Turbulence sur le marché des changes
La Banque centrale européenne (BCE) se fait du souci. On ne s’en étonnerait pas, vu que les banques sous sa tutelle succombent sous leurs dettes irrécupérables, si ce n’était que ce ne sont pas elles qui l’inquiètent, mais bien la possibilité d’une réduction des largesses monétaires de la part de son homologue américain, la Réserve fédérale (Fed).
La BCE craint en effet que si la Fed réduit son assistance mensuelle, de 85 milliards de dollars (USD) actuellement, plusieurs investisseurs institutionnels européens rencontreraient pas mal de difficultés.
On peut s’étonner que la BCE se soucie du sort d’institutions qui ne sont pas de son ressort. Pour comprendre son attitude, il faut replacer l’affaire dans son contexte. Tout ce qui affecte ces institutions implique le secteur bancaire. Il suffit de se pencher sur ce qui s’est déroulé ces derniers mois pour comprendre la chose.
Depuis l’effondrement de Lehman Brothers en 2008, les banques centrales occidentales, dont la BCE, ont accepté toutes sortes d’actifs financiers en guise de gage à leurs crédits. Les emprunts bancaires couverts par d’autres actifs financiers, comme les obligations sécurisées ou les contingent convertibles (coco) en font partie. La BCE en possède pour 435 milliards d’euros (EUR) et encore près de 370 milliards d’autres titres adossés à d’autres actifs. Certains de ces titres ont parfois été créés spécialement pour être remis à la BCE.
Depuis un peu moins d’un an, la plupart des banques remboursent leur banque centrale et récupèrent de cette façon leurs gages. Ces derniers sont restructurés dans de nouveaux emprunts offerts aux investisseurs institutionnels. Comme ces titres rapportent plus que les conventionnels, les institutionnels ne leur résistent pas. Vu le succès qu’ils rencontrent, les banques emballent de nouveau leurs créances déficitaires de cette manière et les transfèrent aux institutionnels (assurances, fonds de pensions, etc.). Ces derniers assument dorénavant les risques afférents à ces titres.
Le jour où la Fed décidera de réduire ses avances mensuelles, il ne fait aucun doute que les taux d’intérêt s’envoleront. Le surrendement qu’offraient les titres structurés disparaîtra en conséquence. Or ces surrendements servaient à compenser les risques. Il est probable que ces titres s’effondreront plus rapidement que les autres, causant de graves pertes pour les institutionnels. Ces derniers n’auront pas tellement de recours, leurs contreparties étant essentiellement les banques. Selon une estimation faite par la JPMorgan, il y aurait encore quelque 700 milliards EUR de ce genre de titres en circulation, en sus des titres détenus par la BCE.
On comprend mieux alors l’inquiétude de la BCE. Il est impératif que les taux d’intérêt restent bas si on veut éviter la catastrophe. Il est par conséquent peu probable que la Fed réduise ses allocations à partir de ce mois-ci, quoi qu’en pensent certains analystes. Le président actuel de la Fed, Ben Bernanke, ne s’y aventurera pas et laissera cette décision épineuse à son successeur, Janet Yellen.
En milieu de semaine, la BCE tiendra sa réunion mensuelle et annoncera ses nouvelles mesures monétaires. On s’attend à ce qu’elle entame une troisième LTRO (ligne de crédit illimitée d’une durée de trois ans). Des 1000 milliards que la BCE a déboursés avec les deux premières, les banques lui sont encore redevables pour près de 700 milliards, essentiellement des banques espagnoles et italiennes.
Si une nouvelle LTRO est annoncée, nous saurons indubitablement que les banques européennes ne sont toujours pas sorties de l’embarras. Bien sûr, la BCE présentera la nouvelle LTRO comme une mesure destinée à permettre aux banques d’allouer plus facilement du crédit et de soutenir ainsi le redressement conjoncturel. Si l’on se réfère aux statistiques bancaires, on remarquera cependant que les banques n’ont jamais utilisé ces largesses pour octroyer du crédit à l’économie. Les chiffres ne mentent pas, les banques n’ont jamais octroyé aussi peu de crédits que de nos jours. Pourquoi changeraient-elles d’attitude ?
La guerre des devises perturbe toujours le marché des changes. L’EUR s’est raffermi face aux autres devises, excepté la livre (GBP) qui a gagné 0,2%. La Banque d’Angleterre envisage en effet de réduire son soutien au secteur immobilier. Ce qui débouchera inévitablement sur une hausse des taux d’intérêt. Les devises les plus affectées étaient le réal brésilien (BRL; -2,1%), le rouble russe (RUB; -1,9%) et le rand sud-africain (ZAR; -1,5%). Le forint hongrois (HUF) a perdu 1% par suite de la baisse des taux directeurs décidée par la banque centrale du pays. Le yen (JPY) a chuté de 1,8%.
D’innombrables déplacements ont eu lieu sur le marché secondaire. Les industrielles l’ont emporté face aux titres pourris. Les taux d’intérêt ont peu bougé. L’activité se concentrait essentiellement sur les obligations de qualité moindre. On remarquait cependant l’effondrement des titres grecs et espagnols libellés en EUR.
Les banques continuent de dominer le marché primaire. La plupart de leurs émissions sont structurées, comme celle de la Société Générale (Aaa), ou subordonnées, comme celles au nom de la Danske Bank (BBB-). Elles ne sont pas destinées aux petits porteurs. Le chimiste français Arkema (BBB) offre un emprunt attrayant. Dommage que les coupures soient aussi onéreuses. Le fabricant de sirènes allemand Hörmann (sans notation) lance un emprunt de petite taille à 5 ans. Il rapporte 5,14% de plus que la moyenne du marché. Le titre est en outre remboursable anticipativement dès 2016 à 102%. Finmeccanica (BB+), le constructeur aéronautique italien, est plus chiche. L’émission n’offre que 3,13% de plus que la moyenne du marché.
La BEI (AAA, supranationale) élargit le montant de divers emprunts. La tranche en lire turque (TRY) échéant en 2018 est correcte. Il y a 138 jours d’intérêt à régler à la souscription. La seconde en TRY, échéant en 2017, s’acquiert 2% meilleur marché sur le marché secondaire. Il y a 322 jours d’intérêt à régler. Tout emprunt en TRY doit donner plus de 8% de rendement. La tranche en ZAR est acceptable, sans plus. Il y a 350 jours d’intérêt à régler. Nous lui préférons toutefois l’autre BEI (alt.5). Nestlé (AA) en dollar australien (AUD) est cher. Achetez ce titre de préférence sur le marché gris à 99,54% (alt.1) tant que frais et différence de prix ne dépassent pas 1,54%. L’AUD reste attrayante. La devise a perdu 1,3% la semaine passée.
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