Les entreprises se réinventent pour amortir le choc

"Ceci n'est pas LaSemo" - Le festival LaSemo qui se déroule chaque été au parc d'Enghien s'est réinventé, permettant tout de même à 6.000 spectateurs d'assister à des concerts-promenades. L'initiative devrait être renouvelée en 2021. © Belgaimage
Christophe Charlot
Christophe Charlot Journaliste

La deuxième vague de la pandémie de coronavirus est bel et bien là. Si le gouvernement n’a pas imposé un nouveau confinement aux citoyens et aux entreprises, les nouvelles mesures restrictives plongent malgré tout la Belgique dans de nouvelles incertitudes. Si beaucoup d’entreprises tentent de faire le gros dos, d’autres s’adaptent et espèrent, tant bien que mal, amortir le choc… Voire tirer parti de la situation.

“Des exemples d’entreprises qui se réinventent vraiment ? Ils sont peu nombreux. Beaucoup parlent de réinvention mais l’appliquer n’a rien d’évident.” Pour ce responsable d’une organisation fédératrice dans l’univers des entreprises, la deuxième vague que l’on rencontre est dramatique. Et peu de grandes structures peuvent, selon lui, se vanter d’avoir changé de métier. La crise sanitaire dure depuis déjà sept gros mois. Pas facile de piloter un business en cette période troublée. Surtout que la classe dirigeante est amenée à adapter les mesures édictées en fonction de l’évolution de la situation. Ce qui veut dire que, potentiellement, certaines interdictions pourraient être levées dans les semaines à venir ou, inversement, de nouvelles mesures restrictives risquent d’être imposées.

Les clients achètent plus lorsqu’ils prennent rendez-vous que lorsqu’ils ne font que passer dans les boutiques.”

Clarisse Ramakers, directrice du service d’étude de l’UCM

Pas mal d’entreprises ont d’ailleurs d’ores et déjà décidé de prolonger les mesures prises ces derniers mois. Certaines de manière radicale en fermant les bureaux et en poussant l’ensemble du personnel à télétravailler jusqu’à l’année prochaine. Ainsi, chez Google Belgium, suit-on les règles imposées par le groupe à l’international. Résultat : les bureaux sont totalement fermés depuis février et cela jusqu’au mois de juin 2021. Tout le monde travaille donc à 100% depuis son domicile. Déjà avant la semaine passée, d’autres comme BNP Paribas Fortis avaient décidé de ne pas assouplir les mesures de travail à distance comme elles l’imaginaient mais bien de prolonger le système de mis en place. Pour la banque, celui-ci consiste en un shift des collaborateurs du siège central. Ces derniers sont répartis en trois équipes (A, B et C), qui alternent une semaine au bureau suivie par deux semaines de travail à domicile. Les managers doivent veiller à ce qu’il n’y ait pas plus d’un tiers du personnel au siège.

De manière générale, le confinement a démontré à pas mal d’entreprises que le télétravail constituait une formule possible et même efficace d’organisation des tâches. Dans le domaine du service comme les banques, les assurances, les opérateurs et les énergéticiens, par exemple, il est possible de faire tourner l’ensemble des activités de nombreuses équipes malgré un confinement. Pas mal d’entreprises ont d’ailleurs entrepris d’équiper le personnel des outils digitaux nécessaires au travail à domicile. La transformation dans l’organisation de ces sociétés est donc inévitablement liée à la digitalisation : “Des entrepreneurs d’un certain âge ont été forcés de se mettre à l’ordinateur, note Joffroy Moreau, patron de la société de conseils Ekkofin. Nous avons organisé des levées de fonds via Zoom, ce qui aurait été impensable il y a un an. Beaucoup d’entreprises repensent l’organisation de l’espace, investissent dans des bureaux plus petits mais offrant une ambiance plus détendue. Un de mes clients a même totalement abandonné ses bureaux et mis ses 80 employés au télétravail”.

Marc Filipson, patron de Filigranes
Marc Filipson, patron de Filigranes “L’e-shop est là et peut parfaitement tourner même si l’on n’atteint pas le business de la librairie physique. Pour l’instant, le chiffre d’affaires ne tourne qu’entre 2.000 et 3.000 euros par jour.”© Isopix

