Belsim, remettre une pépite wallonne sur les rails de la croissance
Méconnue en Belgique, la firme Belsim travaille essentiellement avec des clients étrangers. Et pas des moindres: Aramco, Total ou encore Air Liquide, chez qui elle améliore les performances énergétiques des outils industriels. Si elle a traversé de mauvaises passes, l’entreprise fait aujourd’hui le pari de la croissance grâce à la diversification et à une politique commerciale mieux huilée.
Sur le créneau de la “gamification”, des applications mobiles et dans le microcosme du digital liégeois, tout le monde le connaît. Dominique Mangiatordi compte parmi les serial entrepreneurs du digital. Globule Bleu, la première agence web de cet ancien de la grande époque Skynet, avait été reprise par Proximedia. Sa start-up suivante, Royal App Force, a été rachetée, avec son appli Peak Me Up, par le groupe de CRM bruxellois Efficy. Depuis, il multiplie les projets: son start-up studio ØPP a lancé Hunterz, HappyFormance, Business Royale, etc. Et tout récemment, Dominique Mangiatordi a annoncé la création d’une agence marketing post-Covid baptisée Greight.
Belsim est une pépite belge méconnue mais qui vend à des leaders mondiaux comme Aramco, a une belle histoire et des produits exceptionnels.”
Dominique Mangiatordi, CEO ad interim de Belsim
Dès lors, quand il affiche un nouveau titre sur son profil LinkedIn, qui plus est celui de CEO d’une PME wallonne active dans le domaine de l’industrie, il y a de quoi être surpris. Car Belsim, firme fondée en 1986, est loin des start-up du digital. Et ses équipes fréquentent moins les espaces de coworking que les installations des géants mondiaux de la chimie, de l’énergie et de l’engineering. “Belsim est une pépite belge méconnue, mais qui vend à des leaders mondiaux comme Aramco, a une belle histoire et des produits exceptionnels”, commente Dominique Mangiatordi. Voilà ce qui a convaincu l’entrepreneur de la tech de piloter, ad interim, la PME wallonne à concurrence d’un jour et demi par semaine. L’homme a été appelé suite au décès, en avril dernier, du dernier CEO de la firme, Pascal Leurquin, ancien fondateur de la société Evadix qui avait entrepris de relancer les boîtes belges Systemat ou Cameleon.
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Fiabiliser des données à haute valeur
La mission de Belsim? Améliorer les performances énergétiques des outils industriels, particulièrement dans l’univers de la chimie, du pétrole et du nucléaire. A cette fin, la PME fournit des solutions pour augmenter la qualité des données de production et de traitement chez ses clients.
Le fondateur de Belsim, Boris Kalitventzeff, un ancien de l’Université de Liège, avait constaté que pas mal de valeurs étudiées par ces acteurs, notamment en matière de suivi des performances, de la consommation d’énergie, etc., n’étaient pas tout à fait fiables. “Or, leurs responsables prennent des décisions avec des enjeux en millions d’euros à partir de ces données, plaide le COO de Belsim, Frédéric Lecoq. Voilà pourquoi il a lancé une spin-off spécialisée dans ce qu’on appelle la data validation and reconciliation, ou DVR.”
Concrètement, les équipes de Belsim se rendent chez les clients, analysent les infrastructures, installent ou inspectent des capteurs sur les différentes installations, en fonction des objectifs du client, afin de faire remonter les infos. Vali, la solution logicielle développée par la firme liégeoise, traite et interprète alors les données provenant de ces très nombreux capteurs, qui mesurent les débits, les pressions, les températures et les flux, par exemple. Le logiciel recalcule ensuite les indicateurs de performance au plus près de la réalité. Cet outil de contrôle est utilisé dans des sites industriels répartis un peu partout dans le monde. Mais aussi en Belgique, à Tihange par exemple, ou dans l’une ou autre usine de production. Parmi les clients: de grands noms tels que Aramco mais aussi Total, Air Liquide ou Petro Rabigh qui vient récemment de démarrer un projet avec Belsim.
