Du cash près de chez vous: zoom sur les nouveaux distributeurs de billets

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Sebastien Buron
Sebastien Buron Journaliste Trends-Tendances

C’est la promesse des quatre grandes banques Belfius, BNP Paribas Fortis, ING et KBC: elles ont décidé de mettre en commun leurs distributeurs d’argent pour le transformer d’ici 2024 en un seul réseau d’automates auquel tous les clients auront accès.

Les banques vivent depuis plusieurs années une profonde mutation. L’avènement du numérique bouscule nos habitudes financières. Le paiement par carte s’est imposé quasiment partout, les consommateurs adoptent de plus en plus vite les nouvelles technologies et la banque mobile se généralise. Selon les derniers chiffres de Febelfin, on observe depuis 2012 une baisse de plus de 20% du nombre de retraits d’argent aux distributeurs des banques. Face à ce constat et pour répondre au changement de comportement des consommateurs en matière d’utilisation de cash, les quatre grandes banques du pays (Belfius, BNP Paribas Fortis, ING et KBC) se sont associées en janvier pour mutualiser leurs réseaux de distributeurs automatiques de billets au sein d’une seule société, baptisée Batopin, abréviation de Belgian ATm OPtimization INitiative.

Avec Batopin, 95% des Belges auront accès à un distributeur de billets dans un rayon de 5 km.

A cinq kilomètres maximum

Pour mener à bien leur projet, ces banques se sont adjoint les services de Kris De Ryck. Devenu CEO de Batopin en mai dernier, cet ingénieur architecte de formation âgé de 52 ans est loin d’être un inconnu dans le monde des paiements électroniques. L’homme a en effet dirigé pendant six ans Bancontact et redéployé la marque dans le monde du paiement mobile avant de devenir en 2017 le patron de Belgian Mobile ID, la société qui a développé la carte d’identité virtuelle itsme.

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Le nombre de distributeurs de billets que comptera le nouveau réseau d’automates des quatre grandes banques.

A la tête de Batopin, Kris De Ryck a désormais pour mission de mettre sur pied un réseau de distributeurs (ATM) basé sur un meilleur maillage géographique. “Bien que son utilisation diminue, le cash est toujours très présent dans la société, dit-il. Le problème, avec la montée en puissance du digital et les fermetures d’agences, c’est que les distributeurs d’argent sont aujourd’hui mal répartis sur le territoire. Il n’est pas rare de trouver trois à cinq agences l’une près de l’autre, chacune avec son propre distributeur d’argent. Dans d’autres endroits, il faut parfois prendre sa voiture et rouler pendant un quart d’heure pour trouver un distributeur. Nous voulons corriger ce déséquilibre: il y a trop d’appareils à certains endroits et trop peu à d’autres. Leur implantation n’est plus adaptée à la manière dont les gens vivent aujourd’hui. Avec Batopin, l’ambition des quatre grandes banques est de permettre à 95% de la population belge d’avoir accès à un distributeur automatique de billets dans un rayon de 5 km maximum de chez lui”, avance Kris De Ryck, précisant que cette règle des 5 km est un critère que l’on retrouve dans d’autres pays européens où ce genre de réseau multimarque existe.

Du cash près de chez vous: zoom sur les nouveaux distributeurs de billets
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Sortir le cash de l’agence

Si les quatre grandes banques ont décidé de créer une joint-venture pour mieux gérer leur réseau de distributeurs automatiques de billets, c’est parce que ces derniers sont le plus souvent situés à l’intérieur de leurs agences. Or, comme on le sait, avec la poussée du digital, la fréquentation des agences diminue et certaines – de plus en plus nombreuses – ferment leurs portes. Par ailleurs, offrir du cash n’est plus vraiment un service qui permet de se démarquer des autres. Raisons pour lesquelles Batopin va installer un tout nouveau réseau de distributeurs qui ne seront plus brandés Belfius, BNP Paribas Fortis, ING et KBC (KBC Brussels et CBC), mais aux couleurs d’une nouvelle marque qui sera dévoilée l’année prochaine. “Les appareils actuellement rattachés aux agences des quatre grandes banques seront remplacés par des automates qui seront implantés dans les endroits très fréquentés tels que les rues commerçantes, les gares et les zones de bureaux. Nous allons mieux prendre en compte les lieux où les gens travaillent, font leurs courses ou se déplacent. L’idée est de dissocier le cash de l’agence bancaire”, explique Kris De Ryck, faisant référence à diverses initiatives comparables à l’étranger comme Geldmaat aux Pays-Bas qui regroupe les distributeurs des trois premières banques (ING, ABN Amro et Rabobank).

D’ici 2024, il ne devrait donc en principe plus y avoir aucun distributeur dans les agences Belfius, BNP Paribas Fortis, ING et KBC (KBC Brussels et CBC). Elles n’auront plus de réseau propre d’ATM. Les premiers appareils devraient être opérationnels chez nous dès le milieu de l’année prochaine. Les suivants seront ensuite déployés progressivement. “La mise en place du réseau se fera en différentes phases, détaille le CEO de Batopin. Nous construisons un nouveau réseau tandis que les banques vont mettre progressivement leurs distributeurs hors service. Mais bien sûr, seulement après que Batopin aura installé un point de distribution à cet endroit. En fait, tout dépendra de la vitesse de digitalisation des banques. Ce sont deux lignes qui se croisent.” Quant aux distributeurs en tant que tels, “nous allons au fur et à mesure reprendre une partie du stock des ATM des banques, les plus modernes. Il y aura aussi de nouveaux appareils. Mais seules les fonctions liées au cash seront disponibles. Il ne sera pas possible d’effectuer un virement, par exemple. Dans un premier temps, seuls les retraits seront possibles. Déposer du cash le sera à partir de 2022.”

