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Les sinistrologues et la fatigue des salariés

Lire la chronique d' Amid Faljaoui Amid Faljaoui, directeur des magazines francophones de Roularta.

Et si nous clôturions la semaine sur une petite réflexion sur l’entreprise: sur ceux et celles qui la dirigent et sur ceux et celles qui vivent dedans. Et que constate-t-on ?

D’abord, que pour être dirigeant d’une entreprise aujourd’hui, il faut avoir un moral en béton. Ce sont vraiment des montagnes russes, sans jeu de mots. Prenez un patron de 50 ans, par exemple : il a subi la crise bancaire de 2008, il a, à peine, absorbé le choc qu’il s’est retrouvé secoué par la crise de la dette publique avec la faillite de la Grèce en 2012. Puis, ce même dirigeant a, à peine, le temps de lécher ses cicatrices qu’il doit se farcir un virus, inconnu en 2020, qui l’oblige à fermer son entreprise. Et quand, en 2022, après une 5ème vague, il espère enfin souffler, hop, notre ami Poutine ne trouve rien de mieux que d’envahir l’Ukraine et de nous menacer d’une guerre nucléaire.

Et comme en plus, cela ne suffit pas déjà à nous angoisser, vous avez des experts (je dirai plutôt que ce sont des sinistrologues) qui nous disent : “Oui, mais la Russie, ce n’est rien, attendez de voir quand la Chine va envahir Taïwan, ça c’est encore pire”. Je parle du dirigeant car sa fonction principale, outre le fait de diriger sa boite et de donner le cap, son autre fonction principale, c’est d’importer de l’énergie négative et d’exporter de l’énergie positive. Mais comment le faire quand le monde est à ce point incertain ? Quand les balises habituelles ont toutes sauté les unes après les autres ?

D’autant, et c’est mon deuxième point, on le voit bien : les salariés sont fatigués et stressés. Fatigués du covid, car les contraintes liées à ce virus ont déstructuré le rythme de travail avec des effets “stop and go” successifs, qui ont sur-sollicité les salariés de nos entreprises. Nous sommes tous fabriqués de manière à gérer notre énergie en fonction d’un effort prévisible, mais que faire quand plus rien n’est prévisible ? Quand il n’y a plus de rythme normal ou quand l’horizon semble bouché ? Ces questions, les salariés se les posent chaque jour, les cadres chargés de coordonner le travail des autres collaborateurs se la posent encore plus et quant aux dirigeants, ils naviguent à vue au milieu d’un flux d’informations très anxiogènes. Des informations négatives qui, avant, restaient à la maison avec le poste de télé, mais qui aujourd’hui sont dans nos poches ou nos mains à cause de cette prothèse qu’on appelle un smartphone.

Et c’est vrai qu’aujourd’hui, le rôle d’un dirigeant, ou de ses cadres, c’est de gérer les vulnérabilités en entreprise. Ce n’est même pas une question qu’il doit se poser, c’est une nécessité absolue. La bonne nouvelle selon les spécialistes du travail en entreprise, c’est que la “fragilité ambiante” permet de générer du lien et de l’entraide.

De même, gardons à l’esprit que notre équilibre psychique implique de trouver, ou retrouver, une certaine dose de plaisir dans ce que l’on fait, car ne l’oublions pas, l’autre facteur amplificateur de la fatigue, c’est la baisse du plaisir. Or, la principale source de plaisir, au bureau, ce sont les relations, ce sont nos interactions avec les autres. Les DRH l’ont compris, “une journée de télétravail fait économiser du temps de transport, mais elle est moins riche en émotions positives”, selon les Echos. En effet, “le travail à distance ne permet pas de partager, de rire, de se détendre, d’être surpris ou de se sentir appartenir à un collectif” ajoutent Les Echos.

Nous savons donc ce qu’il nous reste à faire : diminuons notre exposition aux flux d’informations négatives et partageons un maximum de bonheur avec nos collègues.

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