Booster la transition durable des entreprises
Le moment est venu, non plus de parler de réduire les émissions de gaz à effet de serre, mais d’agir. Diverses initiatives voient le jour pour accélérer la transition durable des entreprises.
La transition durable, on en parle depuis 20 ans. Des avancées ont été réalisées mais pas autant que ce qui aurait pu l’être. Aujourd’hui, l’urgence climatique est là et les entreprises ne peuvent désormais plus déroger à leur obligation sociétale. Pour convaincre les entreprises d’entrer dans la transition durable, il est primordial de leur rappeler pourquoi c’est nécessaire. Et effet, l’enjeu n’est pas qu’environnemental.
Condition sine qua non
“Tout d’abord, les entreprises doivent se rendre compte que leur empreinte écologique a un impact sur leur compte de résultats, explique Marc Decorte, président de Beci, la chambre de commerce de Bruxelles. Il faut arrêter de considérer les ressources de la planète comme infinies. Tout dirigeant responsable doit donc intégrer les considérations environnementales de manière chiffrée dans le tableau de bord de son entreprise.”
Au niveau financier, l’accès aux capitaux va être de plus en plus réservé aux entreprises durables, estime-t-on chez Beci. Les fonds d’investissement dotés d’un label “durable” suscitent un engouement plus que certain auprès des investisseurs. Les banques suivent le mouvement, le tout étant renforcé par de nouvelles lois européennes. “L’Union européenne a donné un signal clair en imposant une réduction des émissions de CO2 de 55% d’ici 2030. Les entreprises n’ont plus le choix, souligne Camille Callens, conseillère en développement durable chez Beci. La transition vers une entreprise durable, neutre pour l’environnement et le climat, deviendra une condition pour continuer à faire du business.” Commercialement, c’est d’ailleurs un plus. Se positionner en entreprise durable impacte positivement le capital sympathie et facilite ainsi l’adhésion du client. Une étude menée par le bureau d’études de marché Ivox au second semestre 2020 auprès de 250 sociétés belges montre que la protection de la planète a pris une importance considérable chez les consommateurs, les incitant à faire des choix socialement responsables et durables. Aussi, une grande entreprise souhaitant réduire son empreinte écologique choisira des fournisseurs dont la stratégie intègre ces aspects environnementaux et durables. En Belgique, où le tissu économique est essentiellement composé de PME, il faut faire passer ce message. “En dehors des institutions soumises aux marchés publics, de nombreuses entreprises rédigent des cahiers des charges pour mettre en concurrence leurs fournisseurs, indique Laurent Geissmann, dirigeant de Transition Durable, société reconnue en matière de formation et d’éducation relative à l’environnement et au développement durable. Y inclure des critères de durabilité sociale et environnementale est une bonne manière de pousser les plus petites entreprises à remettre leur business model en question.”
Une grande entreprise souhaitant réduire son empreinte écologique choisira des fournisseurs durables. Il faut faire passer ce message aux PME.
Une histoire de mentalité
Pour Laurent Geissmann, le défi sera de changer les mentalités. “La transition durable ne pourra avoir lieu que si l’on réussit à changer de paradigme. Cela signifie abandonner notre modèle économique linéaire pour se diriger vers une économie circulaire et régénératrice.” Les a priori financiers et à la mise en oeuvre sont souvent cités comme des freins. On pense que cela va coûter, sans calculer à long terme, et on ne sait par où commencer. “Le premier réflexe est de contacter votre chambre de commerce, indique Camille Callens. Chez Beci, nous organisons des sessions d’information, des accompagnements individuels et des diagnostics en entreprise. Notre programme de ‘résilience coaching’ présente toutes les possibilités de la transition écologique (économie du partage, mutualisation des ressources, biomimétisme, etc.). De nombreux appels à projets, comme ceux de Be.circular, permettent de décrocher des fonds ou un accompagnement.”
Initiatives et aides régionales
Les initiatives encourageant les entreprises à accélérer leur transition durable fleurissent. En Wallonie, par exemple, suite à un appel à projets lancé par la ministre du Développement durable Céline Tellier, 30 entreprises et organisations bénéficient d’un coaching afin de faciliter leur transition durable. A Bruxelles, depuis 2019, le challenge 303030 initié par Beci vise la mise en place d’un ensemble de 30 projets collaboratifs qui réduiront les émissions de CO2 de 30% en 10 ans dans la Région. Les entreprises sont ainsi poussées à travailler ensemble sur un même projet tout en soutenant une transformation durable de la ville. “Dans la durabilité, il faut travailler de façon transversale. Une clé de la réussite est de mutualiser ses ressources et ses compétences avec d’autres entreprises et se faire accompagner par des experts”, commente Laurent Geissmann. Dans cette optique, une série d’entrepreneurs wallons ont récemment décidé de se réunir au sein d’une coopérative baptisée La Smala. La structure met en contact des entrepreneurs soutenants et des entrepreneurs soutenus. Ces derniers peuvent profiter, par exemple, d’un mentorat gratuit ou d’une consultance payante. A terme, en marge de la coopérative, un fonds d’investissement à impact sera proposé aux entrepreneurs-coopérateurs.
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Quels leviers activer prioritairement?
Les deux principaux leviers d’action vers une transition durable portent sur les bâtiments et les transports. Les premiers sont responsables de 60% des émissions de CO2 et les seconds de 28%, selon Bruxelles Environnement. Outre l’inévitable installation de panneaux photovoltaïques, de nombreux outils, souvent développés par de jeunes start-up, permettent d’améliorer l’empreinte écologique du bâtiment. La société Shayp, par exemple, vend des modules détectant les fuites d’eau. “C’est un quick-win simple qui fera faire des économies à l’entreprise tout en réduisant son empreinte carbone de manière pérenne”, illustre Camille Callens. Le même genre de système existe pour l’énergie. Pour les PME, commencer par ces petites actions est un premier pas.
Concernant les transports, les possibilités de transition durable ne manquent pas: promotion du vélo et des transports en commun, parc automobile électrique, etc. Des solutions existent également concernant les livraisons, tel le projet de logistique durable lancé par CityDepot, déjà testé avec succès à Gand. La société centralise dans un entrepôt situé en périphérie les commandes effectuées par ses clients. Celles-ci leur sont ensuite livrées en une fois. “Une plateforme d’optimisation des déplacements définit le meilleur trajet possible, explique Anne-Sophie Decroix, porteuse du projet initié par CityDepot. Nous livrons tous les clients d’une même zone en même temps, en vélo cargo ou en véhicule électrique. Les émissions de CO2 du transport sont ainsi réduites, de même que le temps de trajet en ville, les kilomètres parcourus, etc.”
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Une stratégie avant tout
“Certains leviers peuvent être activés en quelques semaines, d’autres donneront des résultats dans deux ou trois ans car ils nécessitent des investissements, souligne Laurent Geissmann. Cependant, avant de mettre en oeuvre des actions, il faut définir une stratégie.” L’expert recommande de mettre en place un groupe de réflexion composé de personnes (internes ou externes) sachant de quoi elles parlent. “Remettre en question la gouvernance de l’entreprise, donner la parole à tous, sont un plus pour faire adhérer le personnel au changement. Car une fois les engagements inscrits dans les statuts, il faudra les réaliser!”
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