Olivier Mouton

Energie: un été pour sauver l’hiver européen

Olivier Mouton Chef news

La troisième guerre mondiale de l’énergie est d’ores et déjà décrétée. Elle nécessitera du courage et de l’ingéniosité, tant de la part des ménages que des entreprises.

L’appel des trois producteurs d’énergie français, dimanche 26 juin, restera dans les annales. Patrick Pouyanné (TotalEnergies), Jean-Bernard Lévy (EDF) et Catherine MacGregor (Engie) ont demandé aux Français de réduire “immédiatement” leur consommation face au risque de pénurie et de flambée des prix qui menace “la cohésion sociale” l’hiver prochain. De façon contre-intuitive par rapport à leur métier de base, les trois CEO estiment que “la meilleure énergie reste celle que nous ne consommons pas”. Une “chasse au gaspi” nécessaire pour éviter les dérapages sociaux et politiques. Venant de marchands d’énergie, un tel propos alarmiste est rare et mesure la dangerosité du moment pour nos économies et pour notre bien-être.

Partout en Europe, c’est le branle-bas de combat pour remplir les stocks… sauf en Belgique. L’Allemagne vient de hausser son niveau d’alerte et de relancer ses centrales au charbon. Même sentiment d’urgence au Danemark, en Suède, aux Pays-Bas… Et chez nous? “Tout va bien, madame la marquise”, indique en substance la ministre de l’Energie, Tinne Van der Straeten (Groen). Notre pays a une production diversifiée, se trouve “au début” de la chaîne énergétique et exporte même, pour l’instant, du gaz en grande quantité pour nos pays voisins. La situation serait sous contrôle, mais des experts désignés par le gouvernement envisagent tout de même des limitations de vitesse sur les autoroutes ou des baisses de chauffage, tandis qu’un plan de délestage a été réactualisé cette semaine. Sait-on jamais…

La solidarité européenne peut et doit être la réponse face au cynisme mortifère de Moscou. “Poutine mène une guerre économique contre l’Europe, en faisant de l’énergie une arme de guerre, souligne notre Premier ministre, Alexander De Croo. Nous, pays européens, avons une seule mission: former un bloc énergétique uni. Il n’y a pas d’autre issue.” Le sursaut de l’Union européenne est à saluer. Mais il faudra se poser un jour la question de savoir comment nous en sommes arrivés là: hyper-dépendance aux énergies fossiles, abandon trop hâtif du nucléaire, foi aveugle dans les énergies vertes sans oser le langage vérité… Les responsabilités sont immenses. Alors que les Européens devraient avoir le courage de décréter un embargo pour couper les vivres à Vladimir Poutine, c’est ce dernier qui joue avec nous comme un chat avec une souris. Ô faiblesse ennemie.

“Du sang, du labeur, des larmes et de la sueur”: Damien Ernst (ULg) paraphrase Winston Churchill pour décrire les heures sombres qui nous attendent. “Si les Russes continuent dans cette voie et coupent le gaz en direction de l’Europe, les stocks ne seront pas suffisants”, prévient-il. Et quoi qu’il arrive, les prix risquent de monter à un tel niveau cet hiver que les baisses de consommation seront irrémédiables. Faute de moyens.

La troisième guerre mondiale de l’énergie est d’ores et déjà décrétée, sans que l’on utilise le mot. Elle nécessitera du courage et de l’ingéniosité, tant de la part des ménages que des entreprises. Cet été sera en effet décisif pour assurer l’hiver européen. Mais plus fondamentalement, les mois et les années à venir seront cruciales pour sortir des griffes d’un dictateur, sauver la planète du changement climatique et mener un projet européen uni, porteur de valeurs et arc-bouté sur les énergies renouvelables, couplées au nucléaire. L’heure de vérité a sonné. Les plans sont sur la table. Mais, oui, la sobriété devra être un des moyens pour assurer la victoire. Ayons le courage de le dire.

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