième phase du plan. La première phase – dite d’alerte précoce – avait été activée à la fin du mois de mars.

Cette deuxième phase signifie qu’il y a une rupture de l’approvisionnement en gaz ou une demande de gaz anormalement élevée, entraînant une “détérioration significative de la situation de l’approvisionnement en gaz”. Le Ministre écolo appelle les Allemands à consommer moins de gaz en vue des stocks d’hiver. Les fournisseurs ne sont pas encore autorisés à répercuter l’augmentation du prix du gaz.

La situation en Belgique est-elle aussi alarmante ?

La ministre belge de l’Énergie, Tinne Van der Straeten (Groen), déclare que notre pays est “en consultation constante avec les pays voisins“. Malgré la phase d'”alerte précoce” aux Pays-Bas et la phase d’alerte en Allemagne, l’approvisionnement en gaz de la Belgique est garanti, indique-t-elle dans un communiqué de presse. Pour le moment du moins.

Stéphanie Maquoi, la porte-parole de la ministre de l’Energie, rappelle que la Belgique est beaucoup moins impactée que l’Allemagne par la situation inédite de la guerre en Ukraine. Elle n’est, en effet, pas directement dépendante du gaz russe. L’import de gaz en provenance de Russie est de 4-6%. L’Allemagne est, elle, dépendante à 35% des importations de gaz russe pour sa consommation, et notamment les besoins de l’industrie.

La Belgique présente la force d’avoir d’autres sources d’approvisionnement à disposition avec l’apport en GNL à Zeebruges et à Dunkerque et la réserve de gaz de Loenhout, remplie à plus de la moitié à cette période“, explique à Trends Tendances la porte-parole de la ministre de l’Energie. “La Belgique est a priori bien protégée mais on ne peut préjuger de rien. Il faut être prêts”, stipule néanmoins la porte-parole.

Le plan de délestage abordé à la Chambre

Signe que la situation est quand même tendue et suscite des inquiétudes, l’actualisation du plan d’urgence de la Belgique doit être abordée en commission Énergie de la Chambre, ce mardi révèle La Libre. Plusieurs questions de députés ont en effet été adressées à Tinne Van der Straeten à ce sujet. La Libre a pu se procurer le draft de la réponse adressée à la députée Leen Dierick (CD&V).

Le terminal GNL de Zeebruges.
Le terminal GNL de Zeebruges.© BELGA

Il en ressort que le délestage est une des mesures envisagées en cas de pénurie avérée de gaz. Cela ne signifie pas nécessairement une coupure de gaz complète. Si une réduction des livraisons s’avérait indispensable, le plan d’urgence actuel prévoit de toucher uniquement les consommateurs raccordés au réseau de Fluxys, précise le journal francophone. Il s’agit de gros consommateurs de gaz de type industriel. En Belgique, il y a environ 120 entreprises raccordées directement à Fluxys.

Mais, davantage de sociétés fortement consommatrices – à partir de 10 Gwh par an – raccordées au réseau de distribution de gaz pourraient aussi être concernées par le nouveau plan d’urgence, selon une enquête réalisée par le SPF Economie rapporte encore La Libre.

Les centrales au gaz font partie des clients protégés. Elles seraient donc touchées en dernier lieu. L’objectif est de maintenir la sécurité d’approvisionnement en électricité. Les sites Seveso seraient, eux aussi, protégés. Le plan d’urgence actuel ne prévoit pas de compensations financières pour les entreprises qui se verraient contraintes de réduire leur consommation de gaz, précise La Libre.

Les ménages, PME et hôpitaux sont raccordés via les gestionnaires de réseau de distribution (Ores, Resa…). Le plan d’urgence actuel ne prévoit pas de toucher ce type de consommateurs. Mais cela pourrait changer. “Dans le cas extrêmement improbable où cela ne serait pas suffisant, les hôpitaux et les ménages seront obligés de consommer moins”, peut-on lire dans le brouillon de réponse adressé à la députée Leen Dierick que La Libre a pu consulter.

Les stocks sont bons

La Belgique présente une situation géographique particulière qui l’avantage en approvisionnement en gaz. Elle est une plaque tournante de gaz en Europe et risque beaucoup moins de connaître une pénurie. La Belgique a, en outre, un large portefeuille de fournisseurs. Par conséquent, notre pays peut également exporter du gaz supplémentaire vers les pays voisins. Sur ce que nous importons, 78 % vont en Allemagne et aux Pays-Bas.

Un bémol toutefois à ce tableau: “Le risque que les prix augmentent et restent élevés est réel“, prévient le cabinet de Van der Straeten.”

La Belgique est a priori bien protégée mais on ne peut préjuger de rien. Il faut être prêts”

Stéphanie Maquoi, porte-parole de la ministre de l’Energie

“Aucune raison de s’inquiéter”

Pour l’heure, la situation est aussi qualifiée de “rassurante” et “sous contrôle” du côté du gestionnaire de réseau Fluxys. Aucun signal d’alarme n’est à déclarer. “Pour l’heure, il n’y a pas de raisons de s’inquiéter. Les flux sont stables. Les stocks sont bons. La Belgique est bien approvisionnée grâce au terminal GNL de Zeebruges, à l’Interconnector vers le Royaume-Uni et les liaisons dans la Mer du Nord avec la Norvège” , commente Laurent Remy, le porte-parole de la société gazière. Le gestionnaire dit être est en relations constante avec le cabinet de l’Energie pour monitorer au jour le jour la situation, et aviser si nécessaire.

Dix pays de l’Union déclenchent le premier niveau d’alerte

À la suite de la réduction des livraisons de gaz en provenance de la Russie, dix des 27 Etats membres de l’Union européenne – dont les Pays-Bas – ont déjà décidé de déclencher leur premier niveau d’alerte sur l’approvisionnement en gaz. Jeudi 23 juin, l’Allemagne, très dépendante du gaz russe, a activé le niveau 2 de son plan d’urgence.

L’UE dépendait de la Russie pour 40 % de son gaz avant que Moscou n’envahisse l’Ukraine. Confrontés à la diminution des flux de gaz en provenance de la Russie, certains pays ont augmenté l’utilisation de centrales au charbon, tout en insistant sur le fait qu’il s’agit d’une mesure temporaire qui ne compromettra pas les objectifs en matière de changement climatique. La Belgique ne dispose pas de centrale à charbon.

3 niveaux d’alerte

Les pays de l’UE doivent avoir mis en place des plans pour gérer trois niveaux de crise d’approvisionnement en gaz : une alerte précoce, d’alarme et d’urgence, explique le site Ouest-France.

Le stade de l’“alerte précoce” est axé sur la surveillance des approvisionnements, tandis qu’une “alarme” permet théoriquement aux services publics de répercuter les prix élevés sur les consommateurs et de contribuer à faire baisser la demande.

Le niveau “d’urgence” permet aux gouvernements de forcer l’industrie à réduire ses activités pour économiser du gaz.

Les réductions opérées par la Russie font craindre à l’Europe des stocks de gaz insuffisants pour faire face à d’autres chocs d’approvisionnement pendant la période chargée hivernale.

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