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“Au diable l’épargne, carpe diem!”

De quelle manière une économie peut-elle se relever d’un choc lui ayant fait perdre 10% de son activité? C’est la question sur laquelle planchent actuellement la plupart des services censés produire des prévisions économiques.

Pour y répondre, on utilise des modèles ou des relations partielles entre variables économiques. Mais il ne faut jamais oublier que ceux-ci sont toujours “calibrés” sur l’expérience passée. Par conséquent, s’agissant d’un choc équivalent à deux ou trois fois celui de la crise financière, il est normal de s’attendre à une reprise lente: le nombre de faillites devrait exploser (du moins dès que les mesures de soutien et le moratoire prendront fin), les pertes d’emplois qui s’en suivront vont provoquer une perte de revenu pour les ménages, ce qui va affaiblir la dynamique de consommation et donc l’activité économique. Face à ce manque de demande, les entreprises continueront à limiter leurs investissements, ce qui va encore ralentir la croissance, et ainsi de suite. Il faudrait aussi parler des finances publiques, très dégradées par la crise actuelle, et dont la remise sur une trajectoire soutenable nécessitera tôt ou tard, notamment en Belgique, de nouvelles mesures d’austérité.

Les dommages collatéraux de la plus grave crise économique de l’après-guerre buteront peut-être contre l’envie de vivre, tout simplement, après une année cauchemardesque.

En bref, après un choc profond et long (il ne devrait prendre fin au plus tôt qu’au printemps 2021…), ses effets directs ainsi que les dégâts collatéraux incitent forcément à prévoir d’importantes difficultés, même dans la phase de reprise. Pourrait-on néanmoins être positivement surpris? Il est vrai que la nature du choc est tout à fait particulière. La baisse d’activité n’est pas liée à un choc interne à l’économie, comme un choc de politique monétaire ou budgétaire, ou encore une hausse des prix des matières premières ou encore un problème financier. Ici, les entreprises ne demandent au contraire qu’à fonctionner et les consommateurs ne demandent qu’à consommer. Il faut d’ailleurs avouer que les chiffres du troisième trimestre de cette année, durant lequel le virus a donné un peu de répit à la plupart des économies, ont positivement surpris la plupart des conjoncturistes. Il ne faut donc pas sous-estimer la capacité des économies à se relever une fois le cauchemar terminé.

Par ailleurs, l’euphorie non seulement des marchés financiers mais aussi des médias déclenchée par l’annonce du succès de l’étude phase 3 d’un des vaccins contre le Covid laisse penser que sa diffusion concrète, à grande échelle, déclenchera une euphorie encore plus grande. Celle-ci s’accompagnera peut-être d’une envolée de la consommation des ménages et des investissements des entreprises. “Au diable l’épargne, carpe diem“, se diront peut-être des millions de ménages. Aucune variable ne pourra jamais modéliser le sentiment de délivrance que représentera la fin d’une pandémie mondiale après tant de contraintes, de restrictions et de peurs. Alors, qui sait?

En conclusion, les dommages collatéraux de la plus grave crise économique de l’après-guerre buteront peut-être contre l’envie de vivre, tout simplement, après une année cauchemardesque. L’expérience du passé fait penser que les premiers seront plus forts. Espérons que cette fois, ce sera vraiment différent.

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