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Qui pourrait être contre la paix dans le monde?

On serait surpris de se voir poser une telle question. Qui pourrait être contre la paix dans le monde ?

Pourtant, en matière de politique économique, nous sommes assaillis de réactions, d’analyses et de commentaires à des sondages et enquêtes dont les réponses sont tout aussi évidentes et n’apportent donc rien au débat.

Loin de moi l’idée que les sondages ne servent jamais à rien. Ils permettent de révéler le sentiment ou la perception d’une population par rapport à une série d’éléments qualitatifs pour lesquels il n’existe pas de données suffisantes. Par exemple, faute d’un flux de données suffisant sur la conjoncture, les enquêtes réalisées auprès des ménages et des chefs d’entreprises constituent la base de l’analyse du cycle économique en temps réel. Encore faut-il que les enquêtes en question atteignent un niveau suffisant de qualité, tant d’un point de vue statistique (taille de l’échantillon, représentativité de la population, etc.) que d’un point de vue qualitatif (les questions sont-elles correctement formulées, non suggestives, les réponses possibles sont-elles exhaustives, etc.).

Gare au biais ! Deux problèmes classiques peuvent, en fait, survenir. Primo, l’échantillon risque de ne pas être représentatif. C’est bien entendu le cas d’un micro-trottoir : il donne la parole à monsieur Tout-le-Monde mais ce n’est en rien représentatif. Ensuite, même si le nombre de sondés est suffisant, encore faut-il qu’il n’y ait pas de biais de sélection dans l’échantillon. C’est le cas, par exemple, lorsqu’une corporation ou une organisation spécifique ” sonde ” ses propres membres par rapport à des questions en lien avec ladite corporation ou organisation. C’est peut-être intéressant pour un usage interne, mais rendre ces résultats universels serait une erreur puisque la seule affiliation à l’organisation ” sélectionne ” les répondants. Il est, par exemple, inutile de se demander si les membres de la NRA aux Etats-Unis sont pour ou contre une modification de la législation sur le port d’armes à feu…

Secundo, la formulation des questions risque toujours d’être suggestive ou trop évidente. C’est souvent le cas en matière d’enquêtes sur des questions de société ou sur des thèmes politiques. En économie, on apprend que le consommateur cherche à maximiser son utilité : plus il dispose de choses qui lui sont utiles, plus il est satisfait. Dès lors, des questions de type : ” êtes-vous pour une plus large couverture des soins de santé, des pensions plus élevées ou une commune plus verte ? ” n’ont aucun sens. Bien sûr qu’une immense majorité répondra par l’affirmative. Mais en quoi peut-on utiliser un tel résultat pour justifier une politique économique ? En effet, on apprend en économie que les besoins ” illimités ” des consommateurs sont confrontés à une contrainte budgétaire. Dès lors, une question correcte dans une enquête devrait proposer un choix : ” êtes-vous pour ou contre une plus large couverture de soins de santé en échange d’une taxe supplémentaire ? ” D’office, la réponse sera moins évidente…

Pour éviter de mettre le sondé devant des choix douloureux, de nombreuses enquêtes ont trouvé la solution miracle : le tiers payant ! C’est ainsi qu’apparaissent des questions du style : ” trouvez-vous que les grandes fortunes (ou les grandes entreprises) contribuent suffisamment à l’impôt ? ” L’individu sondé, convaincu qu’il ne fait pas partie du groupe visé, répondra avec le sourire que bien entendu ” les autres ” ne contribuent pas assez.

C’en est donc assez de ces sondages mal conçus qui feraient croire que la population est ” massivement ” en faveur de telle ou telle mesure fiscale. L’approbation repose uniquement sur le fait que la population pense ne jamais payer la facture et n’évalue pas correctement toutes les conséquences de la mesure. Ce n’est pas une manière de faire de la politique. La responsabilité publique est justement d’internaliser un maximum de conséquences de telle ou telle mesure et de viser le bien-être collectif en tenant compte de la contrainte budgétaire. Dès lors, le débat sur la fiscalité, par exemple, mais que l’on pourrait étendre à d’autres aspects de la politique économique, doit se détacher de ces sondages qui ne veulent en fait rien dire.

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