Mais dans certains cas, le télétravail n’est pas possible. “Pour ceux-ci, précise Clarisse Raemackers, chargée d’étude à l’Union des classes moyennes (UCM), il a fallu s’organiser en shift et adapter les lieux pour permettre un travail dans les bureaux tout en respectant les distances.” Dans l’industrie aussi, on s’organise. “En mars, les entreprises ont dû apprendre à gérer le virus, note Ben Van Roose, manager manufacturing chez Agoria, la fédération du secteur. Depuis, on a appris comment travailler dans ces nouvelles conditions.” Gel hydroalcoolique omniprésent, organisation du travail avec les distances de sécurité, périodes de shifts où les équipes évitent de se croiser sont de rigueur dans les usines et les unités de fabrication. Chez Engie, où les équipes administratives sont incitées à faire du télétravail mais peuvent revenir deux jours par semaine au bureau, certains profils doivent être physiquement sur le pont. Notamment le dispatching qui travaille 24 h sur 24. “Là, nous avons séparé le personnel en équipe A et équipe B qui travaillent sur des sites différents pour éviter qu’elles ne se croisent”, indique Anne-Sophie Hugé, porte-parole d’Engie en Belgique.

Mais bien sûr, pour certains acteurs, c’est l’arrêt total : bars, cafés, restaurants doivent fermer boutique. Et de facto, c’est bien plus qu’un secteur qui est plombé : c’est toute une chaîne, formée de ces acteurs et de leurs fournisseurs. “Pour les membres de notre fédération qui dépendent fortement de l’horeca, c’est une catastrophe”, confirme Nicholas Courant, directeur communication de la Fevia, la fédération de l’industrie alimentaire. Sans compter les effets en ricochet que cela peut avoir sur nombre de métiers. Si les annonces de vendredi passé constituent forcément un drame pour de nombreuses entreprises et de nombreux projets, pas mal de sociétés ont tiré les leçons du confinement de mars-avril pour minimiser les pertes, pour trouver des alternatives… Voire pour lancer de nouvelles activités génératrices de business. Voici quelques-unes de leurs initiatives dont vous pourriez vous inspirer…

1. Nouveaux canaux de distribution

Si le client ne peut plus venir à vous, allez vers lui. Logique mais pas forcément si simple. On a vu, durant le confinement de mars à mai, pas mal de restaurateurs proposer des solutions de livraison ou de plats à emporter. Nombre de boutiques contraintes à la fermeture ont fait de même, rivalisant d’inventivité pour permettre à leurs clients de se faire livrer. Même s’il s’agit de la plus grosse librairie indépendante de Bruxelles, Filigranes n’avait, par exemple, au moment du confinement, pas de boutique en ligne. C’est en pleine crise sanitaire que son patron a décidé d’accélérer le lancement de son e-commerce. D’abord de manière très modeste, avec quelques références seulement et une gestion très simplifiée de la logistique. Cinq mois plus tard, l’e-commerce de Filigranes (qui pourrait bientôt porter le nom de Filizon, en clin d’oeil à son grand rival online) est fin prêt. Les clients ont accès à l’ensemble du catalogue en ligne et la livraison dans les 19 communes de la capitale se fait à vélo par Urbike, et ailleurs par bpost. “L’e-shop est là et peut parfaitement tourner même si l’on n’atteint pas le business de la librairie physique, temporise toutefois Marc Filipson. Pour l’instant, le chiffre d’affaires en ligne ne tourne qu’entre 2.000 et 3.000 euros par jour.” Reste que son commerce peut désormais assurer la continuité de l’activité. Les Tartes de Françoise avait fait pareil : activer la vente par livraison. De quoi garder le lien avec la clientèle mais pas de remplacer tout le business habituel. “Nous comptions 22 magasins, précise Jean Baisier, et la livraison à domicile a permis de minimiser un peu l’impact du contexte mais elle ne représentait que l’équivalent d’une 23e boutique.”

Dans le secteur de la restauration, “beaucoup ont aussi misé sur la livraison à domicile et le retrait des plats sur place, observe Clarisse Ramakers, directrice du service d’étude de l’UCM. Certains, au moment du déconfinement, ont démarré des services traiteurs haut de gamme qu’ils ont conservés pour garder leurs clients qui craignaient de retourner dans les restos. Et dans le non-alimentaire, certains commerçants ont fait le choix de travailler sur rendez-vous. Avec un avantage insoupçonné : les clients achètent plus lorsqu’ils prennent rendez-vous que lorsqu’ils ne font que passer dans les boutiques.”

Toutefois les tests d’e-commerce, de take-away ou d’autres alternatives de ce type ont aussi rappelé combien certaines évolutions s’avéraient nécessaires dans les manières de travailler. “La plupart du temps, on constate que ceux qui ont ajouté un volet e-commerce à leur activité habituelle peinent à gérer les deux, observe Clarisse Ramakers. Ils doivent effectuer des choix quant à leur business model. Dans nos enquêtes, il ressort d’ailleurs très clairement qu’un tiers d’entre eux envisagent des changements de modèle…”

Probiotic Group a adapté son produit et développé un nouveau business florissant, même en cas de reconfinement.”

