2014 sera une année tranquille pour les investisseurs

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Sur le plan macroéconomique, l’année 2013 fut relativement calme, sans crise majeure. 2014 sera tout aussi sereine, placée sous le signe de la… normalité.

L’année écoulée ne restera certainement pas dans les annales pour les événements qui l’ont émaillée. Ainsi retiendra-t-on seulement que Démocrates et Républicains ont ferraillé dur au sujet du plafond de la dette américaine. Les administrations américaines ont même dû fermer leurs portes pendant quelque temps, avant qu’un compromis soit finalement trouvé. Ben Bernanke, président de la Réserve fédérale, y est allé de son commentaire, en l’occurrence en suggérant qu’il commencerait bientôt à alléger le programme de rachat d’obligations (tapering) dont l’objectif est de maintenir les taux à un niveau très faible. La simple évocation de cette mesure fut suffisante pour déclencher une flambée des taux. Une correction des marchés d’actions comme d’obligations fut la conséquence non souhaitée de l’intervention de Ben Bernanke. Depuis lors, l’impair a été corrigé et les marchés se sont faits à l’idée d’un allègement des mesures de soutien.

La question du tapering a également placé plusieurs pays émergents dans une situation inconfortable, notamment ceux qui dépendent étroitement des capitaux étrangers pour financer leur croissance, comme l’Inde et l’Indonésie. Dans l’anticipation d’une hausse des taux américains, les investisseurs ont retiré massivement leurs billes de ces pays, ce qui a provoqué une correction des devises et des marchés boursiers domestiques. Il n’en fallait pas plus pour que le spectre de la crise monétaire qui secoua l’Asie à la fin des années 1990, affectant un pays après l’autre, refasse surface. Ces craintes se sont elles aussi révélées infondées. Certes, le caractère durable de leur modèle de croissance peut être remis en question, mais une chose est sûre : ces pays sont bien plus solides aujourd’hui qu’à la fin des années 1990.

Vitesse supérieure aux Etats-Unis Il est étonnant de constater à quel point les économistes sont positifs à l’égard des Etats-Unis. Ainsi Vincent Juvyns de JP Morgan affirme-t-il que l’économie américaine connaîtra l’an prochain une croissance de 3 %. “La consommation des ménages apparaît particulièrement ferme, par exemple pendant la récente période de Thanksgiving. Par ailleurs, au cours des prochains trimestres, la demande de certains biens comme les logements et les voitures, refoulée jusqu’ici, devrait refaire surface.” Une bonne nouvelle pour l’économie yankee, qui dépend à 70 % de la consommation.

Vincent Juvyns indique par ailleurs que les mesures d’austérité de 2014 pèseront moins lourd dans la balance qu’en 2013, précisément parce que le déficit budgétaire a déjà baissé sous la barre des 4 %. “Cette amélioration de la situation fiscale évitera aux Républicains de devoir mener les discussions budgétaires sur le fil du rasoir.” Peter Vanden Houte, économiste chez ING, est lui aussi convaincu que les Républicains éviteront à tout prix un nouveau government shutdown. “La réputation des Républicains en a pris un coup ; ils ne pourront plus se permettre le moindre faux pas en 2014, année marquée par les élections”, affirme Peter Vanden Houte, qui note également l’amélioration de la situation des finances des ménages : “La charge liée à la dette des ménages américains s’est considérablement allégée, et le pourcentage de revenu affecté au remboursement des dettes a baissé ces dernières années d’un sommet de 13,5 à 10 %, le plus faible niveau en plus de 30 ans. Qui plus est, le taux d’emploi a augmenté. Ces nouvelles sont de bon augure pour la consommation, partant pour l’économie américaine.”

Embellie en Europe Les opinions au sujet de l’Europe ont fortement évolué en l’espace d’une année. Non seulement les believers européens, mais aussi le monde financier s’habituent à l’idée que l’euro est finalement plus vigoureux que prévu, résultat de l’intervention de Mario Draghi, président de la Banque centrale européenne (BCE), qui avait promis de tout mettre en oeuvre pour maintenir la devise à niveau. Ainsi Koen De Leus, économiste chez KBC, pointe-t-il du doigt la baisse des différentiels de taux entre les pays de la périphérie et ceux du noyau dur de la zone euro. La confiance des consommateurs se redresse également, et les mesures d’économie devraient peser moins lourd en 2014.

