Reprise de l’activité
Alors, les banques sont-elles tirées d’affaire ou pas ? Si l’on pose la question à un banquier encore en service, il répondra par l’affirmative. On se demande alors pourquoi les banques centrales leur ont concocté de nouvelles facilités.
La banque centrale américaine (Fed), par exemple, a calculé que les institutions sous son contrôle devraient lever près de 200 milliards de dollars pour survivre. Et ceci malgré les accommodements comptables dont elles ont joui depuis 2009 et le transfert de leurs dettes pourries vers des conduits spécialement érigés pour la circonstance.
La Fed se rend compte que ses largesses monétaires ne résolvent rien. Elle achète trop d’emprunts d’Etat, les confisquant en quelque sorte aux banques qui ne peuvent plus les utiliser comme gage à leurs opérations. Les banques doivent en outre disposer d’assez de titres immédiatement négociables pour pouvoir faire face à des tensions durant au moins trente jours d’affilée. La Fed a conçu à cet effet un nouveau repo (repurchase agreement, un contrat entre deux institutions s’échangeant de l’argent contre des titres) destiné à réintroduire ces emprunts d’Etat dans le circuit. Elle est de plus prête à accepter des titres de moindre qualité en guise de gage. Pour faire simple, elle s’apprête donc à échanger des titres de qualité contre des médiocres pour satisfaire les banques.
Les banques anglaises sont confrontées à un problème similaire. Cela fait des années qu’elles demandent à leur banque centrale d’accepter d’autres titres récemment émis par elles en guise de gage. Le nouveau gouverneur, le Canadien Mark Carney, semble plus accommodant que son prédécesseur. Sa proposition va encore plus loin que celle de la Fed. Non seulement il acceptera des titres de qualité moindre, mais il admettra aussi que ces titres puissent servir à gager plusieurs opérations simultanément ! On a oublié la débâcle de Lehman Brothers en 2008, semble-t-il, où l’on s’était aperçu qu’un seul et même gage servait à couvrir plus de dix opérations distinctes. La Banque d’Angleterre relance cette pratique pour, elle aussi, satisfaire les banques.
La BCE, de son côté, se pose des tas de questions sur la solidité réelle des banques placées sous sa tutelle. Elle prépare des mesures de valorisation lui permettant d’évaluer les actifs bancaires à leur juste valeur. Elle tiendra compte des sous-jacents et de leurs risques. Elle a déjà annoncé que les banques regorgeant d’emprunts de leur Etat seraient pénalisées. Ce qui a immédiatement affecté les banques espagnoles et italiennes. Ces dernières achetaient et achètent encore massivement des emprunts de leur Etat, pas tant pour soutenir le gouvernement en place, mais plutôt pour éviter toute perte de change le jour où leur pays quitterait la zone euro. Pour rendre plus crédibles les prochains tests de résistance qu’elle accomplira en collaboration avec l’Autorité bancaire européenne, la BCE sacrifierait quelques banques en Europe.
Ces trois banques centrales ont aussi l’intention de changer leur référence concernant la croissance. Elles n’utiliseraient plus le PIB mais se référeraient aux revenus nominaux. Le premier révèle la croissance réelle – pour autant qu’il soit convenablement calculé – alors que le second chiffre la croissance sans se soucier des variations des prix. Le changement serait justifié par l’absence d’inflation. Si les prix ne bougent pas, les deux calculs aboutissent effectivement au même résultat.
Ce changement de référence vise deux buts simultanément. Le premier est limpide : il évite que l’assouplissement monétaire ait une quelconque influence sur la croissance. Si cet assouplissement alimente l’inflation, elle engendrera automatiquement une hausse des revenus, qu’il y ait croissance réelle ou pas. La seconde raison vise les dettes. Il devient évident qu’il sera impossible de rembourser toutes les dettes. Si on ne les annule pas volontairement, il ne reste pas d’autre solution que de les rembourser en monnaie de singe. Les banques centrales ont donc trouvé l’argumentaire adéquat pour justifier leur politique future.
Le Fonds monétaire international (FMI) s’est immiscé dans le débat. Il a calculé que les banques devraient disposer de quelque 73.000 milliards de dollars (USD) de collatéraux pour mener leurs affaires. Les banques centrales et les chambres de compensation en ont mobilisé une large partie. Malgré l’émission continue de nouveaux emprunts d’Etat, leur croissance ne suffirait pas à couvrir les besoins des banques, estime le FMI. Il craint que plusieurs grandes banques ne s’écroulent si elles ne parviennent pas à faire face à leurs difficultés. Aussi demande-t-il aux autorités compétentes de se doter d’un droit de confiscation de l’épargne pour sauver les banques dans le besoin. Il a chiffré qu’une ponction de 10% suffirait, à étaler sur plusieurs années.
Tous ces projets et déclarations ne sont qu’une fuite en avant. Ils ne résolvent en effet rien du tout. Au contraire, ils sapent la confiance et feront que les marchés évolueront toujours plus chaotiquement. Le scandale des écoutes tombait à point nommé pour détourner l’attention. Sur le marché des changes, la guerre des devises est repartie de plus belle. Les spéculateurs s’adonnent de nouveau aux carry trades pour profiter des différentiels de rendements entre les devises. Les pays affectés ont toutefois pris des dispositions pour freiner la hausse de leur monnaie. Avec succès pour l’instant. Le rand sud-africain (ZAR) a baissé de 1,2%, le réal brésilien (BRL) de 2,2%, la lire turque (TRY) de 1,7%. Même les dollars australien (AUD) et néo-zélandais (NZD) ont fléchi respectivement de 1,4% et 2,9%.
Les taux d’intérêt ont partout glissé vers le bas, avec un léger aplatissement des courbes pour conséquence. Les taux à long terme ont fléchi de 10 points de base en moyenne, deux fois plus que le court. La tendance était positive sur le marché des capitaux. On dénombrait trois fois plus de titres à la hausse qu’inversement. Les titres de meilleure qualité l’emportaient sur les autres. Ceux de pacotille ont perdu du terrain.
L’activité sur le marché primaire a quelque peu repris. Aucune émission sensationnelle n’a cependant vu le jour. Les émetteurs ont préféré augmenter les emprunts existants par l’émission de nouvelles tranches. La plupart d’entre elles s’adressaient aux institutionnels. Les petits porteurs n’avaient pas grand-chose à se mettre sous la dent. La BEI (AAA, supranationale) offre un rendement de 1,31% à 6 ans avec sa nouvelle tranche en EUR. C’est un peu moins que la moyenne du marché. Nous vous renvoyons pour cette raison à cette autre émission de la même institution (alt.1) qui est plus conforme. Sa nouvelle tranche en ZAR, en revanche, est correcte. Nous lui préférons toutefois les titres sur le marché secondaire cotant sous le pair (100%). La Banque européenne de développement BERD (AAA, supranationale) augmente le montant de son emprunt de 400 millions USD. Les conditions sont correctes. Vous trouverez cependant mieux sur le marché secondaire. L’émission ne convient qu’à ceux qui utilisent effectivement le dollar.
Obligations
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici