E-commerce: le PS a marqué contre son propre camp

Paul Magnette lors de la COP26 à Glasgow, en novembre 2021. © Belga
Olivier Mouton
Olivier Mouton Chef news

La sortie de Paul Magnette sur l’e-commerce a fait couler beaucoup d’encre, la droite a beau jeu de le traiter de ringard, mais elle ne satisfait pas non plus à la FGTB. Et met en évidence le grand écart permanent du parti.

Le PS fait le grand écart, au risque de se blesser. Son président, Paul Magnette, tente d’exister dans un paysage médiatique où l’hypercommunicateur MR Georges-Louis Bouchez est omniprésent – irritant, il dicte un ton offensif voire outrancier.

Le bourgmestre de Charleroi fait face, depuis des années, à un PTB qui lui taille des croupières à gauche en ne lâchant rien sur les reculs sociaux concédés – poujadiste et à l’aise vu qu’il ne brigue pas le pouvoir, du moins pas tout de suite. Le risque pour ce politologue, un rien dogmatique, est de déraper ou de “lâcher une connerie”. Voilà qui est fait.

“La schizophrénie du PS”

La polémique concernant sa sortie sur l’e-commerce illustre la “schizophrénie du PS” (l’expression est de L’Echo, ce mercedi matin). Ses déclarations concernant la “sortie belge de l’e-commerce comme celle du nucléaire” ont certes été détournées, caricaturées, exploitées, mais elles étaient bien caricaturales dans leur teneur initiale. Et voilà comment un pavé dans la mare pour susciter le débat avant un Conseil des ministres (important consacré des “mesures emploi”) peut se transformer en peau de banane.

“On ne va évidemment pas supprimer l’e-commerce, il ne va pas disparaître, a rectifié Paul Magnette au micro de la RTBF. Mais je pense que cela mérite un vrai débat. On entend beaucoup de gens nous dire qu’il faut déréguler, libéraliser, pour pouvoir travailler la nuit sans conditions pour soutenir l’e-commerce. Je pense que ce ne sont pas de bonnes idées. Il faut se rendre compte qu’acheter tout et n’importe quoi en permanence et vouloir l’avoir tout de suite, ce n’est pas bon pour l’environnement, pas bon pour le commerce local, pas bon non plus pour l’emploi de qualité.”

L’argument s’inscrit bien dans la nouvelle ligne “écosocialiste” du président de parti. Forcément, les libéraux ont eu beau jeu de le renvoyer au “19eme siècle” dans une joute dont la Vivaldi est désormais coutumière. La RTBF parle de “Paul Rahbi Magnette” en référence au controversé partian de la sobriété Pierre Rahbi, récemment décédé.

Mais à gauche aussi, la “provocation” passe mal.

“De Georges Clooney à Jean-Claude Dusse”

“Dans une société plus digitale que jamais, où les réseaux sociaux imposent leurs règles et font la pluie et le beau temps, on peut passer du statut de Georges Clooney à celui de Jean-Claude Dusse en un éclair!, souligne sur LinkedIn Jean-François Tamellini, secrétaire général de la FGTB wallonne, en faisant référence au Michel Blanc ultra-maladroit de la sérié des Bronzés. Sauf si l’objectif était de faire un coup de pub pour le site en ligne Vinted; et alors là c’est du génie!”

Le syndicaliste poursuit: “Ces polémiques ne nous aident pas, au moment où se discutent de nouvelles mesures de flexibilisation du travail. L’argument patronal pour justifier le travail de nuit moins cher ne se préoccupe pas de la santé ou de la dignité des travailleur.euses. Encore moins de savoir si ces mesures inspirées de Flandre nous rapprochent un peu plus vers le confédéralisme. Non, ils cherchent tout simplement à maximiser leurs profits. À tout prix! La polémique sur l’e-commerce aura permis de faire oublier les arguments fallacieux de la FEB pour justifier un travail de nuit moins cher pour augmenter leurs profits sur le dos de la santé des travailleur.euses.”

Un but marqué contre son camp.

D’autant que le PTB ne se prive pas de rappeler que le projet de loi sur les mesures “travail” qui sera discuté vendredi provient du vice-Premier PS Pierre-Yves Dermagne, en charge de l’Economie et de l’Emploi. Il prévoit notamment des règles d’assouplissement pour les prestations accomplies entre 20h et minuit. Ces heures seraient comptabilisées, dans certains secteurs et à certaines conditions, comme du travail ordinaire sans sursalaire – et en limitant la capacité des syndicats de s’y opposer.

Il s’agit d’un “moindre mal” car les velléités patronales et libérales étaient plus ambitieuses encore pour le travail de nuit. Encore une fois, le PS est là pour freiner ce qui s’apparente à des dérives néolibérales à ses yeux, mais depuis le début de la Vivaldi, le PS se contente de “limiter les dégâts”. Le projet de loi contient aussi des avancées sociales, notamment pour la semaine des quatre jours ou le droit individuel à de la formation. Avec l’ampleur prise par la polémique sur l’e-commerce, l’ensemble devient relativement inaudible.

Le PS se retrouve, enfin, confronté à ses propres contradictions: il a salué et incité l’installation d’Alibaba à Liège, il était un grand défenseur de Google à Mons, il fait partie d’un gouvernement wallon qui fait de la transition digitale un élément moteur de la reconversion… Bien sûr, Magnette s’attaquait au modèle Amazon, mais à l’ère des réseaux, le message a frappé de plein fouet tous les acteurs d’un secteur déterminant pour l’avenir de notre économie.

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