Inflation et climat: “Le monde politique n’a rien compris de l’urgence actuelle”
Bernard Keppenne, chief economist chez CBC, met en garde contre le risque de se tromper totalement de priorité alors que le défi climatique est urgent.
“Le moment de la responsabilité est venu.” C’est ce qu’exprimait mercredi à Trends Tendances Philippe Ledent, chief economist chez ING. Il soulignait en substance que face à la crise de l’inflation et à la situation géopolitique délicate née de la crise en Ukraine, un consenus politique et social s’impose, plus que jamais.
Bernard Keppenne, son collège chez CBC, le dément pas, mais met en garde contre le risque de se tromper totalement de priorité.
Les marchés sont fébriles, l’inflation s’installe dans la durée: vivons-nous un moment charnière?
Certainement. En ce qui concerne l’inflation, la réponse que l’on attend aujourd’hui, c’est celle des Banques centrales, qui sont les garantes de la stabilité des prix. On se rend compte aujourd’hui que la décrue de l’inflation n’interviendra pas rapidement, contrairement à ce qu’espéraient certains.
Mais au-delà de cela, la situation actuelle pose toute la question de notre dépendance énergétique au niveau des matières premières et de l’énergie, de notre modèle de fonctionnement et de son impact à plus long terme.
La Commission européenne annonce un plan d’investissements massif pour mettre fin à notre dépendance énergétique, quatre pays – dont la Belgique – veulent faire de la mer du Nord la plus grande centrale électrique…
Tout cela est très bien, mais cela prendra du temps. Trends Tendances a publié une carte blanche dans laquelle je demandais s’il n’était pas utopique de réduire facilement notre consommation de pétrole.
L’urgence actuelle, c’est de savoir comment mettre fin à notre dépendance à l’égard des énergies fossiles russes maintenant – pas en 2030! Les politiques n’en parlent pas. Au contraire, ils prennent des mesures contradictoires pour soutenir le pouvoir d’achat, comme des hausses de la TVA, qui prolongent notre dépendance. Et dans nos plans stratégiques, va-t-on remplacer cela par une autre dépendance à l’égard du gaz de schiste américain?
Il y a une incohérence politique majeure, une absence de prise de conscience de la nécessité d’agir rapidement.
Pour arriver à prendre des mesures courageuses, ne faut-il pas une concorde sociale qui fait défaut?
C’est évident. Nous avons tous notre part de responsabilité. Nous doit revoir d’urgence notre façon de consommer en diminuant notre consommation ou en achetant des produits dont l’impact est meilleur pour le climat.
Est-ce négatif pour l’économie? Pas nécessairement. Les défis sont gigantesques, les investissements sont importants, il n’est pas question de décroissance pour autant.
Est-ce donc le moment de vérité?
Si nous n’avons pas de réponse politique aujourd’hui face à ce double défi social et climatique, on n’y arrivera jamais. Or, le monde politique n’a pas pris pleinement conscience de la gravité de ce qui se passe. Quand on voit la façon dont les derniers rapports du Giec sont passés inaperçus, c’est préoccupant.
Les marchés financiers sont fébriles, en raison de tous ces enjeux?
Sur les marchés financiers, les préoccupations principales, ce sont l’inflation et la rupture des chaînes d’approvisionnement. Il y a également une inquiétude au sujet de l’impact des changements de taux, ce qui explique notamment le krach des cryptomonnaies. On punit une entreprise parce que l’on s’inquiète de ses résultats futurs.
Par contre, le défi climatique ne joue aucun rôle. Là aussi, il y a une forme de décalage.
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