Mikael Petitjean (UCLouvain): “Le but n’est quand même pas de nationaliser NewB ?”

Thierry Smets, CEO de NewB © NewB

La banque coopérative NewB n’a pas atteint son objectif de financement fixé à 40 millions d’euros pour poursuivre ses activités. Mikael Petitjean est professeur à la Louvain School of Management et à l’IESEG en France. Pour Trends Tendances, il revient sur le parcours de la banque coopérative.

Comment expliquer la débâcle de NewB vu l’engouement des débuts ?

Le projet n’était pas si bien parti. NewB a atteint et dépassé les 35 millions, c’était déjà extraordinaire, une réussite en soi. Mais, avec du recul, elle avait atteint ces 35 millions aux tout derniers moments. De l’argent public avait déjà dû être injecté dans sa structure, ce n’était pas un signal si positif. Idéalement, dans ce genre de structure, il faut avoir des investisseurs privés derrière. Il y avait à l’époque l’acteur privé Monceau, qui a renoncé d’ailleurs à remettre de l’argent. Le signal donné qu’il fallait dès le début aller racler dans les tiroirs des institutions publics à l’aide d’un réseautage politique solide était mauvais. D’un autre côté, je voyais avec beaucoup de positivité et d’optimisme l’émergence de cette nouvelle banque car on a besoin de nouveaux acteurs dans le secteur bancaire belge.

NewB a-t-elle souffert des exigences imposées par la BNB ?

La régulation stricte imposée à NewB, en vigueur depuis la crise financière de 2008, était logique car on a connu des dérives qu’on ne doit plus vivre. Tel que le sauvetage des banques privées avec finalement une privatisation des gains quand tout va bien et une socialisation quand tout va mal. C’est, pour moi, inacceptable quelle que soient nos préférences politiques. Cela ne doit plus se produire. A la différence, ici, c’est qu’on n’est pas face à une banque systémique mais face à une banque qui se présente comme éthique et durable.

Le signal donné qu’il fallait dès le début aller racler dans les tiroirs des institutions publics à l’aide d’un réseautage politique solide était mauvais.

Quelles ont été les faiblesses ou lacunes de NewB depuis son lancement ?

La vraie difficulté pour NewB c’est que toutes les banques misent actuellement sur ce positionnement durable avec, je le reconnais volontiers, plus ou moins de greenwashing chez l’une ou l’autre. Mais, la population n’est pas spécifiquement au courant de ce qui est de l’ordre de la stratégie marketing et de l’ordre de l’ADN d’une banque. Ce message que NewB aurait pu faire passer plus facilement en 2010 en lançant ses activités plus rapidement, elle l’a fait beaucoup plus tard, il y a à peine deux ans. La mise en place de la banque a été trop longue. Cette prise de conscience collective des dérives du secteur bancaire de 2008 est retombée au cours du temps. L’engouement s’est essoufflé.

NewB n’offre pas la possibilité de souscrire à un prêt hypothécaire et elle ne proposait même pas de carte de banque au début. Elle n’offre pas non plus les mêmes services fluides et flexibles que les autres banques. Elle a beaucoup de retard au niveau technologique. Ces développements nécessitent aussi des fonds. Pourtant, ces petites choses, comme la technologie du QR code, fidélisent la clientèle.

L’équipe de direction a également vécu quelques remaniements ces derniers temps, ce qui n’a pas favorisé la confiance. NewB a aussi, pour moi, été trop locale, en se focalisant trop dans ses campagnes de pub sur la Wallonie.

Mikael Petitjean (UCLouvain):
© NewB

Le modèle coopératif et financier ne serait pas viable?

NewB a conquis 117.000 coopérateurs mais a 10 fois moins de clients. On peut se demander pourquoi ces coopérateurs, que la banque a à portée de main, ne s’impliquent pas davantage ? Il y a une démarche de soutien, comme on ferait un don pour une ONG mais sans vouloir s’impliquer davantage sur le plan financier. C’est une dimension éthique presque désintéressée. Mais, être éthique et durable, c’est aussi atteindre son seuil de rentabilité et être indépendant sur le plan financier. On a en Wallonie des réflexes assez manichéens. D’une part, une démarche qui se voudrait éthique en soi et l’autre purement financière. Or, les deux peuvent très bien aller ensemble. On peut atteindre un seuil de rentabilité tout en préservant des objectifs ethiques et durables.

Ce qui est aussi interpelant, c’est que plus de 37.000 personnes ont signé l’appel de la banque à la soutenir. Si chacune d’entre elles estime que NewB a du sens et passe à l’action en mettant 100 euros, on aurait déjà 3,7 millions !

Les pouvoirs publics devraient-ils continuer à soutenir NewB ?

Ce qui me désole c’est que le premier réflexe qu’on a eu lorsqu’on a vu que NewB avait des difficultés de rentabilité a été d’aller chercher de l’argent public, alors que NewB reste une banque privée, avec des coopérateurs privés. Dans cette tentative de recapitalisation qui va sans doute échouer, on va à nouveau frapper à la porte des pouvoirs publics et notamment des partis politiques. C’est quand même l’argent du contribuable dont on parle ! Je suis contre cette démarche.

Je trouve aussi malsain de réinjecter de l’argent public dans NewB sans aucune vision de l’implication du secteur privé. Le but n’est quand même pas de nationaliser cette banque ? Je vois pourtant qu’on réinjecte 1 million par ci, 3 millions par-là, via des responsables politiques. On ne spécule pas avec l’argent public qui est celui du contribuable. Quand on spécule avec l’argent privé et qu’on assume ses pertes, je n’y vois pas de problème. Mais, il ne faudrait pas continuer à éponger les pertes d’une banque qui avait déjà des difficultés dès le départ. Car, 9 millions de pertes en un an sur 35 millions d’apports, c’est énorme ! Il faut quand même réfléchir à la manière dont cet argent public va pouvoir fructifier. Il faut aussi pouvoir couvrir tous les coûts de la banque en respectant la régulation en place.

Je trouve malsain de réinjecter de l’argent public dans NewB sans aucune vision de l’implication du secteur privé.

On a assez de défis à relever en Wallonie, notamment dans le secteur de l’éducation ou de la justice, que pour se permettre cela. Il y a d’autres batailles à mener dans le contexte économique actuel. L’argent public a été tellement mal géré depuis 40 ans qu’on ne peut plus le gaspiller.

Pour vous, est-ce un échec ou une désillusion ?

C’est une désillusion pour moi, car j’aurais aimé voir émerger de nouveaux acteurs dans le secteur bancaire belge, qui est finalement très cadenassé. J’étais fort attaché au positionnement éthique et durable de NewB, même si Triodos se positionnait déjà de la même façon.

Quel avenir maintenant pour NewB ?

La banque n’est pas en faillite mais on va lui donner une seconde chance dans une sorte de restructuration. Les discussions avec la BNB vont commencer pour définir les étapes qu’elle va devoir suivre pour voir dans quelle mesure ses activités vont être démantelées et réorganisées pour repartir sur une base plus saine, avec ou sans la licence bancaire, mais cela m’étonnerait qu’elle la garde.

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