Epargne, crédits, devises: comment les hausses de taux des banques centrales affectent l’économie mondiale

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Face à une inflation inédite depuis près de 40 ans, les banques centrales aux États-Unis et en zone euro entament une remontée de leurs taux, avec des conséquences tangibles sur l’économie réelle.

Ce virage dans la politique monétaire, la Fed ayant annoncé mercredi une hausse des taux de 0,75 point de pourcentage soit la plus forte depuis 1994, aura des effets tant pour les particuliers que pour les entreprises, mais aussi les pays fragiles.

Des emprunts plus coûteux

Pour les emprunteurs, cela implique une hausse du coût du crédit, par exemple pour acheter une maison.

“Les taux immobiliers sont déjà en hausse et cela devrait s’intensifier“, explique à l’AFP Éric Dor, directeur des études économiques de l’IESEG School of Management.

Concrètement, la hausse des taux des banques centrales entraîne un renchérissement du coût de financement des banques. Ces dernières le répercutent sur leurs clients, entreprises ou consommateurs, qui cherchent à emprunter.

Pour ceux qui ont déjà un prêt, en revanche, la situation diffèrera d’un pays à l’autre : “En France, il y a une large préférence pour les taux fixes, ils n’évoluent donc pas en fonction de l’évolution globale des taux. La péninsule ibérique privilégie plus facilement les taux variables, le risque sera plus élevé là-bas et suscite déjà des inquiétudes”, détaille M. Dor.

Les épargnants à la fête

Les épargnants ont tout à gagner des hausses de taux, qui devraient rendre plus alléchants les rendements des produits financiers, comme l’assurance-vie ou le Livret A.

Le taux de ce dernier est calculé en fonction du taux auquel les banques se prêtent, et de l’évolution de l’inflation.

“Si la revalorisation avait lieu aujourd’hui, le taux proposé serait de 1,7%“, contre 1% en février dernier, explique Éric Dor. La prochaine hausse pourrait intervenir le 1er août.

Davantage d’exportations, importations plus chères

Les effets liés aux hausses des taux diffèrent selon la banque centrale qui en est à l’origine. Celles décidées par la Réserve fédérale (Fed) sont particulièrement scrutées : elles ont commencé plus tôt et sont plus marquées que celles de la BCE, dont la première devrait intervenir en juillet.

“La Fed a agi plus tôt et plus fort, a cessé ses rachats d’actifs et même commencé à réduire son bilan, à la différence de la BCE”, souligne Éric Dor.

En conséquence, le dollar devient plus rémunérateur et se renchérit face aux autres monnaies comme l’euro.

Les produits libellés en devise américaine deviennent alors plus chers, ce qui concerne le pétrole et la quasi-totalité des matières premières, avec à la clé un effet sur l’inflation hors des États-Unis et donc une hausse des prix en magasin ou à la pompe.

Mais cette baisse de l’euro face au dollar est bénéfique pour les entreprises exportatrices, en particulier vers les États-Unis.

Au total, “il y a une baisse du pouvoir d’achat mais les exportations augmentant, cela permet de sauvegarder, voire de créer, des emplois”, rappelle M. Dor.

Dans certains secteurs exportateurs, tels que le luxe ou l’aéronautique, la baisse de l’euro aura donc un effet positif sur les résultats financiers.

Des risques plus importants hors Europe

Si les pays européens sont globalement protégés des effets de cette hausse des taux, en particulier de ceux de la Fed, ce n’est pas le cas pour les pays émergents ou plus pauvres, déjà fragilisés par les conséquences de la crise sanitaire ou de la guerre en Ukraine et la hausse des prix des matières premières et de l’énergie.

Comme pour l’euro, la hausse des taux de la Fed provoque mécaniquement celle du dollar face aux devises émergents, renforçant une inflation déjà plus élevée. Elle tire aussi vers le haut les bonds du trésor américain, alors plus rémunérateurs et nettement plus sûr pour les investisseurs.

Pour des pays déjà en difficulté, comme la Turquie ou le Brésil mais plus encore l’Argentine ou le Sri Lanka, c’est très malvenu car cela renchérit les prix tout en entraînant un flux de capitaux depuis ces pays vers les États-Unis en particulier” rendant plus compliqué le financement de leur propre économie, s’inquiète Éric Dor. Avec le risque de les déstabiliser un peu plus

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