Sérieuses turbulences passées
L’activité permet à la PME wallonne d’employer 25 personnes. Et, d’après Dominique Mangiatordi, “de conserver en 2020 une rentabilité malgré un contexte particulièrement compliqué”. Pour autant, on ne peut pas dire que Belsim soit une entreprise qui a toujours été florissante. Grâce à ses technologies et son positionnement, elle aurait même pu être bien plus importante qu’elle ne l’est aujourd’hui. Mais cette spin-off de l’ULg n’a peut-être pas assez développé son approche commerciale pour grandir. D’ailleurs, les équipes commerciales et le middle management n’ont été mis en place que tardivement. Avec des résultats en dents de scie certaines années.
Belsim a même connu quelques sérieuses turbulences, notamment autour de la crise pétrolière au milieu des années 2010. “Les clients dans le secteur du pétrole ont réduit leurs budgets, même si l’on peut leur prouver un retour sur investissement réel”, détaille Frédéric Lecoq. Résultat: une activité en chute libre qui mène la PME à une procédure de réorganisation judiciaire, puis une reprise par Boris Latour, petit-fils du fondateur de l’entreprise, et une relance en 2017. Belsim SA est aujourd’hui officiellement une filiale de deux entreprises suisses (Belsim International et Belsim Group).
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Pascal Leurquin, connu pour ses interventions dans des sociétés en difficulté, entre alors dans Belsim. L’homme participe à la consolidation de l’entreprise, à l’optimisation des coûts. Mais il s’emploie aussi à développer des partenariats académiques pour faire mieux connaître l’approche de data validation and reconciliation, encore méconnue. “Une approche importante, insiste Frédéric Lecocq. En effet, non seulement les profs peuvent transmettre ce concept aux futurs travailleurs de l’industrie mais, en plus, pas mal d’enseignants sont consultants dans l’industrie. Cela popularise une technique sur laquelle on se positionne comme leader mondial.” Enfin, l’ancien CEO entame une sortie progressive du seul secteur pétrolier. Vali, le logiciel de Belsim, peut en effet s’adapter à tout processus qui comprend une dimension énergétique, y compris la pharma, la production de plastique ou le nucléaire. Pascal Leurquin démarre alors une diversification sectorielle fondamentale pour la firme.
“Belsim a raté son hypercroissance”
Une approche que Dominique Mangiatordi compte prolonger et accélérer. Mais il compte également “intensifier une dynamique de partenariats, détaille le CEO ad interim. Jusqu’ici, Belsim a été frileuse en la matière. Résultat, on reste trop petit pour avoir vraiment du poids auprès de certains clients et décrocher des contrats beaucoup plus ambitieux. Nous répondons actuellement à un appel d’offres en Inde… mais nous n’avons aucune présence permanente là-bas. Ce n’est pas simple. Miser sur des partenaires peut aider Belsim à entrer chez certains gros clients et décrocher des contrats plus importants.”
Pour l’instant, les contrats oscillent de quelques centaines de milliers à 2 ou 3 millions d’euros, selon les besoins des clients. Ces derniers achètent Vali, le logiciel, et s’acquittent de fees pour du support et de la maintenance humaine. Un modèle classique dans le secteur assez traditionnel de l’industrie. Loin du concept de software as a service très à la mode dans les start-up, qui consiste à louer l’utilisation d’un logiciel. Emprunter cette direction est une piste que Dominique Mangiatordi examine. Mais il sait que cette approche ne serait pas simple à imposer à ses clients, très conservateurs et qui affichent souvent de très longs délais de paiement.
Une chose est sûre, l’homme a l’ambition de mettre la société sur les rails d’une importante croissance. “En toute logique, si Belsim avait rencontré son hypercroissance, nous générerions 10 à 15 millions d’euros de chiffre d’affaires aujourd’hui”, dit-il. Or, pour 2019, il ne s’élevait pour l’entité belge qu’à 2,4 millions d’euros (4 millions si l’on tient compte du groupe). L’année 2020 aura, bien sûr, été une année compliquée. Mais d’après le rapport de gestion de Belsim, la crise sanitaire ne devrait que retarder les développements de la firme.
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