Martin Schoonbroodt, CEO de Probiotic Group

Dans un autre genre, la start-up Foodiz a aussi dû adapter ses “canaux de distribution”. En effet, cette cantine virtuelle orientée B to B s’est rapidement rendu compte que proposer des lunchs aux entreprises alors que les employés étaient contraints de rester chez eux n’avait plus autant de sens. “Du coup, en période de confinement, nous avons lancé un nouveau produit, le lunch digital, détaille Quentin Walraevens, fondateur de Foodiz. Concrètement, on a proposé à nos clients (les entreprises) d’assurer la livraison des plats pour leurs employés dans le cadre de réunions par vidéoconférence, et ce non plus au bureau mais au domicile de chacun.” Dans ce modèle, les entreprises paient un abonnement à la plateforme et les frais de livraison aux employés, lesquels choisissent leur lunch et le payent, sauf quand c’est l’entreprise qui l’offre. Une manière de “remercier” les collaborateurs et de garder les équipes soudées, d’après le jeune entrepreneur.

Bien sûr, il n’est malheureusement pas toujours “possible d’adapter très facilement ses canaux de distribution, fait remarquer le directeur communication de la Fevia, la fédération belge de l’industrie alimentaire. Les brasseurs, par exemple, ne peuvent pas aussi simplement proposer leurs produits aux particuliers. D’abord, la bière se consomme davantage dans l’horeca qu’à domicile. Ensuite, trouver de nouveaux canaux ne se fait pas du jour au lendemain et cela ne compense pas les pertes”.

2. Adapter son offre de produits

Ce dont le client a besoin aujourd’hui ne correspond de toute façon plus forcément à ce dont il avait besoin hier. Vendre des moelleux au chocolat pour 8 ou 10 personnes alors que la population se trouve coincée chez elle ou dispose de libertés limitées n’a par exemple pas beaucoup de sens. La firme Tartes de Françoise l’a bien compris. “Notre slogan ‘Le bonheur ça se partage’ n’était plus très en phase avec l’actualité, constate Jean Baisier, son patron. Nous avons donc dû adapter les produits que l’on propose et qu’on met en avant. Dès lors, nous avons plutôt poussé les tartes salées et les plus petits formats. Nous avons aussi adapté les plannings de production pour en tenir compte.” Ce constat, Mapâtisserie, une TPE de Limelette qui prépare des pâtisseries à la demande, l’a aussi réalisé. “La demande pour des tartes de grand format a presque disparu pendant le confinement, soutient Marie Van Cangh de Mapâtisserie. Nous avons dû aller vers des préparations individuelles ou, en tout cas, de plus petite taille. La difficulté, pour nous, n’est pas tant d’adapter les préparations que de trouver assez de packagings adaptés.”

Reste que cette évolution, toutes les sociétés ne peuvent pas se le permettre. “Pour de grands producteurs, il n’est pas facile d’adapter leurs produits du jour au lendemain, souligne Nicholas Courant (Fevia). Des entreprises qui livrent l’horeca avec des conditionnements de 10 litres ou plus ne peuvent pas, du jour au lendemain, commencer à proposer en direct des emballages individuels au consommateur ; cela ne marche pas comme cela. De plus, il faut encore s’assurer qu’il y ait une demande additionnelle pour ces produits, alors que d’autres producteurs sont sans doute déjà présents sur ce créneau…” De quoi expliquer que le secteur de l’industrie alimentaire a enregistré, lors du premier confinement, une baisse des activités de l’ordre de… 30%.

Jean Baisier, CEO des Tartes de Françoise
Jean Baisier, CEO des Tartes de Françoise “Pendant le confinement, notre slogan ‘Le bonheur ça se partage’ n’était plus très en phase avec l’actualité. Nous avons donc dû adapter notre offre et pousser plutôt les tartes salées et les plus petits formats.”© Belgaimage

Dans un autre domaine, le pivot de la start-up bruxelloise Utopix va aussi dans ce sens. Jusqu’au début de la crise Covid en Belgique, la jeune pousse technologique proposait une plateforme rassemblant des pros de la photo et de la vidéo. “Mais ce marché s’est totalement arrêté avec le confinement, se souvient Maxime Acari, CEO d’Utopix. Il n’y avait plus de demande pour des photographes d’événements, plus besoin de tirer les portraits d’employés dans des entreprises, etc.” Aussi, la jeune pousse s’est engouffrée dans une niche de marché en pleine croissance : le streaming live. Nombre d’organisateurs ont, en effet, souhaité migrer leurs événements sur le Web via des vidéos en direct. Du coup, Utopix, entourée de partenaires et sous-traitants, s’est positionnée sur ce créneau. Un carton, d’après le jeune patron. Soixante pour cent du business (entre 60.000 et 100.000 euros mensuels) se situe sur le créneau du streaming live. L’autre activité, celle permettant de trouver des photographes, continue. Et la jeune pousse peut, selon l’évolution de la crise, passer de l’une à l’autre en fonction des besoins de ses clients. L’avantage : les deux offres ciblent les mêmes clients, des responsables marketing ou events de petites et grandes boîtes.

