Bernard Keppenne

Et s’il n’était pas utopique de réduire facilement notre consommation de pétrole?

Bernard Keppenne Chief Economist CBC Banque

En prenant certaines mesures proposées à l’unisson par le GIEC et l’AIE (l’Agence Internationale de l’Energie), nous pourrions, à l’échelle européenne, réduire notre consommation de pétrole de 2,7 millions de barils par jour, ce qui équivaut à notre importation russe.

Alors pourquoi le GIEC comme l’AIE ne sont-ils pas entendus ? Et pourquoi les gouvernements prennent des mesures comme celle de baisser la TVA sur l’électricité, sans discernement, alors qu’il a une urgence absolue ? Il est plus que temps de diminuer notre dépendance aux énergies fossiles et nous devons également réduire notre dépendance à la Russie. Et si donc nous pouvions faire d’une pierre deux coups ?

Une insupportable cacophonie

Le GIEC et l’AIE martèlent le même discours en implorant les gouvernements de prendre de réelles mesures pour agir pour le climat. Il n’est plus acceptable aujourd’hui et depuis bien longtemps déjà de se contenter de “mesurettes” comme celles que mettent en place les gouvernements dans une cacophonie insupportable. Et même si les mesures, prônées par l’AIE, visent dans un premier temps à réduire notre dépendance à la Russie, elles devraient, sur le long terme, avoir aussi un impact positif sur la demande de pétrole et donc contribuer à réduire nos émissions de CO2.

Bien loin de l’utopie,… et pourtant

L’AIE n’a pas proposé un panel de mesures qui seraient totalement inapplicables, bien au contraire. Il s’agit en réalité de mesures qui nécessitent tout simplement de la part de nos gouvernements de penser à long terme et d’arrêter de prendre des décisions qui flattent leur électorat.

Et ces mesures sont en tout point indispensables selon le rapport du GIEC quand il parle des décisions à prendre en termes de transport. En effet, le GIEC prône de changer les modes de transport, ce qui revient à prendre moins l’avion, favoriser la marche, le vélo, les véhicules électriques, le covoiturage et le télétravail. Et de son côté, l’AIE ne dit pas autre chose.

La première mesure prônée par l’AIE est un abaissement des limites de vitesse d’au moins 10 km/h sur les autoroutes. Pourquoi donc ne pas imposer sur les autoroutes dans toute l’Europe une vitesse limitée à 110 km/h pour les voitures et à 90 km/h pour les camions, sans exception. Et de mettre en place, un maillage de radars pour éviter le moindre écart. Un système d’amendes progressives pourrait être imposé et les montants ainsi récoltés pourraient approvisionner un fonds d’aide aux plus précarisés et les plus touchés par la hausse des prix de l’énergie.

Une autre mesure avancée par l’AIE est d’instaurer le télétravail jusqu’à trois jours par semaine, quand cela est possible, dans les économies avancées. Selon l’AIE, “l’instauration d’un jour de télétravail par semaine permettrait de réduire la consommation de pétrole d’environ 170.000 barils par jour. À court terme, l’instauration de trois jours de télétravail par semaine permettrait de la réduire d’environ 500.000 b/j”.

La troisième mesure rencontre déjà l’objectif que se fixent de plus en plus de villes, à savoir de sortir la voiture des centres urbains. L’AIE incite donc à mettre en place les dimanches sans voiture. Ce n’est en rien anecdotique en termes de consommation (380.000 b/j à court terme si cette mesure est mise en oeuvre chaque dimanche dans les grandes villes). Et cela rencontre complètement les souhaits du GIEC dans la mesure où cela encouragera la marche et le vélo. Ce qui est en ligne avec la quatrième mesure qui est de rendre les transports en commun plus abordables et d’encourager les mobilités douces, la marche et le vélo, ce qui est exactement ce que recommande le GIEC.

Et on peut continuer ainsi pour les 6 autres mesures prônées par l’AIE et qui sont entre autres de développer le covoiturage, de privilégier le train à grande vitesse ou les trains de nuit plutôt que l’avion lorsque cela est possible, d’éviter l’avion pour les voyages d’affaires lorsque d’autres solutions de transport existent.

Impacts à court et long terme

Selon l’AIE, ces mesures appliquées dans l’ensemble des pays avancés permettraient en quatre mois de réduire la consommation de pétrole de 2.7 millions b/j, ce qui représente ce que l’Europe importe comme pétrole de Russie.

Et si ces mesures ne sont pas justes limitées à quatre mois, mais définitivement imposées, tout en étant évidemment accompagnées des mesures que le GIEC demandent de prendre urgemment dans tous les autres secteurs, elles permettront d’accompagner la transition énergétique. Il s’agit en plus de mesures facilement adaptables pour nos sociétés et que les consommateurs peuvent intégrer dans leur quotidien sans que cela soit perçu comme brutal et ingérable.

Cela demande juste à nos gouvernements d’adopter ces nouvelles normes de façon concertée. L’Europe a montré avec la guerre en Ukraine qu’elle est capable d’adopter une position commune et le défi climatique ne pourra se résoudre que tous ensemble.

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