Tassement généralisé
Incertitudes, tensions, problèmes géopolitiques rendent la vie dure aux marchés financiers.
Les marchés financiers ont à leur tour subi la douche froide la semaine passée. La guerre des devises, qui a récemment été attisée par les nouvelles mesures prises par la Banque centrale européenne (BCE) souhaitant acheter des emprunts sécurisés, n’a jamais fait autant de victimes que durant la semaine dernière. Le dollar australien (AUD) a chuté de 3,2% ! Ni la baisse du prix des matières premières ni le recul conjoncturel de la Chine n’expliquent une telle dégringolade. La cause était purement spéculative.
L’AUD est depuis de longues années la devise privilégiée des spéculateurs de carry trade. Ils empruntent dans une devise à taux d’intérêt bas telle que le dollar (USD), le yen (JPY) ou l’euro (EUR), et placent l’argent dans une autre, à taux d’intérêt élevé, de préférence facilement négociable. Les devises visées sont l’AUD, mais aussi le néo-zélandais (NZD), le rand sud-africain (ZAR), le réal brésilien (BRL) ou la lire turque (TRY). Aujourd’hui, cependant, ces spéculateurs s’inquiètent de l’évolution des taux d’intérêt des devises à taux bas.
La couronne norvégienne indemne
Si le calendrier est respecté, la Banque centrale américaine (Fed) procédera prochainement à sa dernière distribution de liquidités. Sera-ce l’annonce d’un revirement de tendance pour les taux d’intérêts ? Pour éviter toute surprise, la majorité des spéculateurs ont clôturé leurs positions. Avec des conséquences désastreuses. A l’instar de l’AUD, le BRL a perdu 2,5%, le ZAR 2,1%, la TRY 1,5% et le NZD 1,4%.
La saignée n’affectait pas uniquement le marché des changes. Elle sévissait aussi sur le marché des capitaux. On y dénombrait 10 fois plus de titres orientés à la baisse qu’inversement. Seule la couronne norvégienne (NOK) a tiré son épingle du jeu où les deux tendances s’équilibraient. Les pertes étaient importantes et aucun secteur n’a été épargné. Les souveraines européennes ont chuté jusqu’à plus de 4% ! Les quelques titres ayant progressé étaient généralement de qualité médiocre, comme ceux de l’Argentine qui ont gagné jusqu’à plus de 10% !
Les nouvelles sanctions contre la Russie sont une autre source de désarroi. Le rouble (RUB) s’est tassé de 2,4%. Les obligations libellées en RUB ont mieux résisté. On comptait deux fois plus de titres à la baisse qu’inversement. Les reculs sont restés somme toute minimes. L’interdiction de financer les entreprises russes de renom pose plus de problèmes qu’elle n’en résout. On sait que ces entreprises trouveront toujours des capitaux ailleurs qu’en Occident. Mais plus préoccupant est le fait que leurs principaux créanciers sont des Occidentaux. Ces derniers possèdent aujourd’hui des titres qu’ils ne pourront négocier qu’à vil prix.
Dans l’intervalle, la Russie et la Chine se sont entendues pour créer une institution de dénouement de leurs opérations monétaires, comparable au SWIFT. Il semblerait que l’institution commune deviendra opérationnelle dès 2016. Cela signifie qu’à partir de ce moment, les jours du dollar seront définitivement comptés.
Probable indépendance écossaise
Une autre source d’angoisse est le referendum en Ecosse. La livre (GBP) en a déjà fort souffert. Elle est parvenue à réduire sa chute en fin de semaine, grâce à un sondage plus favorable, limitant ainsi sa perte à 0,3%. Il n’en demeure pas moins que la probabilité d’une scission reste grande. Le fait que 97% des électeurs écossais se sont inscrits pour participer au scrutin, dénote qu’ils n’ont pas l’intention de se laisser dicter par qui que ce soit. Si le ” Yes ” l’emporte, les conséquences seraient catastrophiques tant pour l’euro que pour la politique en Europe.
Dans ces temps incertains où les marchés peuvent aller dans n’importe quelle direction, tout investissement devient aléatoire. Pourtant, si on considère l’image à long terme, force est de constater que toutes les mesures décidées ces dernières semaines ne sont pas profitables au redressement conjoncturel de l’Occident. Au contraire même ! La guerre des devises se fera plus féroce encore. L’Allemagne, par exemple, a annoncé qu’elle ne devra pas emprunter en 2015. Cela conduira forcément à une pénurie de titres sur le marché. Ce qui fera grimper le cours des titres existants. Le taux d’intérêt des titres allemands fléchira par conséquent davantage, affectant directement le cours de l’euro. Ce phénomène est connu. On l’a déjà vécu du temps de la présidence de Clinton avec l’USD, puis avec la GBP peu avant que la crise actuelle n’éclate.
Tirer parti de la situation
Les économies occidentales sont trop fragiles pour permettre un revirement brutal de tendance en matière de taux d’intérêt. Les quelques banquiers centraux qui envisagent un tel retournement (Fed et Banque d’Angleterre) ne pourront pas agir de la sorte aussi facilement. Il faut profiter de la situation et consolider ses positions en devises, surtout dans celles qui ont fléchi tout récemment, en premier lieu l’AUD.
Sur le marché primaire, les banques continuent de déverser leurs nouveaux emprunts. Elles ont émis pour l’équivalent de quelque 41,5 milliards EUR. Le plus surprenant est que la majorité de leurs émissions étaient exprimées en EUR, alors qu’auparavant, l’USD dominait. Ces émissions s’adressent d’abord aux institutionnels. La nouvelle tranche de la Banque Mondiale (AAA, supranationale) en BRL ne convient que pour celui qui désire augmenter sa position dans cette devise. Notez toutefois que ce titre, où il y a 201 jours d’intérêts encourus à régler, se négocie en USD. Il comporte donc un double risque de change. En EUR, seule la nouvelle tranche de la BEI (AAA, supranationale) est intéressante pour qui souhaite acheter un titre à long terme. La tranche antérieure s’échange à 97,51% (1,47%), ce qui implique que frais et différence de prix ne peuvent dépasser 0,8%.
LVMH (A+) en GBP est correcte et ne convient qu’à celui qui utilise effectivement la GBP. La nouvelle tranche de la BEI en TRY est elle aussi correcte. Il y a 6 jours d’intérêts à régler à la souscription. La Nordic Investment Bank (AAA, supranationale) en ZAR est trop chère. Préférez-lui la BEI (alt.6) tant que frais et différence de prix n’excèdent pas 1,78%. BNP Paribas (A+) dans la même devise est conforme aux conditions du marché. Nous ne sommes toujours pas acheteurs de titres bancaires.
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