Réaction enthousiaste des marchés
La surprise était de taille la semaine passée. Pourtant, personne n’aurait dû s’étonner que la Banque centrale américaine (Fed) n’ait rien entrepris. En effet, son président Ben Bernanke avait souligné qu’il n’agirait que s’il était convaincu que la reprise était durable et que le taux du chômage tomberait sous la barre de 7%, chiffre qu’il a récemment revu à la baisse, le ramenant à 6,5%. Comme aucune de ces deux conditions n’était remplie, il était tout à fait prévisible que la Fed n’entreprît rien.
Tout le monde avait tablé sur une diminution de 10 milliards de dollars. L’attente était compréhensible. Tout d’abord, parce que Bernanke avait annoncé à l’époque que la première réduction pouvait avoir lieu en septembre. Ensuite, parce qu’on a été assailli ces derniers mois de chiffres prometteurs quant à la croissance du pays. On a même prétendu un moment qu’elle atteignait 2,5% sur une base annuelle. Il n’en est rien, naturellement, pour les raisons suivantes.
Pour commencer, la situation des banques reste précaire. Officiellement, elles sont tirées d’affaire et n’ont jamais été aussi saines qu’aujourd’hui. Si c’était vraiment le cas, la Fed aurait alors adapté ses largesses ou, à tout le moins, les aurait rendues conditionnelles. Le fait qu’elle n’ait rien modifié souligne la précarité de la situation des banques. Elles ne survivent que grâce à la perfusion monétaire de la Fed. Elles utilisent cette manne sur les marchés où elles financent leurs diverses spéculations.
La seconde raison est que la Fed ne souhaite pas étouffer la reprise, aussi modeste soit-elle. L’expansion monétaire remplit un rôle macroéconomique. Pour la majorité, elle est destinée à soutenir la relance via le crédit. C’est du moins ainsi qu’on nous la présente toujours. En fait elle sert à gonfler la valeur des actifs via leur cotation sur les marchés. De la sorte on crée une croissance artificielle qui ne repose pas sur une croissance réelle provenant de la production. Les banques sont très friandes de ce genre d’approche. En manipulant les cours à la hausse, elles renforcent leurs actifs, ce qui leur permet de diminuer leurs provisions et donc de réduire leurs fonds propres.
Cette situation cause d’ailleurs pas mal de soucis à la Banque Centrale Européenne. Cette dernière prépare actuellement son audit des banques qu’elle effectuera au début de l’année prochaine. Il est primordial qu’elle ait une vue d’ensemble, débarrassée des différences d’appréciation et de valorisation d’une institution à l’autre, voire d’un pays à l’autre.
Pour les investisseurs, l’absence de réduction des largesses monétaires est une mauvaise nouvelle. En agissant de la sorte, la Fed génère des taux d’intérêt artificiellement bas, alimente la spéculation et crée de nouvelles bulles spéculatives. Les entreprises et les banques profiteront aussi vite que possible de la faiblesse des taux d’intérêt pour lancer de nouveaux emprunts ou pour financer des reprises de grande envergure. Il faudra alors se poser à chaque fois la même question : ces opérations ont-elles une influence positive et durable pour l’ensemble de l’économie ? Si elles se bornent à fournir des profits immédiats, elles se résumeront à écrémer les disponibilités, favoriseront la concentration, ce qui rendra le système plus instable que jamais.
Pour l’instant, les marchés ont salué avec enthousiasme la décision. Les capitaux apatrides sont retournés massivement vers les pays émergents. Une preuve supplémentaire que les déficits commerciaux de ces pays ne jouent aucun rôle dans les décisions d’investissement. Le dollar (USD) a perdu des plumes dans l’aventure. D’une semaine à l’autre, il s’est tassé de 1,6% face à l’euro, autant que le yen (JPY). La devise la plus performante de la semaine écoulée était le réal brésilien (BRL). Il a progressé de 1,3%. Malgré l’annonce d’un relèvement de ses taux directeurs très prochainement, la couronne norvégienne (NOK) a abandonné 1,7%. Occasion idéale pour renforcer les positions dans cette devise.
Le marché obligataire s’est redressé par suite de l’absence de restrictions monétaires. On dénombrait partout plus de titres orientés à la hausse qu’inversement. Le rapport variait entre 4 contre 1 et 20 contre 1. Les gains étaient parfois substantiels. Les emprunts en EUR de Chypre ont gagné en moyenne 5%, ceux de l’Italie 2%. Les emprunts souverains de longue durée se sont tassés. En USD, on remarquait la forte progression de tous les souverains émergents, avec des bénéfices atteignant 8%. Seule l’Indonésie manquait à l’appel. Les échelles des taux d’intérêt ont glissé vers le bas tout en se raidissant légèrement. Le mouvement restait cependant modique.
De nouvelles émissions, souvent de grande envergure, ont déferlé sur le marché primaire. Elles ont toutes profité de la baisse impromptue des taux d’intérêt. Peu d’entre elles s’adressaient toutefois aux petits porteurs. Le rendement de 9,66% en BRL sera vraisemblablement irrésistible pour bien des investisseurs. La nouvelle émission de la KfW (AAA, avec garantie de l’Allemagne) fait néanmoins partie des emprunts à devise double. Le titre est libellé en BRL mais toutes les transactions s’effectuent en USD. Le risque de change est donc très important.
La même institution augmente le montant de son émission en lire turque (TRY) de 100 millions. Le prix demandé est trop cher. Les titres existants s’échangent contre 102,38% (7,78%) et restent plus avantageux tant que frais et différence de prix ne dépassent pas 1,53%. La BEI (AAA, supranationale) lance elle aussi une tranche supplémentaire dans la même devise. Elle est beaucoup trop chère. Il vaut d’ailleurs mieux éviter les emprunts en TRY. Ils ne conviennent que pour récupérer une perte de change. Mais pour cela, il vaut mieux les acheter sous le pair (100%).
Belfius Bank (Baa1) lève 500 millions d’euros et offre 2,29% de rendement, soit 0,89% de plus que la moyenne du marché. Ce qui est plutôt chiche. L’émission est néanmoins bien accueillie et cote déjà au-dessus de son prix de souscription sur le marché gris. Bremer Landesbank (A3) est trop chère. Préférez lui la BNP Paribas (A, alt.1) tant que frais et différence de prix n’excèdent pas 0,94%. Les émissions industrielles de Hapag-Lloyd (B2), Glencore (BBB) et Lafarge (BB+) ne rencontrent actuellement aucune concurrence. Leur surrendement est aussi appréciable, respectivement de 6,35%, 1,54% et 2,94%.
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