Les PME invitées à tenter l’aventure “verte”
Des structures se mettent en place pour accompagner la transformation “écologique” des PME. Et parfois, ce sont même d’anciens cadres de grandes entreprises qui se lancent dans l’aventure.
Par quel bout commencer? Les patrons de PME ont beau être de plus en plus conscientisés par les enjeux climatiques, ils restent souvent désemparés face à l’ampleur des actions à entreprendre. “Intégrer le développement durable dans l’ADN de l’entreprise, aller bien au-delà du greenwashing, cela implique de revoir le business model, explique Philippe Barras, président de la Chambre de commerce et d’industrie de Wallonie (CCIW). On touche à toute la chaîne de production, aux fournisseurs, à la clientèle.” Bref, c’est bien plus que placer des ampoules économiques ou remplacer les bouteilles en plastique par une fontaine à eau. De quoi freiner quelques ardeurs, surtout quand on ne dispose pas de l’appui d’un service d’études ou d’un conseil stratégique.
Pour changer les choses, il faut lier le mieux-disant environnemental à un gain monétaire.”
Thibaut Georgin (réseau Ecopreneurs)
Programme de certification
Pour lever ces réticences, la CCIW vient de lancer un programme de certification en développement durable, par lequel les PME belges pourront bénéficier d’un accompagnement individualisé tout au long de leur processus de transformation. “En période de basse conjoncture, les gens sont moins occupés, dit Philippe Barras. C’est le moment idéal pour prendre du recul et réfléchir aux projets qui sortent de l’ordinaire.” Cette initiative s’ajoute à celle de la cellule Environnement de l’Union wallonne des entreprises qui, avec l’appui de la Région wallonne, coache désormais les sociétés soucieuses de mettre en place un “management environnemental”. Huit entreprises (Axedis, Bières de Chimay, Desobry, Exam Packaging, Grando, Macors, SelectColor et Tegec) sont aujourd’hui engagées dans ce processus qui mise notamment sur l’intelligence collective et le partage des expériences. L’espoir est que ces entreprises agissent ensuite comme des “ambassadrices” du management environnemental.
Essaimer les bonnes pratiques, c’est aussi la mission que se donne le réseau Ecopreneur. Il rassemble une soixantaine de sociétés belges et plus de 3.000 en Europe, avec l’ambition de démontrer, par l’exemple, que faire évoluer l’économie vers un modèle de référence plus durable ne signifie pas revenir à la bougie. “Des managers tentaient d’agir mais ils se croyaient souvent un peu seuls, explique Thibaut Georgin, trésorier d’Ecopreneur-Europe, fondateur de l’agence Igneos et futur président de la SNCB. En les réunissant, on a montré qu’ils étaient plus nombreux et qu’ils pouvaient oser y aller. Cela a en quelque sorte favorisé le coming out climatique de managers.” Ce mouvement a été renforcé par la présence de Jacques Crahay à la présidence de l’Union wallonne des entreprises. Le patron de Cosucra a clairement mis les enjeux climatiques au coeur de son mandat, qui s’achève cette année. Ses prises de position lui ont peut-être valu quelques inimitiés mais elles ont contribué à intensifier la prise de conscience dans le monde patronal.
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Durable ou rentable?
Même avec de bons conseils, le nerf de la guerre reste l’argent. “Quand vous assumez les externalités de votre activité au lieu de laisser la collectivité les prendre en charge, vous avez forcément des coûts supplémentaires, pointe Thibaut Georgin. Cela peut fonctionner sur un marché de niche mais, si vous voulez réellement changer les choses, il faut lier le mieux-disant environnemental à un gain monétaire.” Thibaut Georgin cite volontiers l’exemple des poulets à très bas prix disponibles dans la grande distribution et pour lesquels, dit-il, on peut être certain d’une chose: ils n’ont pas été élevés “dans des conditions normales”. “Je suis bien conscient que tout le monde ne peut pas se payer un poulet à 16 euros le kilo mais on ne peut pas continuer éternellement cette course au moins-disant économique sans se soucier des conséquences”, assène-t-il.
C’est le moment idéal pour prendre du recul et réfléchir aux projets qui sortent de l’ordinaire.”
Philippe Barras (CCIW)
Le réseau Ecopreneur invite dès lors les pouvoirs publics à intensifier les normes et, le cas échéant, à taxer plus sévèrement les comportements polluants, afin de “permettre le développement d’autres filières économiques”. “Les gouvernements ont pris des mesures largement impopulaires pour lutter contre la pandémie, poursuit Thibaut Georgin. Il faut avoir la même volonté face à la crise climatique, afin que les citoyens et les entreprises s’adaptent. Les ‘écopreneurs’ montrent que des entreprises sont prêtes à s’inscrire dans une telle démarche ; que changer de modèle, ce n’est pas supprimer l’économie mais générer du dynamisme, de la créativité et même souvent de la relocalisation d’activités.”
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Attirer les talents
De toute façon, qu’elles en aient envie ou pas, que cela leur coûte ou pas, les entreprises ont intérêt à prêter attention à l’impact environnemental de leur activité. “Regardez les plans de relance, regardez les fonds européens, la durabilité devient incontournable, reprend Philippe Barras. Les marchés publics vont intégrer de plus en plus de critères relatifs au climat ou à l’économie circulaire. Ceux qui ne pourront pas y répondre n’auront pas accès à ces budgets.”
Le président de la CCIW est même convaincu que les financements, publics comme privés, seront également liés à la durabilité des projets. “Quand une entreprise pense au long terme et l’intègre dans ses projets, cela rassure ses créanciers”, dit-il.
Lire le témoignage de Pascal Vermeulen, d’Unilever à l’agence Climact
Les Nations unies ont déterminé 17 objectifs de développement durable. Ils se déclinent en 169 cibles et, selon la CCIW, 82 d’entre elles concernent directement les entreprises. Bien se positionner sur ces cibles devrait donc faciliter l’accès aux différentes sources de financement. “Il y a aussi des effets induits, ajoute Philippe Barras. Les stratégies de durabilité sont extrêmement mobilisatrices pour les entreprises. Elles peuvent modifier totalement l’état d’esprit et rendre les équipes plus motivées, plus créatives et plus productives.” Les ambitions environnementales seraient en outre un excellent moyen d’attraction et de rétention des talents. Le cofondateur de Climact Pascal Vermeulen en témoigne. Son agence grandit bien et a besoin de nouveaux collaborateurs, avec des profils scientifiques pour lesquels ils sont en compétition avec des entreprises bien plus prestigieuses et rémunératrices. “Pour une offre récente, nous avons reçu 150 candidatures, souvent d’excellent niveau, conclut Pascal Vermeulen. Et je peux vous assurer qu’il ne fallait pas leur parler d’une voiture de société mais plutôt des valeurs de l’entreprise.”
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