Fin de première mission pour l’Ocean Viking, prêt à repartir malgré un contexte hostile

Ocean Viking © isopix

L’Ocean Viking, le bateau affrété par SOS Méditerranée et Médecins sans Frontières, a regagné Marseille mardi après une première mission qui lui a permis de secourir 356 migrants au large des eaux libyennes, malgré un contexte difficile pour les ONG en Méditerranée.

Après 23 jours de mer, quatre sauvetages de canots en détresse, une tempête et un débarquement des rescapés au large de Malte, le bateau s’est amarré en début d’après-midi dans le port de Marseille d’où il avait appareillé le 4 août et d’où il se préparera à reprendre la mer sans doute “au cours du week-end” prochain pour une nouvelle mission, ont déclaré les responsables des deux ONG à son bord.

Opérant dans un contexte de suspicions envers les organisations qui se portent au secours des migrants en Méditerranée, accusées de faire le jeu des passeurs, le bateau a patienté plus de douze jours en pleine mer, entre Lampedusa, une île italienne au large de la Sicile, et Malte, qui a finalement accepté de recueillir ses passagers vendredi soir à la suite d’un accord de répartition entre plusieurs Etats européens.

Une situation difficile pour les personnes secourues, des hommes jeunes en grande majorité et beaucoup de mineurs de 15 à 18 ans voyageant seuls, contraints à la promiscuité sur le pont et au manque d’hygiène. Mais qui rend aussi les rotations des équipes totalement imprévisibles, pour l’ONG Médecins sans frontières (MSF) comme pour SOS Méditerranée, et coûteuses : une journée de l’Ocean Viking revient à 14.000 euros.

– Pire qu’avant –

“Avant sur l’Aquarius, on patientait deux à trois jours au plus”, relevait le chef des équipes de secours, Tanguy.

“La situation en mer est vraiment pire qu’avant”, regrette Nicholas Romaniuk, le coordinateur des opérations de secours. “On ne reçoit même plus d’alertes concernant les bateaux en détresse”.

Deux des quatre sauvetages effectués entre les 9 et 12 août ont pu avoir lieu parce que les embarcations avaient été repérées à l’aide de jumelles de la passerelle de l’Ocean Viking, grâce à une veille instaurée 24 heures sur 24 par les équipes de secours, rappelle-t-il.

Ce fut le cas en particulier du dernier pneumatique secouru, le 12, avec 105 personnes à son bord, qui a éclaté au moment où les marins arrivés à leur portée distribuaient les gilets de sauvetage.

Deux autre opérations ont été réalisées parce que les canots étaient survolés par des avions européens de l’opération Sofia en Méditerranée, qui n’ont cependant pas contacté l’Ocean Viking pour les signaler.

L’Europe a confié il y a plus d’un an aux garde-côtes libyens la tâche d’intercepter les embarcations se dirigeant vers ses côtes.

Et depuis que l’Ocean Viking a quitté la zone des recherches et des secours, au moins quatre interceptions ont eu lieu, de plus de 300 personnes au total selon les recoupements de MSF. Dans la nuit de lundi à mardi, une autre a sombré avec 90 personnes à son bord, selon le réseau Alarm Phone qui essaie de tenir à jour ces macabres comptages.

Les rescapés arrivés sur l’Ocean Viking ont tous raconté leur hantise d’être interceptés par les garde-côtes libyens qui les ramènent en Libye, où ils sont généralement placés en camp de rétention et maltraités.

– Ordures séparées –

Pour cette raison, les départs continuent à un rythme accéléré grâce à une météo favorable, alors que plus aucun bateau humanitaire ne se trouve dans la zone des secours, relève encore M. Romaniuk.

De manière générale, très peu de bateaux humanitaires parviennent à maintenir leurs opérations en Méditerranée centrale car ils sont accusés de complicité avec les passeurs.

“Notre job n’est pas de faire sortir les gens de Libye, mais d’empêcher qu’ils ne meurent en mer”, répète pourtant M. Romaniuk.

Un dernière épreuve attendait encore les équipes en arrivant à quai : le débarquement des ordures. MSF a été accusé en 2018 par le procureur de Catane, en Sicile, d’avoir triché sur les ordures rapportées au port et de s’être débarrassé de “vêtements et d’effets appartenant à des rescapés risquant d’être contaminés par le virus HIV ou d’autres maladies” , résume Jay Berger, le coordinateur de cette ONG à bord.

“Ils cherchaient quelque chose pour nous bloquer”, pense-t-il. Reste que désormais, “séparer les ordures relève de la simple précaution” : celles des rescapés, distinctes de celles de l’équipage.

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