Chez BNP Paribas Fortis, on s’adapte aussi à la situation grâce au digital et de plus en plus de services peuvent être souscrits 100% en ligne. “Durant le premier semestre 2020, nous avons vu progresser de 17% les contacts par voie digitale et, pour la première fois, la proportion des ventes aux clients particuliers par les canaux digitaux a dépassé le seuil des 50%, soutient Valéry Halloy, porte-parole de la banque. En outre, la qualité de service s’est considérablement améliorée grâce à l’usage des signatures digitales que nous introduisons pour un nombre croissant de produits.”

3. Diversifier les clients et étendre le marché

Quand, au mois de mars, l’ensemble des centres de fitness ont été contraints de fermer (comme la plupart des commerces dits “non-essentiels”), Martin Schoonbroodt a eu un solide stress. Sa firme de 10 personnes, Probiotic Group, générait en effet pas moins de 50% de son business dans ce secteur en leur proposant des produits thérapeutiques qui détruisent les odeurs et diminuent les allergies. Les produits, à base de probiotiques, luttent contre les bactéries en ne ciblant que les mauvais micro-organismes. Pour compenser cette perte d’activité, la jeune pousse de la région d’Eupen a alors imaginé un nouveau produit : le spray hygiénique Evaa+ destiné, notamment, à désinfecter les masques buccaux en tissu, les gants et les textiles. Ce nouveau produit a notamment été commercialisé dans les pharmacies, un réseau qui ne ferme pas en cas de confinement. La PME aurait écoulé pas moins de 120.000 sprays. De quoi compenser (et même plus) la baisse de revenus liée à la fermeture d’une partie importante de ses clients. Bien davantage qu’une adaptation du produit pour répondre à la demande, la firme eupenoise s’est ainsi trouvé un nouveau business, non impacté en cas de reconfinement…

Autre secteur, autre exemple : le festival LaSemo qui attire en juillet pas moins de 30.000 personnes pour un moment de fête dans le parc d’Enghien. Un concept tout à fait impossible à organiser en période de confinement, forcément… et cela malgré près d’un an de préparatifs. Si ses organisateurs avaient envisagé une annulation pure et simple, la décision du gouvernement, en juin, d’autoriser des événements de 200 personnes maximum a poussé Samuel Chappel, directeur du festival, a réinventer son concept. Résultat ? Ceci n’est pas LaSemo fut “un événement sous forme de promenade dans le parc, par groupes de 200 personnes avec quatre haltes, pour voir quatre spectacles”, précise le responsable. Au total, près de 6.000 personnes ont pu assister à cette variante du concept, en respectant les normes. Bien sûr, “pas au point de couvrir l’ensemble des frais perdus pour l’organisation du festival classique que l’on a dû annuler, admet Samuel Chappel, mais une belle réussite vu les circonstances”. D’ailleurs, le directeur de LaSemo admet à présent qu’il détient un nouveau concept, adapté à la situation de crise sanitaire qu’il prévoit de décliner dès 2021. Ce nouveau “produit” pourrait être répété une fois par saison, l’an prochain, à différent endroits. De quoi amortir et mutualiser des frais (personnels, décors, matériel, etc.) pour continuer à proposer des événements, même à des publics restreints. Surtout : ce nouveau produit lui a permis de toucher un tout nouveau public. En effet, 50% des inscrits n’étaient pas des habitués du festival LaSemo…

Nous avons formé le personnel des boutiques pour leur permettre de venir en renfort du “call center” qui enregistrait énormément de commandes.”