Pour autant, la prudence reste de mise. “L’embellie européenne est fragile et inégale”, affirme Peter Vanden Houte, qui table sur une croissance de 1,1 % pour l’Europe en 2014 (contre un repli de 0,2 à 0,3 % en 2013). Même pour la Grèce, il escompte une croissance légèrement positive en 2014. Seule l’économie chypriote devrait rester en récession. Le Royaume-Uni constitue une exception notable, dans la mesure où sa croissance devrait s’accélérer à 2,7 % l’an prochain. Selon Peter Vanden Houte, plusieurs évolutions favorables sont à constater, comme la stabilisation des prix de l’immobilier aux Pays-Bas et en Irlande (un facteur positif pour la confiance des consommateurs), mais la croissance européenne reste trop faible dans l’ensemble pour lui permettre de digérer de nouveaux contrecoups.

Vincent Juvyns reconnaît que l’Europe demeure un sujet épineux. Il salue néanmoins la dynamique positive des pays périphériques, caractérisés par le relèvement des ratings de solvabilité. Le nouveau gouvernement allemand, qui a pris des mesures visant à encourager la demande domestique, est un autre paramètre positif selon lui. Koen De Leus rappelle quant à lui l’importance du consommateur allemand : “L’Allemagne est et reste un pays compétitif, mais pour atténuer les déséquilibres au sein de la zone euro, les ménages allemands doivent consommer davantage afin de limiter les importations allemandes. L’assouplissement de la modération salariale, par exemple par l’application d’un salaire minimum, serait un premier pas dans cette direction”, conclut-il.

Cela dit, plusieurs éléments demeurent inquiétants, comme la situation économique de pays-locomotives comme les Pays-Bas et la France. “Le redressement de l’économie européenne dépend notamment du soutien par la BCE de la croissance encore fragile, notamment par l’octroi de liquidités supplémentaires aux banques européennes et l’adoption de mesures visant à affaiblir l’euro”, assure Vincent Juvyns. La vigueur de l’euro représente en effet un frein à la croissance des bénéfices pour de nombreuses sociétés exportatrices européennes. Peter Vanden Houte prévoit lui aussi une intervention de la BCE et un affaiblissement de la monnaie unique en direction de 1,25 dollar (contre 1,35 actuellement).

Les émergents en mode mineur L’année 2013 a douloureusement rappelé aux investisseurs que les régions émergentes comportaient toujours un risque supérieur aux marchés occidentaux, et que les divergences pouvaient être grandes d’un pays émergent à l’autre.

Peter Vanden Houte épingle la faiblesse de plusieurs pays émergents dont la croissance dépendait dans une large mesure des matières premières (comme le Brésil) ou des capitaux et des crédits étrangers (Turquie, Inde, Indonésie). Les Banques centrales de ces pays se sont vues contraintes de relever leurs taux pour tenter de soutenir leurs devises respectives, ce qui ne fut pas sans effet sur leurs croissances économiques domestiques. Pour l’an prochain, Peter Vanden Houte ne prévoit pas de crise majeure dans les pays émergents mais un amenuisement de l’écart de croissance avec l’Occident.

En un mot comme en 100, il ne fait aucun doute que ces pays doivent trouver un modèle de croissance durable. Ainsi la Chine est-elle à présent contrainte de basculer d’un modèle de croissance reposant sur les investissements dans l’infrastructure et les exportations vers un modèle ciblant davantage la consommation domestique. “Les réformes récemment annoncées par le Parti communiste chinois ne sont pas mauvaises mais leur effet dépendra de la vitesse de mise en oeuvre”, déclare Peter Vanden Houte, qui table sur une croissance de 7,5 % en Chine l’an prochain.

Vincent Juvyns est convaincu que les pays émergents sont assez matures pour mettre en oeuvre les réformes nécessaires et que par voie de conséquence, le potentiel de long terme demeure intact pour ces marchés. “A court terme, le tapering pourrait encore avoir une incidence défavorable sur les émergents, admet-il, mais cette incidence ne doit pas être surestimée. Les incertitudes qui ont caractérisé l’année 2013 nous ont par exemple servi de prétexte pour acheter.”

Mathias Nuttin

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