L’eau de Javel et l’heureux despotisme chinois

Amid Faljaoui

Les utilisateurs de réseaux sociaux, et de Facebook en particulier, ont pu lire beaucoup de choses bizarres ces derniers temps : ils ont appris que pour que se soigner contre le coronavirus, il fallait boire de l’eau de Javel ! Bien entendu, ce n’est pas la seule pitrerie qui pollue la Toile. Nous apprenons aussi, par exemple, que la ville de Paris était mise sous quarantaine. Bref, vous l’avez compris, les fausses informations, les news tronquées et autres remèdes miracles pullulent en ce moment sur le Web depuis le début de l’épidémie du coronavirus.

Cette fois-ci, les réseaux sociaux ont décidé de ne pas se retrouver pointés du doigt par les autorités gouvernementales. Raison pour laquelle Facebook et d’autres réseaux ont mis en place des mesures pour décourager la propagation d’informations toxiques ou d’autres théories du complot. Mes confrères français du quotidien Les Echos précisent que Facebook va, par exemple, bloquer (ou au minimum restreindre) les hashtags utilisés pour diffuser ces rumeurs.

Bravo ! Mais il ne suffit pas de bloquer ou de restreindre les fausses informations, il faut aussi mettre en avant les bonnes, celles des autorités sanitaires publiques ou privées reconnues officiellement. Là encore, Facebook nous épate : au-dessus du fil d’actualité de ses utilisateurs, un message apparaît, suivant les indications de l’OMS (Organisation mondiale de la santé). Pour couronner cette démarche citoyenne, Facebook offre des crédits publicitaires gratuits aux organismes de santé pour faire oeuvre d’éducation sur les dangers du coronavirus. Bien entendu, Facebook n’est pas le seul réseau social à agir de la sorte. Instagram, réseau plus prisé par les jeunes et appartenant aussi à Facebook, a pris des mesures similaires.

La Chine qui sort de terre un hôpital flambant neuf en 10 jours, n’est-ce pas un signe de puissance déguisé, un nouvel épisode de son ” roman ” national ?

Ces mesures sont excellentes mais, hélas, selon Les Echos, il reste encore des zones d’ombre. C’est le cas des groupes privés qui, par définition, ne peuvent pas être vérifiés ou contrôlés par Facebook. Or, c’est souvent dans ces groupes privés qu’on retrouve la plupart des théories du complot ou les fausses informations. Mais bon, on ne va pas bouder notre plaisir lorsque les Gafa se servent de leur puissance pour une cause noble, même si leurs armes ne sont pas étanches à toute critique.

Par ailleurs, en matière de coronavirus, la panique est mauvaise conseillère. Motif ? Les médecins vous le confirmeront : les maladies infectieuses font très peur mais elles sont moins mortelles que par le passé. Jusqu’à présent, nous avons pu toutes les endiguer : n’oubliez pas qu’au cours des 35 dernières années, nous avons subi la crise de la vache folle, de l’anthrax, du SRAS, des grippes aviaires, sans oublier des tas d’autres virus qui ont affecté le Moyen-Orient ou le Brésil. Fort heureusement, pour chacune de ces épidémies, il y a eu relativement peu de morts. Le moraliste dira que chaque mort est un mort de trop. Qui pourrait le blâmer ? Mais il faut aussi raison garder. D’abord, en gardant à l’esprit qu’il est trop tôt pour savoir si le coronavirus sera mortel à grande échelle : pour l’instant, sa mortalité demeure faible (2% des cas diagnostiqués). Ensuite, en restant prudent et ne baissant pas notre garde.

Rappelons aussi qu’à l’heure actuelle, notre bonne vieille grippe a fait plus de dégâts que toutes les épidémies citées plus haut. Plutôt que de paniquer inutilement, mieux vaut se poser de bonnes questions. Par exemple, sur le fait que dans notre malheur (ou bonheur) de citoyens mondialisés et interconnectés, nous devrions être rassurés (sans oser l’avouer) que le foyer du virus ait été décelé dans un pays comme la Chine, les régimes autoritaires étant, par définition, les plus capables de mettre en quarantaine des millions de citoyens.

Imagine-t-on Bruxelles, Paris ou Londres mis sous quarantaine ? Et puis, que penser de la Chine qui sort de terre un hôpital flambant neuf en 10 jours ? N’est-ce pas un signe de puissance déguisé, un nouvel épisode de son ” roman ” national ? La deuxième puissance économique mondiale est non seulement devenue plus transparente (par rapport à l’épidémie du SRAS apparue dans le pays en 2002) mais elle montre qu’elle a les moyens de créer ab ovo une clinique en quelques jours alors qu’en Belgique, réparer ou remplacer un viaduc prend des années.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content