Philippe Ledent

Inflation : le sommet de la vague en vue?

Philippe Ledent Senior economist chez ING Belgique, chargé de cours à l'UCLouvain.

En passant de 9,1% en juin à 8,5% en juillet, l’inflation américaine a positivement surpris les marchés financiers en montrant, plus que prévu, des signes de ralentissement.

Ce ralentissement est lié à plusieurs phénomènes: certains prix, comme les tarifs aériens, l’habillement, l’éducation ou les tarifs de communication, ont effectivement baissé. Les prix des carburants ont également joué un rôle important car ils étaient clairement orientés à la baisse.

Il est fort probable que la lente décrue de l’inflation américaine se poursuive dans les prochains mois. Certes, certains prix vont continuer d’augmenter car les salaires sont toujours à la hausse. Et comme les entreprises font face à une demande toujours solide, elles n’hésitent pas à reporter les hausses sur leurs prix de vente. Mais les évolutions récentes montrent que ces hausses se font moins pressantes. Par ailleurs, elles vont être plus que compensées par la poursuite de la baisse des prix des carburants mais aussi par le fait que les prix des logements (locations et achats) ralentissent. Il faut en effet se souvenir que ce prix des logements occupe une place importante dans l’indice des prix américain. Pour les loyers, c’est assez naturel (car il s’agit d’une vraie dépense de consommation). Mais l’indice américain tient aussi compte du prix d’achat des habitations, ce qui ne se fait pas encore en Europe. Or, les fortes hausses de taux ces derniers mois ont refroidi quelque peu le marché du logement américain.

Alors que la situation s’éclaircit aux Etats-Unis en matière d’inflation, l’équation reste très complexe en zone euro.

Pour être complet, il faut ajouter un élément très important: l’inflation ne reflète pas le “niveau” des prix mais la hausse de celui-ci sur un an. Dès lors, pour peu que les prix continuent d’augmenter, mais moins rapidement que par le passé, cela suffit à faire baisser l’inflation. On appelle cela “l’effet de base”. Et on se souviendra que c’est en deuxième partie d’année 2021 que les prix ont commencé à grimper. Un an plus tard, le fait qu’ils augmentent moins vite jouera en faveur d’une baisse de l’inflation.

Ce dernier élément plaide également pour un ralentissement de l’inflation dans la zone euro. La plupart des prix des matières premières s’étaient emballés à partir de mi-2021 et se sont à présent stabilisés. Certains sont même déjà revenus à des niveaux “normaux”. Cela devrait mécaniquement soulager l’inflation. Mais il reste la question du gaz, qui sera LA variable à suivre dans les prochains mois. Son prix est actuellement extrêmement élevé en raison des craintes d’une fermeture du robinet russe. Si cela se produit, la zone euro ne sera pas à l’abri de nouvelles envolées, mais surtout d’une pénurie pure et simple, ce qui par ricochet pourrait provoquer des hausses de prix d’autres biens et services. Mais à l’inverse, les difficultés économiques engendrées par un manque d’énergie (moindres revenus, pertes d’emplois, etc.) réduiront la capacité des entreprises à reporter les hausses de coûts sur leurs prix de ventes, ce qui ralentirait l’inflation.

En conclusion, alors que la situation s’éclaircit aux Etats-Unis en matière d’inflation, l’équation reste très complexe en zone euro: d’un côté, une situation géopolitique tendue et une dépendance extrême aux importations d’énergie. De l’autre, un effet de base plaidant pour une baisse de l’inflation, mais surtout un ralentissement économique limitant la capacité d’augmenter les prix. Personnellement, j’en conclus que la balance penchera en faveur de ces derniers éléments et que l’inflation refluera lentement à partir de septembre. Mais cette conclusion est tributaire de nombreuses hypothèses, notamment sur le développement de la guerre en Ukraine. Or l’incertitude y reste immense.

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