Quel est l’impact de la première vague de coronavirus sur votre épargne et vos investissements ?

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Les livrets d’épargne, l’immobilier, la Bourse, l’or ou encore les bitcoins rapportent-ils encore ? Que faire pour rentabiliser au mieux ses économies par les temps qui courent ? Le journaliste de Knack Ewald Pironet et le journaliste de la VRT Michaël Van Droogenbroeck font le point six mois après le confinement dans leur ouvrage “Investir dans la seconde partie de votre vie”. En voici les grandes lignes.

La crise du coronavirus est la crise la plus grave depuis la Seconde Guerre mondiale. Après quelques mois de pandémie, nous pouvons déjà en tirer des leçons. Quelles sont les possibilités d’épargne et d’investissements qui peuvent résister à une telle pression ? Quelles sont les conséquences sur vos économies ? Comment investir votre argent dans un avenir proche ? Voici quelques pistes pour le livret d’épargne, en passant par l’immobilier, les actions et les obligations, jusqu’au dollar, l’or et même le Bitcoin.

Le livret d’épargne: synonyme de perte de pouvoir d’achat

La première vague de coronavirus a eu un impact important sur l’épargne des Belges. Ainsi, le montant total sur les livrets d’épargne au cours des premières semaines de la crise a augmenté de quelque 5 milliards d’euros, pour atteindre plus de 285 milliards d’euros. Les niveaux des comptes courants ont également augmenté fortement pendant cette période, avec plus 36 milliards d’euros, pour atteindre un total de 288 milliards. Pour la première fois, il y a plus d’argent sur les comptes courants que sur les comptes d’épargne.

La raison de cette forte croissance est simple : comme presque aucun magasin n’était ouvert et que tous les cafés et restaurants étaient obligés de fermer leurs portes, les Belges ont beaucoup moins dépensé. De nombreux consommateurs ont décidé de simplement laisser leur argent sur leur compte courant. Les montant sur les livrets d’épargne ont augmenté à un rythme plus élevé qu’à la même période l’année dernière. Cela est probablement dû au fait que de nombreux consommateurs ont vu l’avenir de manière pessimiste. Ils ont donc économisé davantage afin de se créer une réserve d’argent disponible plus importante. Ce pessimisme s’est également manifesté par une très faible confiance des consommateurs.

L’augmentation des dépôts sur les comptes courants et les comptes épargne pendant le confinement cache une autre tendance: tous les Belges n’ont pas eu l’opportunité d’épargner. Certains ont, par exemple, été touchés par le chômage technique temporaire, ce qui a diminué leurs revenus pendant cette péridode. La Banque Nationale a remarqué que le montant d’épargne de plus en plus de familles diminuaient pendant la crise sanitaire. Le nombre de ménages qui ont dû se contenter d’une épargne d’urgence de – seulement – trois mois de salaire est passé de 27 % en juin à 34 % en juillet. Ces ménages ont dû utiliser leurs économies pour payer leurs dépenses courantes, comme le loyer ou les factures de gaz et d’électricité.

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Pour ceux qui sont capables d’épargner, les conséquences de la crise sanitaire pèseront également sur le long terme. Les taux d’intérêt, qui sont déjà à un niveau historiquement bas, resteront proches de zéro pendant les années à venir. C’est le résultat d’une série de mesures prises par les banques centrales pour faire face aux conséquences économiques de la crise. La Banque centrale européenne (BCE) a également annoncé qu’elle soutiendrait l’économie européenne par tous les moyens. Une augmentation des taux d’intérêt – une mesure qui avait déjà été reportée plusieurs fois ces dernières années – ne devrait pas être attendue dans les premières années.

En d’autres termes, les épargnants ne doivent pas s’attendre à ce que le taux d’intérêt sur un compte d’épargne classique dépasse bientôt le minimum légal de 0,11 %. Une autre conséquence est que l’épargne continuera à être synonyme de perte de pouvoir d’achat dans les années à venir. Après tout, l’inflation, l’augmentation de la longévité, continuera à grignoter le faible taux d’intérêt. Sur 100 euros sur un compte d’épargne il y a vingt ans, il ne reste aujourd’hui que 80 euros de pouvoir d’achat malgré les intérêts perçus. À l’avenir également, les épargnants doivent garder à l’esprit qu’à la moindre inflation, l’argent sur leur compte d’épargne aura moins de valeur. Conclusion : le livret d’épargne reste synonyme de perte de pouvoir d’achat.