Oliver Perquy, CEO de Nespresso Belgilux

4. Miser sur la flexibilité

Assurer la continuité des commandes. Voilà ce qui, au-delà des préoccupations sanitaires, importait à la direction de Nespresso. Car si la célèbre marque de café réalisait déjà 50% de son business belge au travers de son site web, une bonne partie des ventes s’effectuait toujours via la dizaine de boutiques Nespresso dans le Benelux. Or, celles-ci ont été fermées en mars. Mais une bonne communication de la marque avec sa clientèle a dopé les ventes en ligne et par téléphone (Nespresso vend encore beaucoup via son call center). “Ces canaux ont doublé pendant le confinement, fait remarquer Oliver Perquy, CEO de Nespresso Belgilux. Nous avons dès lors dû former le personnel des boutiques pour leur permettre de venir en renfort du call center.” Concrètement, cela nécessitait d’équiper chacun du matériel et des logiciels nécessaires pour leur permettre d’intégrer le call center depuis son domicile. Au total, un tiers des 100 salariés des boutiques se sont vu demander cette agilité. Rien d’insurmontable : l’affaire a été gérée en trois ou quatre jours. Ce qui a permis de soutenir l’augmentation de la demande via les systèmes de vente directe ( online et call center) qui est passée de 50 à 85% en période de confinement. Une leçon pour Oliver Pequy qui admet “réfléchir à adapter cette agilité dans un autre sens : en effet, imaginons, à l’avenir, une pandémie digitale et une mise à l’arrêt temporaire des ventes en ligne… Notre personnel du call center pourrait aller aider dans les boutiques.”

Bien sûr, il ne faut pas se leurrer : beaucoup d’entreprises ont opté pour la flexibilité via les mesures de chômage temporaire, leur permettant de mettre à l’arrêt certains profils le temps de traverser la crise. D’autres qui, par leur nature même, ont vu leur business exploser en raison de la situation ont joué la flexibilité avec du travail intérimaire : l’e-commerce de pharmacie Newpharma, par exemple, avait fait appel à 150 intérimaires de plus au plus fort du confinement.

Mais attention à ne pas sacrifier l’humain pour la flexibilité. Face à cette deuxième vague, Joffroy Moreau, patron de la société de conseils Ekkofin, souligne l’importance de mettre en place une gestion collaborative. “Les employés ont peur de venir travailler. Si l’on instaure alors un rapport de force direction-employés, ils se mettent en arrêt maladie. Les entreprises qui s’en sortent ont des dirigeants proches de leurs équipes, avec un mode de gestion familial, souple. Ils s’installent autour de la table avec leurs collaborateurs pour gérer la situation en fonction des contraintes. La crise oblige certains dirigeants à abandonner une gestion old school et à entrer dans le 21e siècle.”

Les entreprises se réinventent pour amortir le choc
© GETTY

5. Gérer ses stocks

Inutile de rappeler que les stocks, c’est de l’argent. Et en période de grande incertitude comme c’est actuellement le cas, mieux vaut savoir les gérer correctement. Les cas sont très différents d’une activité à l’autre. Dans le secteur de l’alimentaire et du frais, les stocks de produits ne tiennent, par définition, pas très longtemps. “Au mois de mars, nous ne pouvions imaginer un confinement tel qu’on l’a vécu et nous avons perdu beaucoup de stock de matières premières puisqu’on travaille avec de l’ultra-frais”, déplore Jean Baisier, CEO de la firme Les Tartes de Françoise. Depuis, sa firme gère l’incertitude ambiante et anticipe de nouvelles mesures plus restrictives. “Nous gérons d’abord les stocks et les investissements avec plus de prudence, pour ne plus subir de pertes de cet ordre.” A son niveau (une grosse PME), ce choix de limiter les commandes n’impacte pas, nous dit-il, le prix des matières premières. Mais, dans certains cas, ce pourrait être le risque.

A l’inverse, certains métiers pourraient avoir tendance à travailler… avec plus de stock. Ce peut être le cas d’entreprises qui font appel à des fournisseurs en peine de livrer en raison d’un confinement dans leur pays ou de sous-traitants menacés eux-mêmes par des ruptures de stock. En plein coeur de la crise, les relations avec certains fournisseurs italiens, notamment, se sont révélées particulièrement tendues. Par exemple, Belourthe, la firme spécialisée dans les céréales pour bébés, avait dû faire face à des délais deux fois plus longs pour obtenir des emballages et certains fruits en provenance d’Italie. Pareil pour des imprimeurs avec leurs commandes de papier ou des entreprises de tech en attente de pièces chinoises. Du coup, certains peuvent être tentés de constituer plus de stock à l’avenir et diversifier les fournisseurs pour éviter des ruptures. “Mais c’est bien plus facile à dire qu’à faire, alerte Ben Van Roose, manager manufacturing chez Agoria. Ce n’est généralement pas pour rien que les entreprises travaillent avec des sous-traitants à l’autre bout du monde : la question des coûts est souvent centrale. Faire appel à des fournisseurs locaux – quand ils existent – n’est pas toujours possible financièrement.”

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