Communautés d’énergie: une solution, partager la production verte locale

Participer à une communauté d'énergie permettrait d'économiser 15% sur sa facture d'énergie. © Getty Images

Entreprises, communes, écoles, locataires…: tout le monde pourra bénéficier de la possibilité de s’échanger l’énergie des éoliennes ou des panneaux photovoltaïques. Le gain est important, le potentiel infini.

Les communautés d’énergie représentent une formidable opportunité. C’est le sens de l’histoire. Nous avons commencé à y travailler il y a deux ou trois ans et l’actualité nous donne plus que jamais raison. Les prix pour le consommateur final sont désormais colossaux et le fossé est énorme avec le coût réel de la production locale. Ce sont des projets qui font vraiment sens dans le contexte actuel des prix élevés, mais aussi de la crise climatique et de la précarité énergétique…”

François Bordes, CEO de WeSmart, ne cache pas son enthousiasme. Son entreprise avait été créée pour développer un logiciel et une plateforme cloud pour calculer la consommation énergétique des bâtiments. Avec l’adoption de la directive européenne sur les communautés d’énergie, elle a réorienté son activité vers les communautés locales d’énergie renouvelable. Le principe? Un producteur local disposant d’une éolienne, de panneaux photovoltaïques ou de batteries pourra partager à l’avenir son énergie verte en marge du réseau. Les législations nécessaires ayant été adoptées en Wallonie et à Bruxelles.

Personne morale

WeSmart accompagne les porteurs de projets de communautés d’énergie de A à Z. “Dans un premier temps, il s’agit de rassembler les participants potentiels afin de voir si leur collaboration est rentable en fonction des profils de production et de consommation, explique François Bordes. Nous accompagnons ensuite la gestion de la communauté. La personne morale qui en a la charge peut nous déléguer le tout: on s’occupe des factures, de la répartition, du contact avec les participations, du call center…” Ses principaux clients: les communes et le secteur immobilier.

A Bruxelles, WeSmart développe, par exemple, une communauté avec Extensa, le gestionnaire immobilier de Tour & Taxis et de la Gare maritime. “Nous les aidons à partager leur énergie avec les résidents des immeubles à côté, les parkings, etc., explique le CEO. Tous bénéficient de l’énergie verte et locale, produite dans ce cas par des panneaux photovoltaïques.Cela peut se faire au niveau d’un quartier, d’un zoning, voire d’une ville entière: pour Hannut, nous avons réalisé des études incluant les bâtiments de la ville, les écoles, les centres sportifs, le tout partagé avec les citoyens, pour offrir une énergie moins chère sur tout le territoire communal.” Le gain économique n’est pas négligeable. “Nous communiquons généralement sur un chiffre moyen de 15% de réduction de la facture, souligne François Bordes. Le potentiel de ces commmunautés pour l’avenir est énorme. Notre objectif, c’est de gérer des centaines de projets en Belgique, en France et au Luxembourg.”

2.000 entreprises wallonnes

Olivier Bontems, directeur énergie d’Ideta, l’agence de développement de la Wallonie picarde, est lui aussi un précurseur de ces communautés. A la tête du projet Zelda (nom inspiré d’un personnage de jeu vidéo mais aussi acronyme de “zoning d’énergie locale durable”), il porte depuis 2020 l’ambition de réunir les entreprises autour de cette bénédiction pour l’avenir. “Nous avons réalisé une analyse sur 56 parcs d’activités économiques, essentiellement avec des PME, nous explique-t-il. Nous entamons maintenant une troisième phase pour concrétiser une trentaine de communautés dans les deux ou trois ans sur base de la réglementation qui permet enfin de le faire.”

Notre objectif, c’est de gérer des centaines de projets en Belgique, en France et au Luxembourg.” FRANÇOIS BORDES (WESMART)

En tout, pas moins de 2.000 entreprises sont concernées, sur tout le territoire wallon. “Ces 30 parcs d’activités ont été choisis sur toute une série de critères, dont le fait de disposer d’une production locale d’énergie verte, principalement éolienne, explique Olivier Bontems. Mais il existe 200 parcs en Wallonie ; c’est vous dire le potentiel… Notre projet consiste à mettre les entreprises autour de la table, récolter leurs données de consommation et définir le cadre optimal. Nous pourrons donc, dans un second temps, favoriser l’émergence de nouvelles unités de production.”

La vertu de cette dynamique, prolonge le directeur d’Ideta, c’est aussi de surmonter à terme les résistances au sujet de l’installation d’éoliennes en Wallonie. “Quand c’est ‘votre’ éolienne, ou du moins quand vous la partagez, quand vous voyez directement son apport, ce n’est pas la même chose que quand c’est un projet que l’on vous impose, insiste-t-il. Cela crée un sentiment d’appropriation qui facilite l’acceptabilité des projets, c’est indéniable.” D’autant que l’impact budgétaire n’est pas négligeable. “Dans le cadre du marché local, on parvient à livrer le MWh à 60 euros, précise-t-il. Le gain peut être substantiel. On maîtrise mieux les coûts au niveau local alors que dans un écosystème global, on est trop souvent soumis à des tensions exogènes.” La guerre en Ukraine vient encore de le démontrer.

Tous acteurs de la transition

Pour rendre possible cette approche nouvelle en Wallonie et à Bruxelles, une législation était donc nécessaire. C’est chose faite depuis cette année, même s’il manque encore quelques arrêtés d’application à Namur. “Ces communautés d’énergie peuvent être de plusieurs types, précise Maïté Mawet, conseillère Economie au cabinet de Philippe Henry (Ecolo), ministre wallon de l’Energie. Ce à quoi l’on pense directement, bien sûr, c’est un partage de la production d’énergie. Mais cela peut aussi concerner l’efficacité énergétique: plusieurs acteurs peuvent imaginer ensemble un projet de rénovation de leurs bâtiments ou le développement de capacités de production d’énergie renouvelable. Cela peut encore concerner des bornes de recharge pour les voitures électriques.”

Le dispositif légal, précise-t-elle, vise à “éviter les dérives”: “Un contrôle est prévu, même si nous voulons éviter trop de lourdeur. L’important, c’est que le gestionnaire de réseau soit au courant. Il faut créer une personne morale responsable de la communauté d’énergie. De même, la communauté d’énergie reste raccordée au réseau, il est possible de vendre l’énergie produite en évitant un intermédiaire, mais on continuera à payer ces frais car cela reste la garantie ultime“. En clair, en cas d’absence d’énergie propre, on continue à être fourni en électricité. La directive européenne exclut par ailleurs que les grandes entreprises soient elles-mêmes à l’initiative d’une communauté d’énergie. “Elles peuvent y participer mais le pouvoir décisionnel doit revenir à d’autres acteurs”, souligne la conseillère du cabinet Henry.

Cela étant, les avantages sont nombreux. “Cela permet de valoriser le potentiel maximum de certaines surfaces, souligne Maïté Mawet. Les citoyens, les autorités locales, les associations, les agriculteurs ou les petites et moyennes entreprises peuvent tous devenir des acteurs de la transition énergétique. Cela facilite les démarches et fédère les énergies. Il y a évidemment un avantage financier en cette période de prix élevés. Cela peut également favoriser l’adhésion à certains projets. L’objectif du décret est bien d’encourager les initiatives et de les multiplier.”

De quoi nourrir les réflexions de nombreux Belges à l’heure où les factures explosent.

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