Après le confinement, un boom immobilier surprise

La première vague de coronavirus a-t-elle eu une influence sur les prix des maisons, des appartements et des terrains à bâtir ? Lorsque le confinement a été décrété le 18 mars dernier, le marché du logement s’est arrêté : pendant huit semaines, les agents immobiliers n’ont pas été autorisés à mettre en contact les vendeurs et les acheteurs potentiels. Les prix de l’immobilier allaient inéxorablement s’effondrer pour la première fois depuis les années 1980. La demande allait diminuer, car de nombreuses personnes auraient moins de revenus et craindraient de perdre leur emploi. La banque et la compagnie d’assurance KBC a même prédit que – dans le scénario le plus pessimiste – les prix de l’immobilier baisseraient de 6 % en 2020 et de 4 % supplémentaires en 2021.

Toutefois, lorsque le lockdown a pris fin au mois de mai, il s’est avéré que le Belge avait plus que jamais une brique dans le ventre. Et qu’il avait toujours autant envie de devenir propriétaire en profitant des taux d’intérêt historiquement bas. Résultat : la demande en immobilier a immédiatement repris. Dans le même temps, l’offre sur le marché immobilier a légèrement diminué : le secteur de la construction ayant été à l’arrêt pendant deux mois, aucun nouvel appartement ou maison n’ont été construits.

Sous certaines conditions, les banques acceptent les emprunteurs qui ont du mal à rembourser leur prêt. Ils ont ainsi évité une série de ventes forcées, car l’hypothèque ne serait plus remboursée. Ce qui aurait conduit à une plus grande offre de logements, et peut-être à une baisse des prix. En bref, tout a été fait pour maintenir la tranquillité d’esprit et la stabilité du marché immobilier.

Ce qui s’applique à l’achat d’une résidence principale pendant la première vague de coronavirus s’applique également à l’achat d’une seconde résidence. Lors du déconfinement, le secteur immobilier a connu un boom inattendu à la Côte. Les appartements à la mer du Nord ont longtemps été un pilier important du marché des résidences secondaires dans notre pays. Cette tendance est dûe en partie au fait que pendant des mois il a été impossible d’acheter quoi que ce soit à la Côte. Mais même là, les notaires parlent d’une surprise : de juin à la mi-juillet 2020, on a enregistré un quart de ventes de plus qu’à la même période de l’année précédente, et c’était déjà une année record. Les prix ont fortement augmenté. Entre-temps, l’intérêt pour une seconde résidence à l’étranger, par exemple en Espagne, a chuté. Les Belges ont découvert les avantages d’une seconde maison dans leur propre pays.

La baisse des prix attendue sur le marché immobilier ne s’est donc pas produite lors de la première vague de coronavirus, au contraire. Cependant, la question de savoir si les prix de l’immobilier dans notre pays vont continuer à augmenter résonne de plus en plus fort. La Banque Nationale a déjà déclaré que les prix de nos maisons sont 6,5 % trop élevés. Cela signifie que l’on s’attend de plus en plus à ce que les prix de l’immobilier baissent un jour. Reste à savoir quand,… ?

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Le marché boursier: pas toujours le reflet de l’économie réelle

À la mi-février 2020, alors que la Chine avait déjà pris des mesures de grande envergure contre le coronavirus, l’indice boursier de Bruxelles, le Bel20, a atteint son plus haut niveau en treize ans, à environ 4 200 points. Lorsque la première vague de coronavirus a débarqué en Italie et que d’autres contaminations ont été recensées dans le reste de l’Europe, les bourses ont rapidement été touchées. Entre la mi-février et la mi-mars, le Bel20 a chuté de 40 %, à 2400 points. C’est à partir de 2013, dans les derniers jours de la crise de l’euro, que l’indice boursier belge a été le plus bas. La quasi-totalité des actions ont accusé les coups.

L’incertitude quant à l’impact économique du coronavirus a forcé de nombreuses entreprises à revoir leurs prévisions pour cette année et à envoyer un avertissement sur profit au monde entier. Cela a encore renforcé l’ambiance déprimante qui régnait à la Bourse. Finalement, le niveau boursier le plus bas a été atteint à la mi-mars. Cela s’est produit à peu près au même moment où le confinement de notre Royaume a pris effet. Les investisseurs ont rapidement estimé que les prix bas étaient le moment idéal pour racheter des actions. Le Bel20 a atteint 3500 points à l’été. D’autres bourses ont fait encore mieux. Fin juillet, l’indice allemand de trente valeurs vedettes avait retrouvé son niveau de janvier, d’avant la crise sanitaire.

