Max Jadot (BNP Paribas Fortis): “L’économie est en train de rebondir”

Max Jadot: "Hier, le durable était un 'nice to have'. Aujourd'hui, c'est une 'license to exist'." © BELGAIMAGE
Sebastien Buron
Sebastien Buron Journaliste Trends-Tendances

Soutien aux entrepreneurs, télétravail, durabilité: BNP Paribas Fortis, première banque du pays, a bien résisté au choc de la pandémie. Son CEO Max Jadot revient sur cette année vraiment pas comme les autres, tout en restant résolument positif quant à la sortie de crise.

Malgré la crise et les taux d’intérêt très bas qui ont continué à peser sur les marges du secteur, BNP Paribas Fortis a réussi à terminer 2020 sur une note plus qu’honorable. Certes, le bénéfice net est en recul de près de 8% par rapport à 2019 et passe sous la barre des 2 milliards d’euros (à 1.870 millions). Mais la baisse est moins importante que du côté des trois autres grandes banques de la place (Belfius, ING et KBC/CBC). Et elle est en grande partie imputable au coronavirus.

Ce fut donc une année “difficile”, comme le souligne son CEO Max Jadot. Chapeautant une grosse filiale au Luxembourg (BGL), une autre en Turquie (TEB) et la société de leasing Arval, la première banque du pays a dû constituer 676 millions de provisions – dont seulement 230 pour la Belgique – pour faire face aux éventuels défauts de paiement des entreprises frappées par la crise sanitaire. Des provisions nettement moins importantes que celles actées par Belfius et consorts mais que Max Jadot juge suffisantes. “Nous persistons dans l’idée que l’économie belge est résiliente et qu’elle est en train de rebondir”, dit-il. Le scénario de la banque restant, comme il y a six mois lors de la présentation de ses résultats semestriels, celui d’un retour de l’activité économique à son niveau d’avant-crise pour la moitié de l’année 2022.

Nous persistons dans l’idée que l’économie belge retrouvera son niveau d’avant-crise mi-2022.

Plus de crédits

Si BNP Paribas Fortis a donc dû mettre plus d’argent de côté pour faire face à d’éventuels mauvais crédits, 2020 n’a toutefois pas été atone sur le plan commercial. Malgré la persistance de taux d’intérêt peu élevés, la maison de la rue Royale a vu son produit net bancaire (la somme de sa marge d’intermédiation et des commissions qu’elle perçoit) légèrement augmenter pour atteindre près de 8 milliards d’euros (+1,1%). Elle a vu les dépôts de ses clients progresser de 5,3% pour s’établir à 138 milliards d’euros. Dans le même temps, elle a octroyé pas moins de 17 milliards d’euros de nouveaux prêts aux ménages et aux entreprises, soit 4 milliards de plus qu’en 2019. “Un chiffre colossal”, selon Max Jadot, qui démontre bien le soutien actif de la banque à l’économie belge tout au long de l’année. “Nous avons pu répondre à la demande exceptionnelle des clients. Ce qui est normal. Nous sommes là pour cela, certainement en temps de crise.” Sans oublier que plus de 100.000 moratoires (dont 45.500 pour des prêts hypothécaires et 57.500 pour des crédits professionnels, Ndlr) ont été accordés par la banque aux ménages et aux entreprises frappés par la crise. “Les moratoires ont été l’outil le plus puissant et le plus rapide que nous avons mis en oeuvre. J’ai d’ailleurs été un grand partisan de la dernière période de prolongation de ces moratoires jusqu’à fin juin.” Le tsunami de faillites sera donc pour plus tard? En effet, “il y en a eu moins qu’en 2019, constate le CEO. Mais il est probable qu’il y aura un effet rattrapage à cause de la fin des moratoires, des aides, etc. Et puis, il y a des secteurs qui ont plus souffert que d’autres et où le redémarrage sera plus difficile. Nous essayerons d’aider tout le monde au maximum. Le rôle d’une banque, c’est d’assurer la liquidité. Après, il y aura des questions de solvabilité. Et ces questions de solvabilité, il faudra essayer de les résoudre autrement.”

