Les femmes, futures victimes du télétravail ?

Amid Faljaoui

Pour le télétravail, la messe semble être dite : ce sera la nouvelle forme de travail pour les années à venir. Même les patrons réticents jusqu’à présent à l’égard de ce qu’ils considéraient comme une perte de contrôle sont aujourd’hui convaincus des bienfaits du télétravail. Pour eux, c’est une heureuse découverte. Ils ont compris que c’est une manière d’augmenter la productivité des collaborateurs. Moins de temps perdu dans les embouteillages, moins de temps perdu en palabres devant la machine à café, sans oublier la réduction des multiples réunions inutiles. Bien entendu, si en plus, le télétravail est écologique (moins de transport = moins d’émissions de CO2), cela permettra de verdir le discours managérial.

Lorsque le travail entre au domicile de manière permanente, l’équilibre entre vie privée et vie professionnelle vole en éclats.

D’ailleurs, même des secteurs rétifs au télétravail comme les salles de marché des banques, les écoles et les tribunaux ne jurent plus que par lui. Dois-je encore le préciser, le travail à distance, ce sont aussi, à terme, des coûts immobiliers en moins. Est-il encore nécessaire d’avoir de grands sièges sociaux pour accueillir l’ensemble des collaborateurs ? A priori, c’est autant d’économies en vue. Plus qu’une vue de l’esprit, c’est une réalité puisque pendant deux mois, 18 millions de mètres carrés de bureaux sont restés inutilisés en Belgique.

Voilà pour le nouveau discours ambiant, celui des nouveaux convertis à la religion du télétravail. Des entreprises comme PSA ou Twitter ont d’ailleurs fait le buzz en décrétant que désormais, leurs employés pouvaient travailler indéfiniment chez eux. En réalité, comme toujours, quand la direction d’une entreprise réagit à chaud, elle risque d’aller trop vite et de jeter le bébé avec l’eau du bain.

D’abord, le cas d’IBM montre que le télétravail à outrance détruit la créativité de l’entreprise. Après l’avoir pratiqué durant 20 ans, IBM est revenu en arrière et a compris que le télétravail massif (40% de ses employés) revient à dire adieu à l’innovation.

Ensuite, maintenir un ” esprit collectif ” sera beaucoup plus difficile à réaliser si les employés sont ” atomisés ” et cloîtrés chez eux. Comment fédérer, unir derrière un objectif commun lorsque le ” commun ” n’existe plus ou peu ? Yahoo ! l’a compris et a renoncé au télétravail ces dernières années. L’idéal serait de ne pas imposer le télétravail à domicile ou alors, seulement quelques jours par semaine. Pour éviter les déplacements inutiles, le mieux serait de recourir davantage à des bureaux satellites, ce qu’on appelle des tiers-lieux, où les employés seraient encadrés par des managers de l’entreprise.

La société belge de courtage immobilier Workero a réalisé un sondage montrant que huit Belges sur dix veulent travailler plus près de chez eux. Même si le commanditaire de ce sondage est intéressé, le résultat est une évidence : le lien social restera nécessaire alors que le télétravail implique – sans le dire – que les rapports sociaux cèdent la place à une forme de surveillance algorithmique. Et ça, c’est l’effondrement assuré des liens sociaux. Les salariés doivent en avoir conscience, surtout lorsque le travail entre chez eux de manière permanente. En clair, l’équilibre entre vie privée et vie professionnelle volera en éclats. Les femmes surtout doivent rester vigilantes à l’égard du télétravail car, statistiquement, ce sont elles qui s’occupent en priorité des enfants et des tâches domestiques. Attention donc au retour en arrière que personne n’aura vu ou anticipé ! L’histoire le montre : le ” monde d’après ” n’est jamais celui qu’on a imaginé.

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