La reprise rapide des marchés boursiers après la première vague de coronavirus est sans aucun doute due aux importants plans de relance établis par les politiciens et les banquiers centraux pour trouver une issue à la crise économique et aux centaines de milliards créés pour celle-ci. Et ce, à une époque où de nombreux épargnants recherchaient désespérément des rendements plus élevés que ceux de leur livret d’épargne.

La reprise rapide des marchés boursiers montre que la Bourse ne reflète pas toujours l’économie réelle, qui n’a en aucun cas digéré la crise sanitaire. De nombreuses faillites nous attendent et le chômage va augmenter. Il est impossible d’estimer si la reprise de l’économie sera rapide, ou si elle sera simplement entravée par de nouveaux foyers du virus. Cette incertitude pourrait avoir un impact majeur sur les cours de la Bourse pendant un certain temps encore. Il est donc loin d’être certain que les prix des actions augmenteront dans la période à venir.

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Obligations : pas intéressantes dans les années à venir.

Les obligations sont un type de prêt que vous accordez à l’État (c’est-à-dire des obligations d’État) ou à une entreprise. Contrairement à une action, elles ne font pas de vous le propriétaire de la société, mais plutôt le créancier du pays ou de la société à laquelle vous prêtez de l’argent. Comme le taux d’intérêt est bas depuis longtemps et le sera encore pendant un certain temps, les pays et les entreprises peuvent emprunter de l’argent sur les marchés financiers à des taux d’intérêt extrêmement bas, voire négatifs : ils paient pour pouvoir prêter de l’argent. Les obligations ne sont plus un investissement intéressant de nos jours.

Outre la politique de taux d’intérêt bas, il existe une autre action de la BCE qui a un impact majeur sur les rendements obligataires. Immédiatement après le déclenchement de la crise du coronavirus, les banquiers centraux ont décidé de racheter des quantités massives de dettes encore plus qu’auparavant. Toujours avec l’intention de maintenir des taux d’intérêt bas pour les gouvernements et les entreprises, afin que l’économie puisse se remettre sur les rails. En plus des obligations d’État traditionnelles, la BCE achète donc aussi des obligations d’entreprises. La BCE a déjà acheté des prêts aux sociétés belges Solvay, AB InBev, Cofinimmo et Befimmo, entre autres.

La combinaison des taux d’intérêt extrêmement bas et de l’intervention directe de la BCE sur les marchés obligataires fait qu’il est difficile pour les investisseurs de trouver des obligations qui offrent un quelconque rendement. Ceux qui veulent un peu de rendement semblent être condamnés à des obligations avec un risque plus élevé : les entreprises qui sont financièrement moins solides et ont donc un risque de défaillance plus élevé. En bref, la crise sanitaire et les politiques de taux d’intérêt bas des banques centrales ne sont pas de bonnes nouvelles pour les amateurs d’obligations. Nous ne devrions pas attendre grand-chose d’eux dans les années à venir.

Le dollar: encore une monnaie refuge ?

Traditionnellement, le dollar est la monnaie refuge par excellence pour les épargnants et les investisseurs en cas de tempête boursière. Et lorsque le dollar prend de la valeur, les investissements en dollars, comme les actions des entreprises américaines, prennent de la valeur grâce au taux de change. Au début de la crise sanitaire, c’était aussi le cas : il fallait dépenser plus d’euros pour obtenir le même nombre de dollars. Pour les Belges qui détenaient des investissements en dollars, le dollar fort leur a offert des rendements supplémentaires.

Mais à mesure que la crise progressait et que le nombre d’infections aux États-Unis augmentait, l’impact négatif sur l’économie américaine s’est accru. La consommation aux États-Unis a stagné. Le dollar s’est affaibli. De plus, la banque centrale américaine, la Fed, a massivement imprimé de nouveaux dollars, une autre raison pour laquelle le taux de change du dollar a commencé à baisser.

Quel est l'impact de la première vague de coronavirus sur votre épargne et vos investissements ?

Le résultat de l’affaiblissement du dollar a été que l’euro s’est à nouveau renforcé. Surtout lorsque l’Union européenne a déployé un plan pour faire face aux conséquences économiques de la crise sanitaire et a créé un fonds de relance de 750 milliards d’euros. Pour la première fois en deux ans,il fallait débourser plus de 1,17 dollar pour 1 euro en juillet 2020. Pour les Belges qui ont investi en dollars, c’était une moins bonne nouvelle : leurs rendements ont encore baissé en raison de la faiblesse du dollar.