Davantage de digital

Au-delà de ce soutien financier aux ménages et aux entreprises qui se sont retrouvés dans les difficultés à cause de la pandémie, la banque est également restée proche de ses clients sur le terrain. Alors que certains ont fermé des agences, celles de BNP Paribas Fortis sont restées 100% accessibles sur rendez-vous. Une voie dans laquelle la banque, qui prévoit de s’appuyer sur un réseau ne comptant plus que 389 agences d’ici la fin de l’année (contre 463 aujourd’hui), va poursuivre? “Comme pour tous les métiers, le rendez-vous est le modèle du futur. Je n’imagine plus aller chez mon médecin sans prendre rendez-vous par voie digitale. Idem pour des démarches auprès de ma commune. La prise de rendez-vous par mail ou par chat est quelque chose qui marche très bien et qui est très efficace. Il restera de grosses agences pour les urgences, comme le remplacement de votre carte, par exemple. C’est l’avenir. La société dans son ensemble évolue dans ce sens. Cela correspond aux besoins et aux attentes des clients. Le Covid a été un accélérateur, en fait.”

La pandémie et ses confinements successifs ont en effet accéléré l’acceptation des services bancaires numériques. A commencer par les paiements sans contact (+ 325%). Son application mobile (Easy Banking App) totalise maintenant 1,7 million d’utilisateurs actifs. Quant aux ventes digitales, elles représentent désormais plus de la moitié de son activité commerciale, avec une pointe à 67% du total pour les opérations quotidiennes (contre 53% il y a un an).

Côté télétravail, Max Jadot se félicite également d’avoir vu l’entreprise et son personnel pouvoir s’adapter en très peu de temps au contexte sanitaire. En moyenne, chaque collaborateur de BNP Paribas Fortis a travaillé l’an dernier 10 jours par mois chez lui. La banque ira-t-elle plus loin pour suivre l’exemple d’ING (50% de télétravail en moyenne)? “Quasiment du jour au lendemain, nous sommes passés de 2.000 à 8.000 personnes en télétravail (sur un total de 11.000 équivalents temps plein, Ndlr). Ce qui prouve que, sans le savoir, nous étions prêts. Reste maintenant à organiser le retour. Après, on verra s’il faut aller plus loin. Nous sommes en discussion avec les syndicats à ce sujet-là.”

Plus de durable

Marquée par le confinement, 2020 n’aura pas seulement été synonyme pour la grosse filiale belge du groupe bancaire français d’accélération de sa digitalisation et de basculement – fully operational comme dit Max Jadot – de ses services en mode gestion à distance. Elle aura aussi été une année de forte croissance pour son activité dans le domaine de la finance durable. A titre d’exemple, l’enseigne au logo vert compte désormais plus de 300.000 clients qui possèdent au moins un produit de placement durable. Et ce, pour un total de fonds sous gestion qui tutoie désormais les 30 milliards d’euros, contre 19,4 milliards en 2019.

Est-ce à dire que durabilité et rentabilité sont deux mots compatibles chez BNP Paribas Fortis? “Ils ne sont en tout cas pas contradictoires, avance Max Jadot. Sur le long terme, c’est même un couple gagnant. Il faut être durable pour être une entreprise qui a de l’avenir. C’est une tendance de fond. Il y a eu une accélération pendant le Covid. Les clients nous demandent quel est le sens d’une entreprise ¬ et pas que la nôtre ¬, par rapport à cet élément-là. La banque va continuer à évoluer dans cette direction. Les questions de rentabilité et durabilité vont se rejoindre très naturellement à l’avenir. Hier, le durable était un nice to have. Aujourd’hui, c’est une license to exist“, conclut le CEO.

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