Les entreprises ont adapté leurs formations à la réalité sanitaire

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Avant mars 2020, les entreprises dispensaient majoritairement leurs formations en présentiel. Une vieille habitude qui participait aussi à la création de réseaux internes. Le Covid-19 a tout balayé et les a poussés à embrasser le digital dans ce domaine-là aussi. Aujourd’hui, personne ne songe vraiment à faire marche arrière.

La pandémie a bouleversé les habitudes de travail dans beaucoup de domaines. Les formations n’ont pas échappé au tsunami sanitaire. Si l’e-learning avait commencé à trouver sa place, singulièrement pour les petites formations, obligatoires ou pas, à faire en solo, la plupart des entreprises privilégiaient le présentiel. Pour des raisons d’efficacité mais pas seulement. “Nous sommes une entreprise de projets, explique Geert Aelbrecht, chief people officer chez Besix. Quand un projet se termine, on en entame un autre. Dans cette optique, il est important, pour éviter les silos, de rassembler nos employés en dehors de ces projets. Les formations en présentiel participent à ce mélange. Elles permettent la création de réseaux internes informels. De cette manière, l’expertise des uns et des autres va circuler de manière plus fluide. Si un jour, un gestionnaire a une question technique sur un chantier, il se souviendra de ce collègue rencontré en formation et qui va sûrement pouvoir l’aider.”

D’une certaine manière, le digital rend l’expertise plus accessible. Nos spécialistes n’ont plus à se déplacer et peuvent toucher plus de gens.”

Sylvie Floor (Besix Academy)

Le problème des formations techniques

Chez Besix, comme chez d’autres, la technique occupe une place très importante. Le groupe, basé à Bruxelles, est désormais présent dans 25 pays et emploie 11.000 personnes dont une bonne partie d’ouvriers. Travailler sur chantier, ici ou ailleurs, nécessite des compétences techniques mais aussi des certifications particulières, notamment en matière de sécurité ou d’utilisation de certains engins. En temps de pandémie, pas possible de certifier…

“Fort heureusement, les certifications existantes ont été prolongées, fait remarquer Sylvie Floor, head of Besix Academy. Mais, hélas, nous n’avons pas pu lancer de nouvelles certifications. Pour les formations techniques spécifiques, nos experts ont dû s’adapter et revoir leur façon de faire et cela n’a pas été simple. Il faut savoir que la formation sur le tas représente une part importante de nos trajets de formation. Partager l’expertise est donc crucial. Nous nous sommes rendu compte qu’en fait, le digital, d’une certaine manière, rend l’expertise plus accessible. Nos spécialistes n’ont plus à se déplacer et peuvent toucher plus de gens. Clairement, avant la pandémie, nous étions moins branchés sur le digital. Même si en 2018, nous avions lancé une plateforme LMS (Learning Management System, Ndlr) pour des petites formations en solo. Aujourd’hui, nous avons acquis du savoir-faire et sommes capables de produire des modules webinaires de qualité professionnelle. Depuis octobre, nous diffusons des webinaires en Belgique sur de nombreux sujets avec une séance de questions-réponses. Nous les ouvrons à tous les pays cette semaine.”

Des formations techniques, ISS en dispense aussi beaucoup. En tant qu’entreprise de services facilitaires intégrés, le groupe est actif dans le nettoyage, le catering (n°3 belge de la cuisine collective), la réception et la fourniture de services techniques (plomberie, électricité, etc.). Pendant la pandémie, ces services de nettoyage ont dû s’adapter aux règles changeantes.

“Ce fut une part importante de nos formations l’an dernier, souligne Nassira Zahnoun, talent development manager chez ISS Belgium-Luxembourg. A côté évidemment de tout l’aspect soft skills comme la gestion du télétravail ou de la pression psychosociale, la résilience, etc. Le nettoyage en temps de Covid suppose de placer les clients dans un environnement sanitaire sain avec des techniques appropriées. A cet effet, nous avons formé une centaine de personnes à la désinfection de zones contaminées pour nos clients du secteur de la santé. Pour les bureaux, nous avons aussi éduqué notre personnel au dispositif Purespace qui élimine radicalement bactéries, germes et virus.”

“Pour les bureaux, nous avons aussi formé des stewards d’hygiène, renchérit Muriel Van Antwerpen, people and culture director ISS Belgium-Luxembourg. Ils sont chargés de faire respecter la distance sociale et le port du masque et nettoient les points de contact en permanence.”

Partis de rien

Crelan, la banque coopérative, et Arval, la société de leasing auto du groupe BNP Paribas, proposaient, l’un et l’autre, les formations obligatoires sur la régulation bancaire en e-learning. Mais à part cela, tout se faisait en présentiel. Chez Crelan, la part des formations digitales est passée de 25% en 2019 à 92% en 2020.

“Tout le volet sur le retail banking a été converti en digital via des salles de classe virtuelles, explique Isabelle D’haeninck, DRH de Crelan. Cela marche pas mal, notamment grâce à du coaching. Aujourd’hui, c’est en digital mais ce sera quand même plus convivial en présentiel. Il est clair que nous nous dirigeons vers du blended ou phygital, soit des formations qui allient virtuel et présentiel. L’an dernier, nous avons mis l’accent sur l’accompagnement de nos équipes. Tant pour nos managers qui ont reçu des formations notamment sur le coaching à distance et la gestion online du feed-back que pour l’ensemble de nos employés. Le bien-être a été plébiscité. Beaucoup se demandaient comment gérer le travail à la maison, se déconnecter ou gérer le changement. Les trajets pour nos jeunes et pour nos leaders, initiés avant la pandémie, se sont poursuivis en digital. Nous espérons quand même pouvoir les finir en présentiel cette année.”

