Trends Impact Awards: “le covid a vraiment changé la dynamique économique de la planète”

Quelles seront les prochaines révolutions digitales qui vont modifier notre façon de travailler ? “On n’imagine même pas ce qui sera bientôt possible”, nous dit Brice Le Blévennec, fondateur de l’agence digitale Emakina. Rencontre à l’occasion des Trends Impact Awards.

Mercredi 30 novembre, les Trends Impact Awards récompenseront les PME et les grandes entreprises qui ont un impact durable sur leur environnement. Des prix seront remis dans six catégories, dont la digitalisation, et plus spécifiquement la digitalisation en entreprises, l’un des enjeux majeurs pour le monde économique. Dans ce domaine, la pandémie aura eu un effet cathartique. Elle aura poussé les lignes et ouvert de nouveaux possibles en dématérialisant une partie de la production, nous dit Brice Le Blévennec.

“La digitalisation a déjà changé radicalement notre rapport à l’entreprise. On ne s’en rend pas encore compte, mais le vrai impact du covid va se ressentir dans les 10, 20 ou 30 ans à venir. On a pu prouver qu’on pouvait être productif de chez soi, garder un esprit d’entreprise et travailler avec des gens localisés un peu partout. Cela va vraiment changer la dynamique économique de la planète. On en est encore aux balbutiements, car il n’est pas toujours facile de se défaire des habitudes, mais ce constat va changer le monde à un point que la plupart des gens n’ont pas encore réalisé. Le télétravail va modifier profondément notre civilisation. À partir du moment où l’on ne va plus avoir de concentration de travailleur, on a plus besoin des mêmes surfaces de bureaux. Ces lieux se transformant en espace de vie. Cela va changer les structures des villes, de la Belgique même puisque les gens resteront plus facilement dans leur village, voire la structure de l’économie. Doit-on encore engager des Belges pour faire certaines choses ? Ne serait-il pas mieux d’offrir aux Belges plus de places liées à la santé, aux services sociaux, à la science ou à la culture ? Attention, tout ne se fera pas à la maison pour autant. Ce n’est pas parce que c’est possible que c’est toujours souhaitable. Les humains ont des besoins sociaux et continueront à sortir de chez eux et à se rendre sur leur lieu de travail, mais il n’y aura plus ce côté systématique et sans discussion.

Quelles autres grandes avancées peut-on s’attendre dans les vingt ou trente années à venir ?

Il y a quelques pistes.

La première est la robotisation. Elle est déjà en cours, mais elle va encore s’accentuer dans les années à venir. Il ne faut pas s’attendre à ce que l’on peut voir dans certains films de science-fiction. La robotisation, c’est surtout l’automatisation et la programmation des tâches par des logiciels. Ce domaine va incroyablement s’améliorer et s’affiner grâce à la puissance de calcul toujours accrue des ordinateurs. Des choses qui sont encore aujourd’hui faites à la main pourront être complètement automatisées. On ne fera plus appel à l’humain que quand c’est absolument nécessaire.

La deuxième est dans tout le travail dit intellectuel. Pour les travailleurs de bureaux, il va y avoir un déferlement de nouveaux logiciels, de technologies autour de l’intelligence artificielle et du machine learning. Cette évolution sera très très vaste puisque ce domaine connaît aujourd’hui une percée majeure. Les machines ne vont plus se contenter d’apprendre et de reconnaître des motifs (visage, voix, écriture), elles sont désormais aussi capables de se challenger l’une l’autre et ainsi générer elles-mêmes du contenu. Certaines machines sont ainsi capables de créer un objet en 3D à partir d’un croquis de quelque chose qui n’existe pas. Dans les métiers créatifs, mais aussi l’ingénierie ou encore la médecine, on n’imagine même pas ce qui sera bientôt possible. Il n’est plus si farfelu de croire que dans 10 ans le CEO d’une entreprise sera une intelligence artificielle. Le seul frein, c’est qu’il faut que cela soit accepté socialement, car tout changement fait peur. Dans les faits on est pourtant déjà dirigé par l’intelligence artificielle. Il suffit de penser à Google quand on fait des recherches ou au fait qu’on ne se déplace plus sans GPS. S’il faudra toujours des humains pour dire quoi faire à la machine, il y aura toute une série de nouveautés capables de réaliser des choses jamais vues jusqu’ici. Et cela va se passer à un rythme foudroyant. On parle de changement radical tous les deux mois.

En quoi la digitalisation peut-elle avoir un rôle de premier plan pour rendre les entreprises plus durables ?