Kris De Ryck, CEO de Batopin
Kris De Ryck, CEO de Batopin “Nous voulons corriger ce déséquilibre: il y a trop d’appareils à certains endroits et trop peu à d’autres”© FRANKY VERDICKT

Le plus grand magasin de Belgique

Le nombre global de distributeurs va-t-il, dès lors, diminuer? La réponse est clairement oui. Là où les quatre grandes banques disposent actuellement d’environ 5.800 machines réparties dans 2.300 agences en Belgique, le nouveau réseau Batopin comptera 2.400 distributeurs répartis sur 750 sites. Soit plus de moitié d’appareils en moins. Avec néanmoins une meilleure couverture et une aussi bonne accessibilité pour le client? “L’avantage d’un réseau neutre comme Batopin est que nous avons pu faire table rase du passé et recommencer à zéro, soutient Kris De Ryck. Nous sommes partis de l’idée que nous étions un retailer qui choisit l’implantation de ses magasins, à la fois en fonction de la densité de population et de la géogra- phie, dans les meilleurs endroits possibles. Nous aurons des guichets automatiques dans le hall d’entrée d’un immeuble (distributeurs automatiques dans le hall des agences bancaires aujourd’hui), par exemple dans la façade d’un immeuble ou comme kiosques dans un endroit fort fréquenté (Batopin a collaboré pour cette analyse avec RetailSonar, une spin-off de l’université de Gand, Ndlr). En fait, avec 750 emplacements en Belgique, nous construisons actuellement le plus grand magasin du pays.”

Il est vrai qu’aucune grande banque ne dispose aujourd’hui d’un réseau de 750 agences. A cause de la digitalisation des opérations, leur nombre ne cesse de diminuer ces dernières années, et cette évolution va se poursuivre à l’avenir. BNP Paribas Fortis, première banque du pays, souhaite conserver un peu plus de 400 agences d’ici fin 2021. Le groupe KBC (KBC Brussels et CBC) compte désormais un peu plus de 600 agences mais en supprime chaque année. ING Belgique s’appuie pour sa part encore sur 600 agences, mais un quart d’entre elles ont été fermées depuis le début de l’épidémie. Quant à Belfius, elle totalise également environ 600 agences, mais leur nombre diminue aussi. Bref, “avec 2.400 distributeurs, nous pourrons assurer en moyenne 60.000 transactions par terminal et par an, ce qui signifie qu’il n’y aura pas de files d’attente, précise Kris De Ryck. Nous installerons jusqu’à quatre terminaux dans des endroits très fréquentés. En plus de Batopin, il y aura aussi les distributeurs automatiques des autres banques. Sans oublier les commerçants auprès desquels il est aussi possible de demander du cash.”

Du cash près de chez vous: zoom sur les nouveaux distributeurs de billets
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Maîtriser les coûts

En guise de conclusion, notons effectivement que les grandes banques ne sont pas les seules à s’associer pour mutualiser leurs réseaux d’ATM. Cinq plus petites institutions du pays (Argenta, Crelan, Axa Banque, VDK et bpost) ont décidé de faire de même au travers d’une société coopérative (Jofico). Un réseau auquel les clients des grandes banques auront aussi accès et inversement. Preuve que la gestion du cash coûte cher à toutes les banques, même si Batopin ne signifie pas nécessairement pour BNP Paribas Fortis et consorts qu’elles vont pouvoir faire de grosses économies.

Ne serait-ce que parce que l’investissement lié à la mise en place de Batopin se chiffrerait en plusieurs dizaines de millions d’euros. Seule certitude: “Batopin est la preuve de l’engagement des banques envers la société pour assurer l’accès à l’argent cash, même si cela leur coûte cher. Notre projet doit avant tout garantir que les coûts n’explosent pas. La distribution d’argent cash implique de nombreux coûts fixes qui augmentent chaque année ( par exemple, le transport, Ndlr) tandis que le nombre de transactions diminue. En travaillant ensemble, les quatre grandes banques souhaitent maîtriser ces coûts”, conclut Kris De Ryck.

L’impact du Covid

Kris De Ryck chiffre l’impact du Covid sur l’usage du cash à 15% de retraits en moins. Il estime aussi que d’ici 2024, l’utilisation du cash aura diminué de 30%. Pour autant, cela ne veut pas dire que le cash soit amené à totalement disparaître, estime le CEO de Batopin. Au contraire. “Le cash n’est pas une bête facile. Je sais de quoi je parle: en tant qu’ancien CEO de Bancontact, je me suis battu contre elle pendant cinq ans. Beaucoup rêvent d’une société sans cash, mais nous allons plutôt vers une société avec moins de cash. Je pense que ce cash sera toujours là dans 10 ou 20 ans. Même avec le Covid, les retraits d’espèces ne sont retombés qu’à 80% de leur niveau normal. Cela montre que les gens changent très lentement leurs habitudes.”

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