Réforme fiscale: vers un nouveau “tax shift”?
Le projet de réforme fiscale sera, au moins partiellement, concrétisé d’ici 2024 sous la forme d’un nouveau “tax shift”. Objectif principal: baisser la fiscalité sur le travail via la fin de certaines déductions ou de certaines niches. Mais rien n’est fait. Sébastien Buron
Le ministre des Finances Vincent Van Peteghem (CD&V) n’a visiblement pas perdu tout espoir de faire atterrir son projet de réforme fiscale. Il a en effet été convenu au sein de la majorité que celle-ci soit mise en route cette année, du moins en partie. Une première phase détaillée doit être présentée par le ministre d’ici décembre. Objectif, précise la note de sept pages déposée par le grand argentier sur la table du gouvernement: “renforcer le pouvoir d’achat et augmenter le taux d’emploi“. Et ce, via le relèvement de la quotité exonérée d’impôt (qui passerait de 9.270 à 13.660 euros) et dont profiteraient notamment les bas salaires et les allocataires sociaux. L’ampleur de cette première étape vers une réforme fiscale plus large, basée sur le projet présenté en juillet, se chiffrant à 6 milliards d’euros.
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Cartes essence, avantages…
Plusieurs mesures compensatoires sont envisagées pour financer la réduction dans un cadre budgétairement neutre vu le délabrement des caisses de l’Etat. Il est question de supprimer progressivement le quotient conjugal et la déduction des pensions alimentaires. La carte essence pour les voitures de société deviendrait moins avantageuse via une limitation de l’avantage fiscal aux déplacements professionnels. Le régime fiscal des plans de stock-options que se voient attribuer les cadres supérieurs serait, quant à lui, adapté “afin d’éliminer les excès existants”, selon le document du ministre.
Alors que l’inflation et la crise de l’énergie n’épargnent pas les entreprises, Vincent Van Peteghem entend aussi durcir le régime des “revenus définitivement taxés” (RDT). “Le traitement de faveur qui permet aux holdings patrimoniaux de bénéficier du régime d’exonération des dividendes et des plus-values sur actions pourrait, dans de nombreuses situations, tomber à l’eau”, indique Denis-Emmanuel Philippe, avocat associé chez Bloom Law. Par ailleurs, poursuit-il, “l’abrogation du régime fiscal des ‘sicav RDT’ viendrait signer la mort d’un produit de placement fiscalement avantageux auquel ont recours de nombreuses sociétés belges (notamment des PME) pour placer leur trésorerie excédentaire”.
… et deuxième pilier
Il est enfin une dernière mesure qui ne devrait guère faire plaisir aux dirigeants d’entreprise qui se constituent un capital pension via un EIP (engagement individuel de pension), à savoir la mise en place d’un plafond supplémentaire dans le cadre de la déductibilité des primes versées qui se cumulerait à l’actuelle fameuse règle des 80%. “En limitant la déduction de la prime à hauteur d’un plafond de 10% de la rémunération annuelle brute périodique versée au cours de l’année à laquelle se rapportent les paiements des primes, le ministre des Finances veut clairement mettre des barrières à la déduction des primes de back service (versement de primes de rattrapage), note Denis-Emmanuel Philippe. Outre le fait que la partie des primes excédant le plafond de 10% sera non déductible à l’impôt des sociétés, elle sera aussi considérée comme un avantage de toute nature (ATN) soumis aux cotisations sociales et à l’impôt sur le revenu!” Soit un double châtiment… pour un nouveau tax shift qui, dans son ensemble, risque fort de ne pas être accepté tel quel par les libéraux.
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