La digitalisation est un synonyme de dématérialisation. Et qu’est-ce qui consomme de l’énergie ? C’est la transformation de la matière. Donc à partir du moment où les entreprises dématérialisent une partie de leur fonctionnement ou de leur processus, elles vont utiliser moins de matières et par la force des choses produire moins de CO2. Il s’agit là de la grande vision d’ensemble. Si l’on souhaite rentrer un peu plus dans le détail, il y a par exemple la vidéo-conférence qui permet de faire des réunions sans faire bouger ou faire voler des gens. Rien que ça, cela permet de faire des économies en ressource de la planète. Comme pour les e-mails, c’est l’un des exemples les plus flagrants et illustratifs du remplacement d’un processus qui utilisait un nombre incroyable de matières par des processus digitaux. Et ce remplacement aura un impact important sur sa durabilité.

La digitalisation est donc surtout un des facteurs sur lequel on peut s’appuyer pour pomper moins les ressources de la planète. Il y a encore des efforts à faire au niveau des serveurs et du cloud, notamment au niveau du matériel et la consommation de bande passante, mais en faisant le bilan, je pense que les bits consomment moins que les atomes. D’autant plus que les serveurs sont le plus souvent au plus proche des utilisateurs.

Il y a aussi d’autres aspects moins évidents à cette digitalisation, comme l’optimisation. On peut mesurer et cartographier beaucoup plus facilement les processus digitaux. Cela offre le double avantage d’offrir plus de transparence et de gaspiller moins de ressources. Et ces ressources, ça peut être des humains, mais aussi des machines, l’énergie nécessaire à ces machines, ou des matières premières. On pourrait réduire la digitalisation des entreprises à une vision synthétique qui explique pourquoi ceci ou cela améliore les choses. La digitalisation c’est la transparence, l’analytique. C’est aussi la mesure, l’optimisation et la fin des overated, du gaspillage de la redondance.

Prenons l’exemple du secteur de la construction. Il y a aujourd’hui les technologies digitales BIM (soit la modélisation des données du bâtiment NDLR ) qui vont digitaliser toutes les phases et étapes de la construction. Celles-ci vont extrêmement loin et permettent de déterminer pour chaque phase les ressources nécessaires et les interdépendances. Utiliser ce genre technique permet d’économiser entre 10 et 15% des matériaux de construction. Cela réduit aussi les déchets, le temps, l’énergie…

Quelle est la place de l’être humain dans ces changements ?

Que ceux que ça angoisse se rassurent, les machines resteront un outil. Un outil extrêmement puissant, c’est vrai, mais avec un bouton on-off. Cependant, on ne peut nier que les choses changent. On va vers un autre monde. Il y a des métiers qui vont disparaître, mais ces personnes pourront faire autre chose. Ce processus de digitalisation ne devrait pas non plus tellement desservir l’intérêt humain dans les entreprises, ou alors seulement ceux qui sont paresseux ou malhonnêtes. Dans une organisation, il faut toujours une certaine justice. Avec la digitalisation, on voit un peu mieux ceux qui bossent et ceux qui ne font rien. Cela laisse moins de place aux planqués, aux tricheurs.

Tout processus de transformation, et il n’y a pas que la digitalisation, nécessite d’adapter les ressources au sens large. Tout changement impose un stress parfois pesant pour l’individu. Mais sans celui-ci, il n’y a pas d’évolution. Et sans évolution, on ne résoudra pas les problèmes auxquels on est confronté. Il y aura toujours des humains pour qui ce sera terrible et qui vont en pâtir et d’autres qui vont en bénéficier. Mais, dans l’ensemble, c’est tout de même pour un mieux. Pour moi, le monde appartient à ceux qui veulent apprendre et à ceux qui sont agiles. Ceux qui ne veulent rien changer risquent de disparaître. Heureusement, l’accélération de l’agilité des nouvelles générations suit un peu les évolutions technologiques. L’évolution de l’espèce fait que le cerveau est capable de faire de nouvelles connexions. Nos câblages seront différents. On sera peut-être plus visuels, plus instinctifs, moins capables de retenir des choses, mais plus susceptibles de trouver l’info au bon endroit. Je pense que l’avenir de l’espèce passera par notre capacité à résoudre les problèmes et à chercher des solutions. Pour y parvenir, il est impératif que les jeunes, les institutions et les entreprises investissent dans la science, l’innovation, dans le progrès technologique et dans la créativité humaine. Il faut pousser la démarche scientifique, plutôt que claquer du fric dans le marketing ou de se lancer dans une carrière commerciale qui n’apportera rien d’autre que de l’argent. L’égoïsme signifie la fin de l’humanité.

Faire face à la prochaine calamité

Mercredi 30 novembre,lors d’une soirée au Brussels Expo, Trends Tendances remetles premiers Trends Impact Awardsà une dizaine d’entreprises particulièrement actives dans la concrétisation des Objectifs pour le développement durable des Nations unies. Economie circulaire, écologie, bien-être, résilience, digitalisation et diversité : ce sont des enjeux majeurs pour le monde économique.

Les lauréats éligibles au sein de la catégorie digitalisation sont Happy Hours Market, Lita.co et Shayp.

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