Pourquoi les femmes sont si peu nombreuses à la tête des start-up belges

Les femmes à la tête de start-up restent encore très minoritaires. © iStock

Un état des lieux des start-up européennes a été présenté à Berlin lors de “l’European Start-Up Monitor”. La place des femmes au sein de ces entreprises fraîchement lancées a notamment été évoquée. Seulement 15% des fondateurs de start-up sont des femmes. Chez nous, le chiffre avoisinerait même les 14%. Pour certains, il serait encore plus inférieur.

“Je suis très étonné de ces chiffres”, nous répond Omar Mohout, spécialiste des start-up et ingénieur chez Sirris, société qui aide les entreprises à élaborer des innovations technologiques. “En Belgique, le taux est encore plus faible, avoisinant les 11% à peine. C’est vraiment dommage”.

Julie Foulon travaille pour l’incubateur de start-up Start it à Bruxelles et tient le blog Girleek : “Il y a effectivement très peu de femmes. Néanmoins de plus en plus d’entre elles s’intéressent aux technologies et intègrent des équipes, mais peu encore ont des postes à responsabilité”.

Ces faibles chiffres pourraient être expliqués par le fait que la majorité des start-up sont indissociables des caractères technologique et informatique. Or, on se rend compte, et ce n’est pas nouveau, que les bancs des écoles de mathématiques et d’informatique n’attirent toujours pas énormément les filles.

“Lors de ma première année d’étude, à la fin des années 1980, il y avait à peine 15% de filles. Aujourd’hui, si vous vous rendez à la KUL (Katholieke Universiteit Leuven), vous pourrez observer que ce chiffre est plus ou moins similaire. Ca ne date donc pas d’hier”, poursuit Omar Mohout.

Il ajoute : “L’élément positif en Belgique, c’est que le nombre de femmes qui organisent des activités pour les start-up est assez élevé. Il oscille entre 30% et 40%”.

Julie Foulon est optimiste à propos de son secteur : “Je pense qu’il y a moins de discrimination dans le monde des start-up. Chez nous, on a demandé à des patrons s’ils paieraient à salaire égal une femme pour le même poste qu’un homme, et aucun chef d’entreprise n’avait pensé à cette possibilité. Il y a plus de tolérance et moins d’inégalité, je pense, que dans d’autres types d’entreprises”.

Au niveau européen, il semblerait que la Suède et la France affichent les meilleurs scores. Le nombre de femmes fondatrices de start-up en Italie, aux Pays-Bas et en Allemagne se rapproche plus ou moins du taux belge.

Aux Etats-Unis, l’entreprenariat se féminise

Au pays de l’Oncle Sam, de plus en plus de femmes décident de se lancer dans la création d’entreprise. En 2014, 18% des sociétés américaines ayant levé des fonds l’ont été au moins par une femme. Selon une étude du site “Crunchbase”, spécialisé dans le web et les nouvelles technologies, cette proportion aurait doublé en cinq ans à peine. Cette tendance semble être en constante évolution au fil des années.

Cependant, le site mentionne qu’il est toujours aussi difficile de mener une entreprise quand on est une femme par rapport à un homme. Plus une société se finance, moins elle a de chances d’avoir été fondée par une femme. “Crunchbase” relativise néanmoins : au vu des améliorations ces cinq dernières années, il est probable que cette tendance évolue aussi avec le temps.

Le magazine américain Newsweek a réalisé une enquête sur le machisme et les difficultés pour une femme d’évoluer au sein de la Silicon Valley, la région californienne où se concentrent les plus grandes entreprises technologiques et autres start-up. Les réactions n’ont pas tardé dans le milieu du numérique. Quand une femme décide de se lancer, le chemin devant elle est fortement sinueux :

“Il n’est pas rare qu’une femme doive essuyer les remarques sexistes et déplacées. Le machisme au sein de la Silicon Valley est très présent. Je n’ai pas cette impression ici en Belgique. Chez nous, le monde des start-up n’est pas comme ça”, ajoute Omar Mohout.

“Je ne perçois pas non plus le monde des start-up en Belgique comme machiste. Au contraire, les hommes sont contents de voir arriver des femmes dans le milieu. Il y a un intérêt de plus en plus croissant des femmes dans les nouvelles technologies. La mixité des équipes permet d’avoir des idées plus abouties et un projet mieux ficelé”.

Pas propre aux start-up

Le peu de postes à responsabilité occupés par les femmes n’est évidemment pas propre qu’au monde des start-up. En France, selon un article du Huffington Post, 12% des femmes occupent un poste à responsabilité dans les entreprises publiques, 17% sont à la tête d’entreprises privées et enfin 24% siègent dans les Conseils d’administration des entreprises du CAC40.

En Belgique, comme nous vous le disions déjà en septembre 2014, les chiffres sont plus ou moins les mêmes que ceux de nos voisins. 17% des PDG en Belgique sont des femmes et 23% des sièges au sein des Conseils d’administration sont occupés par des femmes.

“Encore récemment, lors de deux conférences regroupant une centaine de PDG, il y avait à peine 10% de femmes. C’est global, ce n’est pas propre qu’aux start-up technologiques”, nous révèle Omar Mohout.

Un rapport de la banque “Crédit-Suisse”, effectué sur un total de 3000 entreprises sondées dans 44 pays, démontre que la Belgique arrive tout de même à la 7ème position de la classification du nombre de femmes membres d’un CA.

De plus, il faut savoir qu’en 2011, la Chambre a voté une loi obligeant la présence d’au moins un tiers de femmes dans les CA des entreprises publiques. Pour être atteint, ce quota bénéficiait de 5 à 7 années.

La vie de famille comme obstacle, mais pas que

Outre le peu d’attrait pour les études technologiques ou de mathématiques, plusieurs autres facteurs pourraient expliquer cette faible représentation des femmes dans des postes à responsabilité. La difficulté de combiner vie de famille et haut poste est souvent évoquée.

“La perspective d’avoir des enfants coupe certaines femmes dans leur élan car les indépendantes n’ont droit qu’à 8 semaines de congé de maternité contre 15 pour une employée. C’est dès lors difficilement conciliable”, déplore Julie Foulon.

L’article du Huffington Post mentionne aussi le fait que les femmes peuvent être victimes de discrimination lors du recrutement ou de la promotion, qu’elles peuvent être moins performantes que les hommes lors de ces procédures ou parce qu’elles candidatent moins aux postes à responsabilité.

A noter enfin qu’en Belgique, selon un rapport du Service Public Fédéral Emploi et de l’Institut pour l’Egalite des Femmes et des Hommes, l’écart salarial moyen entre les hommes et les femmes reste proche de 20%.

Maxime Defays

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