Lors de la première vague de l’épidémie, les taux de change des devises ont fortement fluctué et il a été souligné une fois de plus qu’il est extrêmement difficile de les prévoir. Le dollar s’est effondré, et les spéculations se sont multipliées pour savoir si cette monnaie serait toujours un refuge en ces temps incertains. Quoi qu’il en soit, sous le règne de Donald Trump, la confiance dans le billet vert s’est encore effritée. Trump ne se soucie pas du tout de la faiblesse du dollar : il rend les produits américains moins chers à l’exportation, tandis que les importations deviennent plus chères. De cette manière, la faiblesse du dollar contribue à la doctrine “Make America great again”. Il semble que le dollar restera une monnaie plutôt faible pendant longtemps encore.

Le Bitcoin: un électron libre

Les crypto monnaies sont un phénomène récent. La monnaie virtuelle la plus connue, le Bitcoin, n’a été lancée qu’en août 2008. Une telle monnaie consiste uniquement en un code informatique, qui n’implique pas les institutions financières et échappe au contrôle des banques centrales. L’argent virtuel n’est entretenu par les utilisateurs que via les réseaux en ligne. La crise sanitaire a été la première crise grave pour Bitcoin.

Les fluctuations des taux de change des cryptomonnaies comme le Bitcoin ont toujours été très fortes. Avant le déclenchement de la crise sanitaire, il n’était pas exceptionnel que le taux de change augmente ou diminue de 30 % en un seul jour. Cela n’a pas été différent lors de la première vague de coronavirus. Au début de la crise, le taux de change a rebondi : en février 2020, le bitcoin valait plis de 9500 euros, soit environ 40 % de plus qu’au début de l’année. Personne n’a réussi à expliquer pourquoi. En mars, le Bitcoin s’est effondré et le taux de change a diminué de moitié pour atteindre près de 4 500 euros. Et à l’été 2020, il a encore augmenté pour atteindre plus de 10 100 euros.

Pour le prix du Bitcoin, il n’y a pas d’explication raisonnable. Il se comporte comme un électron libre, incontrôlable. Certains analystes pensent que le bitcoin pourrait s’élever à 100 000 dollars ou plus. D’autres sont convaincus que le prix pourrait baisser de 80 % ou plus. L’économiste américain et prix Nobel Robert Shiller, auteur d’un livre sur les bulles financières, décrit le bitcoin comme “le meilleur exemple de bulle à l’heure actuelle”. Selon la loi tacite du monde économique : tôt ou tard, une bulle va éclater.

L’or: l’ultime refuge en temps de peur

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L’or, comme le dollar, est une valeur refuge en cas de catastrophe. Au début de la crise du coronavirus, le prix de l’or a été durement touché, mais le vent a vite tourné et le prix de l’or a battu record après record. À la mi-mars, alors que les marchés boursiers étaient au plus bas, le prix de l’or a fluctué autour de 1470 dollars. Moins de six mois plus tard, début août 2020, il a franchi la barre des 2 000 dollars. Cela représente un bénéfice de plus de 35 %.

La hausse impressionnante du prix de l’or – qui est toujours exprimé en dollars – est en partie due à l’affaiblissement du dollar. Mais surtout, il prouve que l’or reste le refuge ultime en temps de peur. L’ancien président de la banque centrale américaine, Alan Greenspan, a un jour qualifié l’or de “canari dans la mine de charbon”. Le prix de l’or donne une indication de la manière dont les investisseurs considèrent l’évolution de l’économie, qu’ils soient sûrs ou incertains. Si vous examinez le prix de l’or entre mars et août 2020 en gardant cette déclaration à l’esprit, vous devez conclure que les investisseurs sont très incertains. Lors de la première vague de coronavirus, l’or a surpassé tous les autres investissements, mais il est impossible de prévoir si le prix de l’or va augmenter et de combien. Certains considèrent que l’or est de toute façon fortement surestimé.

Ewald Pironet et Michaël Van Droogenbroeck, Investeren in de tweede helft van je leven (Investir dans la seconde partie de votre vie, pas encore traduit en français), Lannoo, 336 pages, 24,99 euros

(Traduction: Caroline Lallemand)

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