Aussi en résidentiel

Parti quasiment de rien, Crelan se prend aujourd’hui clairement au jeu du digital puisque, fin décembre, il a mis la plateforme Goodhabitz à disposition de ses employés. Elle permet d’acquérir, en solo, de nouvelles compétences digitales, des soft skills ou de progresser en langue. Nonante-cinq pour cent des salariés ont, à ce jour, activé leur abonnement.

Du côté d’Arval, qui, malgré la pandémie, a réalisé une croissance de 8% dans un marché auto très déprimé, on se dirige aussi vers ce blended suivant une proportion de deux tiers de présentiel et un tiers de digital. Jusqu’ici, vu le regroupement de tous les employés au siège, la société dispensait toutes ses formations en présentiel. Elle disposait même d’une formation en résidentiel particulière. “Il s’agit du bachelor et du master, confie Natacha Delcourt, la DRH. Le premier s’adresse à toutes les personnes qui ont atteint 18 mois dans l’entreprise. Il s’agit d’une formation poussée qui permet de passer en revue tout le cycle de vie d’un contrat de leasing. Toute personne qui travaille chez Arval doit être capable de calculer le coût d’un leasing et de connaître tous les paramètres à prendre en compte. Le master, optionnel pour certaines fonctions, s’adresse à ceux qui ont cinq ans d’ancienneté et va encore plus loin dans la formation. Cette formation en résidentiel a beaucoup de succès. Elle tient aussi du team building et du networking interne via le repas du soir et la soirée. Cela crée des liens. Nous en faisons trois ou quatre par an. Evidemment, tout a été annulé en 2020 mais nous ne désespérons pas pour cette année.”

Les formations d’un jour en présentiel ont été divisées en deux demi-jours en distantiel pour permettre de garder l’attention des participants.”

Annelies Baelus (Acerta)

Le bien-être évidemment

Pendant la pandémie, Arval a converti une bonne partie de ses formations en digital. Elle a aussi insisté sur le bien-être et les impacts psychosociaux engendrés par le télétravail et la crise sanitaire. “Nous avons beaucoup plus investi dans les services proposés par Securex, poursuit Natacha Delcourt. Notre secrétariat social dispensait déjà des formations en bien-être ou en prévention du stress et du burn-out. Depuis cet automne, nous avons lancé des sessions Let’s talk about it. Une psychologue de Securex tient des sessions live avec huit personnes et les fait parler sur les sujets psychosociaux qui les touchent. Cela a un succès considérable.” Comme Securex, Acerta s’est aussi coupé en quatre pendant la pandémie. Typiquement, le secrétariat social forme, chaque année, 3.000 experts RH issus de ses clients. Principalement (80%) sur les sujets socio-juridiques (pensions, crédit-temps, nouvelles règlementations, etc.) mais aussi (20%) sur les soft skills liées aux RH.

Ces formations soft skills ont été multipliées par quatre l’an dernier, confie Annelies Baelus, business formations manager chez Acerta. Nous avons dû revoir toute notre politique puisque nous dispensions surtout des cours en présentiel. Les formations d’un jour ont été divisées en deux demi-jours pour permettre de garder l’attention des participants. Tout en variant les formats digitaux. L’an dernier, nous avons aussi proposé moult formations supplémentaires. Et notamment des webinaires gratuits qui permettaient à nos clients de suivre les nouvelles réglementations en matière de sécurité, d’obtention de primes ou de chômage Corona. Mais aussi tout ce qui touche légalement au télétravail.”

Pour bien comprendre l’impact de la digitalisation forcée, laissons le mot de la fin à Geert Aelbrecht: “Toute cette expérience nous conduit à réfléchir à nos futures formations. Nous nous orientons vers des semaines groupées plutôt que des sessions disséminées. Le présentiel sera entouré de digital pour aller plus en profondeur. Chez Besix, nous intégrons le digital de façon structurelle dans nos processus. Avant, c’était plus sporadique. Désormais, c’est un outil essentiel, aussi au niveau de la communication”.

De la réalité virtuelle chez ISS

Vu la difficulté de former en présentiel pendant la pandémie, ISS a cherché des solutions. Cet automne, avec l’aide d’un fournisseur externe, l’idée a germé d’utiliser la réalité virtuelle.

“Nous avons lancé un projet 3D pour le développement des compétences de nettoyage, confie Nassira Zahnoun. Comme nous avons des équipes et des clients dans tout le pays, ce sera aussi une manière de réduire les déplacements. La réalité virtuelle va permettre une véritable mise en situation suivant les secteurs et leurs réalités parfois très différentes. On ne nettoie évidemment pas des salles d’hôpital de la même manière que des bureaux. La 3D va aussi permettre de reproduire la disposition réelle des espaces du client. Nous réfléchissons aussi à utiliser la même technique pour nos formations en diversité et inclusion.”

Vu le nombre de métiers dans l’entreprise, ISS se doit d’être agile tant dans son recrutement que dans ses formations. La Belgique, au sein du groupe, est dans les meilleurs élèves en termes d’innovation et de création.

“Ce projet de 3D est une idée à nous, poursuit Muriel Van Antwerpen. Le groupe la suit de très près et tout porte à croire que nous allons servir de projet-pilote pour l’ensemble de nos pays.”

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